"blink scrounch blonk"

camille de rijck

 

Salvatore Sciarrino est un compositeur autodidacte. Bien sûr, cela ne le singularise pas trop ; comme disent certains compositeurs très appréciés de l'équipe du Forum Opéra " on n'apprend pas à inventer ". Sa musique est reconnaissable entre mille, elle ne s'impose aucune contrainte, elle n'appartient à aucune école, elle ne découle que d'un certain neo naturalisme qui ne serait propre qu'à Sciarrino. Mais toutes ces (a-)nominations sont bien floues et superflues, ce qui compte réellement c'est d'assimiler le fait que - chez Sciarrino - la musique tient lieu d'onomatopée.

Le thème de Luci Mie traditrici tendait un piège colossal à son propre auteur, celui qui aurait consisté à parodier l'écriture musicale de Gesualdo. Sciarrino passe bien évidemment à côté sans sourciller. La pièce prend cependant forme de madrigal, mais l'intention n'a rien de parodique, elle coule même de source. L'écriture vocale est déconcertante de simplicité, de l'élégie initiale pour contre ténor, suave et
envolée au recitar cantando à mi vitesse omniprésent dans la pièce. Sciarrino a inventé une vocalité qui prendrait place entre le staccato montéverdien et les
vocalises trillées de Rossini. Elle demande aux interprètes une agilité vocale accomplie et sollicite toutes les couleurs de leur instrument.

Quand on chante, l'orchestre badine. Dans les jardins du château, on devine un oiseau sournois, on devine le souffle du valet espion, les pulsations cardiaques, le
vent. Musique illustrative plus que narrative, d'une légèreté et d'une modestie telles que ce sont les chanteurs qui font office d'orchestre et les quelque quinze instrumentistes qui tiennent lieu de solistes. Les violons jouent généralement sur une seule corde, la plus aiguë, pincée et à peine effleurée. " C'est Sciarrino lui-même qui a enseigné ses gestes musicaux à l'orchestre ", explique Kazushi Ono,
directeur musical de la dernière production bruxelloise de l'oeuvre.

Entre les scènes fleurissent des passages orchestraux épurés qui renvoient explicitement à la Renaissance ; une fois encore c'est la couleur plus que la pâte qui oriente l'auditeur.

Auditeur en fin de compte charmé à en juger par le succès que l'oeuvre a recueilli à chacune de ses sorties. Nouvelle fort réjouissante au demeurant vu qu'à aucun moment elle ne se soucie d'accessibilité,.

Disons que sa lisibilité coule de source.