Argument

Jean-Christophe Henry

 

* Acte I :


Tableau 1 : Paris, avril 1789. Le chevalier de la Force surgit dans la bibliothèque de son père. Il s'inquiète du sort de sa sœur Blanche dont on a aperçu le carrosse dans les faubourgs de la ville, au milieu d'une foule en colère. Le marquis rassure son fils, mais se souvient de la rixe de rue dans laquelle il se trouva jadis pris avec son épouse. Celle-ci mourut la nuit suivante en donnant prématurément naissance à Blanche qui fut une enfant renfermée et trop craintive. Le chevalier redoute les effets de cette nouvelle frayeur sur l'esprit apeuré et morbide de Blanche.
Blanche, qui s'en est sortie sans dommage, arrive et, épuisée, énervée, se retire dans sa chambre. Elle réapparaît quelques instants après, terrifiée par une ombre, et annonce à son père que, se sentant incapable de s'adapter à la vie dans le monde, elle a décidé d'entrer chez les carmélites de Compiègne.

Tableau 2 : Plusieurs semaines se sont écoulées. Blanche s'est rendue à Compiègne pour demander à entrer au couvent. La prieure âgée, Mme de Croissy, l'interroge sur sa vocation et la met en garde contre la conception du couvent comme refuge à l'écart du monde. Elle insiste sur la priorité de l'ordre, à savoir la prière. Blanche fait part à la prieure de son souhait, si elle était admise, de prendre le nom de sœur Blanche de l'Agonie du Christ.

Tableau 3 : Blanche, novice au couvent, travaille dans la tour en compagnie d'une autre jeune religieuse, Constance de Saint-Denis. Le bavardage insouciant de Constance irrite Blanche qui lui reproche sa bonne humeur alors que la prieure est gravement malade. Constance propose que Blanche et elle-même offrent leurs vies pour celle de la prieure, mais Blanche rejette violemment cette idée. Constance lui confie qu'elle croit que toutes deux vont mourir jeunes et le même jour.

Tableau 4 : Dans l'infirmerie, la prieure, soignée par mère Marie, va mourir. Seule et terrifiée, elle ne se sent pas prête à affronter sa mort prochaine, en dépit d'une vie consacrée à la méditation et à la prière. Elle avoue sa sollicitude particulière pour Blanche et les craintes qui l'agitent quant à son bien-être. Elle la confie aux soins et à la protection de mère Marie. Blanche entre dans la chambre de la malade et la prieure, en lui disant tendrement adieu, lui recommande une dernière fois de ne pas se mépriser elle-même mais de remettre son honneur entre les mains de Dieu. La prieure sombre ensuite dans le délire, alors que son agonie commence, et, ayant la vision prémonitoire de la chapelle vidée et profanée, s'insurge contre Dieu. Mère Marie tente d'éloigner les autres religieuses, mais Blanche s'introduit de nouveau dans la chambre et assiste au trépas de la prieure terrorisée et désespérée.

 

* Acte II :


Tableau 1 : La nuit. La prieure repose dans la chapelle, son cercueil est ouvert. Blanche et Constance la veillent debout. Leur veille s'achevant, Constance part chercher leurs remplaçantes et laisse Blanche seule avec la dépouille. Blanche prend peur. Au moment où elle tente de fuir, elle croise mère Marie qui la réprimande tout en la pressant de ne pas s'appesantir sur cet incident. Mère Marie raccompagne Blanche à sa cellule.

Interlude 1 : Dans le jardin du couvent, Blanche et Constance arrangent des fleurs pour la tombe de la prieure. Constance espère que Mère Marie sera élue nouvelle prieure. Elle expose à Blanche la théorie selon laquelle Dieu ayant à tort destiné une mort horrible à l'ancienne prieure, quelqu'un de moins méritoire bénéficiera donc de cette agonie, connaissant une fin inattendue, paisible et douce.

Tableau 2 : Les religieuses sont réunies dans la salle du chapitre pour prêter obédience à la nouvelle prieure, Mme Lidoine, femme d'origine modeste. Elle adresse son discours inaugural à la communauté dans un langage simple et direct, l'avertissant de la fin des temps de paix et de sécurité ainsi que des procès inopinés qui attendent les religieuses et souligne que, quelle que soit la menace, celles-ci ne doivent pas prétendre à autre chose qu'à leur humble devoir de prière.

Interlude 2 : Devant l'ampleur des troubles, le chevalier de la Force s'apprête à quitter le pays et se rend en secret au couvent pour faire ses adieux à Blanche. La prieure demande à mère Marie d'assister à l'entretien du frère et de la sœur.

