C O N C E R T S 
 
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PARIS
22/01/07

© DR 
Patrizia Ciofi (soprano)
Joseph Calleja (ténor)


Donizetti

Don Pasquale :Ouverture
"Quel guardo il cavaliere"

Verdi
Macbeth : "Ah, la paterna mano"

Mascagni
Cavalleria rusticana : Ouverture

Donizetti
Lucia di Lammermoor : "Regnava nel silenzio"
L'Elisir d'amore : "Una furtiva lacrima"
Lucia di Lammermoor : "Qui di sposa" (duo)

Gounod

Faust : valse
Roméo et Juliette : "Ah, lève-toi soleil"
"Je veux vivre"

Massenet
Thaïs : Méditation
Werther : "Pourquoi me réveiller"

Donizetti
La fille du régiment : "Il faut partir"

Puccini
La Bohème : "O soave Fanciulla"

Bis
Puccini
La Bohème : "Quando me'n vo"
de Curtis : "Non ti scordar di me"

Verdi
La Traviata : "Libiamo"

Orchestre National d'Ile-de-France
Direction : Alain Altinoglu

Théâtre des Champs-Elysées
Les Grandes voix

Lundi 22 janvier 2007, 20 heures

Calleja/Ciofi ou le choc des contrastes


Décidément la mode est aux couples de chanteurs sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées depuis le triomphe du concert Dessay/Villazon en avril 2006. Cette saison, Anne Sofie von Otter et Peter Mattei ont ouvert le bal en décembre dernier, suivront, dans la série des Grandes Voix, Daniela Barcellona et Juan Diego Florez le 5 février puis le couple star du moment, Rolando Villazon et Anna Netrebko le 28 mars prochain.

Ce soir c'est Patrizia Ciofi et Joseph Calleja qui sont placés sous les feux de la rampe, ce qui nous vaut une intéressante confrontation entre une chanteuse aguerrie, près de vingt ans sur scène, déjà, et un ténor presque à l'orée de sa carrière.

Bien connue du public parisien depuis son remplacement de Natalie Dessay dans Lucie de Lammermoor au Châtelet en 2002, la cantatrice italienne est une habituée du Théâtre des Champs-Elysées, où elle a été applaudie notamment en Poppée, Suzanne et Donna Anna au cours des deux dernières saisons. On retrouve les qualités qui font d'elle, une personnalité attachante: un timbre au charme indéniable, une sensibilité à fleur de lèvres qui fait mouche dans "Il faut partir", le moment le plus émouvant de la soirée, et une délicatesse qui convient idéalement à Juliette dont elle livre une très jolie valse, agrémentée de variations inédites. En revanche, l'air d'entrée de Lucia, révèle les limites de cette interprète: de l'héroïne de Scott elle a la fragilité et la pudeur mais la partition réclame un registre grave plus étoffé et le timbre, privé de chair, peine à évoquer l'effroi du personnage déjà en proie à la folie. Plus convaincant est le duo "Qui di sposa" qui précède l'entracte. D'autre part si sa Musette, impeccablement chantée, est mutine à souhait, elle manque par trop de sensualité, une composante essentielle du personnage. De fait, Ciofi s'est montrée bien plus adéquate en Mimi dans le duo du premier acte de La Bohème qui concluait le programme. Au final une prestation en demi-teinte d'une belle artiste, plus à son affaire dans l'élégie que dans le drame.

Tout à l'opposé est la performance de Calleja, nouvelle star du label Decca, dont c'étaient ce soir, les débuts attendus à Paris (1). Dès son premier air on est impressionné par le volume de la voix, la luminosité du timbre et la facilité de l'aigu. La suite du concert nous révèle son art des nuances -le diminuendo sur l'aigu final de "Ah, lève-toi soleil" a déclenché à juste titre l'enthousiasme du public- et la clarté de sa diction française. Cependant, si l'exquise demi-teinte sur la phrase "Che m'ami di'", dans le duo de la Bohème, convainc irrésistiblement, force est de reconnaître que d'une façon générale, sa caractérisation des personnages est quelque peu sommaire: à cet égard le lied d'Ossian est révélateur, rien dans l'interprétation de Calleja, ne différencie vraiment Werther de Roméo ! Certes, les moyens sont là, insolents, les nuances aussi, mais ce werther-là n'a rien de suicidaire et l'on chercherait en vain un soupçon de désespoir dans une phrase telle que: "ils ne trouveront plus que deuil et que misère, hélas!" Sans doute lui manque-t-il d'avoir chanté ces rôles dans leur intégralité au théâtre? Sans doute aussi, le trac, bien compréhensible en de telles circonstances, y est-il également pour quelque chose, trac que trahissait une certaine tendance du ténor à accélérer par moment le tempo en fin de phrase.

L'art du récital n'est pas aussi aisé qu'il y paraît et nombreux sont les chanteurs qui ne s'y sont risqués qu'après plusieurs années de carrière. Joseph Calleja est jeune, 29 ans à peine, et s'il possède des atouts que beaucoup pourraient lui envier, il lui reste encore à s'emparer de ses personnages pour en traduire tous les affects, qualité qu'il acquerra, on le lui souhaite, avec l'expérience de la scène, il en a largement les moyens.

Au pupitre, Alain Altinoglu fait sonner l'Orchestre National d'Ile-de-France toutes voiles dehors, et si l'ouverture de Don Pasquale a paru bien tonitruante, l'intermezzo de Cavalleria et surtout la méditation de Thaïs ont davantage convaincu.

 

Christian PETER

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(1)  L'avant-veille Joseph Calleja avait donné à l'Opéra de Massy un récital au programme similaire en compagnie de son épouse, la soprano moldave Tatiana Lisnic.

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