OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
22/01/2008
 
Natalie Dessay © DR (Emi)


Natalie DESSAY soprano

Concerto Köln
Direction Evelino Pidò
 
Gaetano Donizetti (1797 – 1848)
Maria Stuarda , « O Nube »

Luigi Cherubini (1760 – 1842)
Sinfonia en ré majeur

Vincenzo Bellini (1801 – 1835)
I Puritani, « O rendetemi la speme... Qui la voce sua soave... Vien, diletto »

Entracte

Gaetano Donizetti (1797 – 1848)
Roberto Devereux, ouverture

Giuseppe Verdi (1813 – 1901)
Rigoletto, « Caro Nome »

La Traviata,
prélude de l’Acte I et « È strano! È strano! in cor »

Bis

Vincenzo Bellini (1801 – 1835)
I Capuleti e i Montecchi, « Oh! quante volte »

Gaetano Donizetti (1797 – 1848)
Lucia di Lammermoor , « Spargi d’amaro pianto »

Paris, Théâtre des Champs-Elysées
le 22 janvier 2008 à 20h00
- Cycle Les Grandes Voix -

Pas si pauvre que ça !


Natalie Dessay a fait couler tellement d’encre, de salive et de paquets d’octets que pour un peu, pris entre les feux, on refuserait de chroniquer l’un de ses disques ou l’un de ses concerts. Trop risqué ! Certains ici même en ont fait l’amère expérience. Pour juguler les passions, Sylvain Fort, notre brillant éditorialiste, ose ce mois un plaidoyer intitulé « Pauvre Natalie ! », plaidoyer auquel d’ailleurs on adhère à 100%. Oui Natalie Dessay est une artiste formidable à laquelle plus d’un mélomane doit quelques belles émotions. Et ce n’est pas terminé si l’on en croit la standing ovation qui accueille la fin de son récital au Théâtre des Champs-Elysées. Même si l’on se demande quelle est la part de sincérité et celle de snobisme. Le public qui se lève comme un seul homme est aussi celui qui, une heure auparavant, applaudissait entre chacun des mouvements de la symphonie de Cherubini. L’interruption d’une œuvre par des applaudissements surprend quand on a un tant soit peu l’habitude des concerts classiques. L’avantage, c’est que ça réveille car non seulement on ne s’était pas déplacé pour Cherubini mais en plus, sa symphonie, la seule qu’il composa, ne vaut que parce qu’elle est unique. Egarée dans son siècle et sa patrie – c’est l’une des rares écrite par un compositeur italien à cette époque – située entre Haydn et Beethoven – la science de l’un et le souffle de l’autre en moins – elle ne réussit qu’à souligner les insuffisances du Concerto Köln. Evelino Pidò a beau se démener comme un diable, l’orchestre ne semble pas dans ses meilleurs jours. Les bois verdissent, les cordes dérapent, le son s’émiette… Revenons plutôt à Natalie Dessay.

Le programme de la soirée comprend une bonne partie des airs de bel canto qui formaient son dernier enregistrement. Sont-ils controuvés comme l’écrivait notre cher Sylvain ? Controuvé, c'est-à-dire inventé de toutes pièces. Oui, au sens où la voix de la soprano semble avoir été fabriquée pour jouer dans une catégorie qui a priori n’est pas la sienne ; elle ne possède ni la chair, ni l’esprit qu’exige ce répertoire. L’air de Maria Stuarda, incolore, et la scène de folie d’I puritani, languissante, le confirment. Il y a pourtant dans le timbre des reflets de lune que Bellini ne renierait pas, ceux-là même qui argentaient jusqu’à l’excès son enregistrement de La Somnambule l’automne dernier. Ils éclairent ce soir de leur lumière bleutée la cantilène de Juliette des Capulets et Montaigus offert en bis et le portrait opalescent qu’ils révèlent est suffisamment séduisant pour donner envie d’en entendre et d’en voir plus. L’autre bis, « Spargi d’amore pianto » de Lucia di Lammermoor, est interprété avec plus de sobriété que d’autres fois sans atteindre à la même vérité. « Ce sera le dernier » prévient la cantatrice qui consent alors un sourire, le premier de la soirée. On l’a sentie le reste du temps très nerveuse. Dommage car dès qu’elle laisse de côté ses angoisses, Natalie Dessay a vite fait d’atteindre des sommets : ceux pointés par un « Caro nome » inépuisable de fraîcheur, de souffle et d’aigus assurés car assumés, et ceux moins vertigineux mais encore plus habités du grand air de La Traviata. On pourrait croire que son passé de colorature la prédestinait à l’ivresse du « Sempre libera » plutôt qu’aux affres d’« Ah, fors’e lui ». C’est l’inverse. La cabalette, couronnée par un contre-mi certain, n’appelle pas de reproches mais n’enivre pas. La cavatine, en revanche, stupéfie tant elle est vécue dans les moindres nuances d’un chant qui enfin s’oublie pour voler de ses propres ailes. Les détracteurs de Natalie Dessay peuvent alors gloser sur sa façon d’être, de parler, de jouer ou de chanter. On ne prête qu’aux riches.


Christophe RIZOUD
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