Tableau 3 : Le chevalier supplie Blanche de quitter le couvent pour sa sécurité et de retourner chez son père. Il l'accuse de rester au couvent par peur, ou par peur de la peur. Blanche maintient qu'elle dépend désormais de la volonté de Dieu ; elle lui demande de respecter son état de fille du Carmel et le combat qu'elle mène à sa façon. Mais sitôt le chevalier parti, son assurance s'écroule et mère Marie la soutient pour sortir.

Tableau 4 : Il a été interdit à l'aumônier du couvent, qui vient de dire sa dernière messe, de remplir ses fonctions. Il prend congé des religieuses dans la sacristie et assure à Blanche qu'il restera à proximité. Constance est outrée que la France ne protége pas ses prêtres et mère Marie relevant une observation de la prieure, déclare que, pour préserver l'Eglise, les religieuses du Carmel ne peuvent que renoncer à la vie. La prieure tranche fermement : la décision de choisir le martyre ne leur appartient pas.
L'aumônier, bloqué dans la rue entre la foule et une patrouille de soldats, s'abrite provisoirement au couvent. Alors qu'il tente de se sauver pour la deuxième fois, la foule cogne à la porte extérieure. Deux commissaires annoncent que l'Assemblée législative a ordonné la fermeture et la vente de tous les établissements confessionnels. Les religieuses doivent quitter le Carmel. Mère Marie réaffirme sa conviction que les carmélites ont encore un rôle à jouer, celui de martyres.
Après que les commissaires aient quitté les lieux, mère Jeanne annonce le départ de la prieure pour Paris. Afin de réconforter Blanche, prostrée dans l'effroi et la confusion, elle lui tend une statuette de l'Enfant Jésus. La clameur de la foule au-dehors fait sursauter Blanche. Elle lâche la statue qui se brise sur le sol de pierre. " le Petit Roi est mort ! il ne nous reste plus que l'Agneau de Dieu ".

 

* Acte III :

 

Tableau 1 : La chapelle du couvent a été saccagée et profanée. Les religieuses sont rassemblées autour de mère Marie qui exerce l'autorité en l'absence de la prieure. Elle propose aux religieuses, pour la perpétuation de leur ordre, de faire vœu de martyre. Leur résolution doit être unanime, or le scrutin présente une voix divergente. On suspecte Blanche, mais Constance en assume la responsabilité et demande à revenir sur sa décision. La motion est adoptée et l'une après l'autre en commençant par Blanche et Constance, les religieuses s'agenouillent et prononcent le vœu de martyre. Dans son affolement, Blanche s'enfuit.

Interlude 1 : La prieure est revenue et les religieuses ont évacué le couvent. Elle sont habillées de vêtement civils ; un officier les accueille comme nouvelles citoyennes de la République et les prévient qu'elles resteront sous surveillance. Il leur interdit tout contact avec des prêtres et toute pratique relative à leur foi. La prieure envoie une religieuse avertir l'aumônier qui devait célébrer la messe du matin pour elles. Mère Marie estime que cette prudence va à l'encontre du vœu qu'elles ont prononcé.

Tableau 2 : Blanche est retournée chez son père à Paris. La maison a été pillée et Blanche sert désormais de domestique à ses nouveaux occupants. Mère Marie vient sommer Blanche de revenir à Compiègne se mettre à l'abri. Blanche paralysée par la peur qui l'assaille depuis l'enfance, lui résiste. Elle se sent indigne de son père qui a été guillotiné et demande seulement qu'on la laisse seule. Mère Marie lui indique une adresse sûre, convaincue que Blanche l'y rejoindra.

Interlude 2 : Blanche apprend dans la rue que les religieuses ont été arrêtées.

Tableau 3 : Les carmélites, amenées à Paris, sont emprisonnées à la Conciergerie. La prieure les encourage et prononce elle-même le vœu de martyre. Constance est préoccupée par Blanche mais garde la certitude qu'elle viendra les retrouver. Le geôlier annonce que le tribunal révolutionnaire les a toutes condamnées à mort.

Interlude 3 : Mère Marie rencontre l'aumônier en secret dans une rue de Paris. Celui-ci lui fait part de la sentence de mort prononcée envers les religieuses. Mère Marie, bouleversée à la pensée que ses sœurs vont mourir sans elle, a le sentiment de manquer à son honneur. L'aumônier lui montre cependant qu'elle doit accepter sa délivrance comme la volonté de Dieu.

Tableau 4 : 17 juillet 1794. Les carmélites sont emmenées en charrette sur la place de la Révolution sous les yeux d'une foule nombreuse. L'une après l'autre, à la suite de la prieure, elles montent à l'échafaud en chantant le Salve Regina. Constance est la dernière. Au moment de monter à l'échafaud, elle aperçoit Blanche qui se fraye un chemin dans sa direction à travers la foule. A la stupéfaction générale, Blanche suit ses sœurs à la guillotine, paisiblement et sans peur.