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L'édito...
Sylvain C. Fort
janvier 2008
 

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Pauvre Natalie!

Ces derniers temps, il est devenu d’usage parmi les lyricophiles de moquer les performances de Natalie Dessay. Que n’a-t-on pas lu çà et là, dans des revues, des forums, des blogs !Les aigus seraient durcis, la musicienne serait sommaire, l’actrice serait outrancière, etc.

Certes, quelques-uns, et non des moindres, persistent dans leur admiration inconditionnelle pour la diva française, mais combien sont-ils encore face à la meute des pourfendeurs ironiques et des sceptiques rigolards ? La diva elle-même n’hésite pas à alimenter les doutes en offrant un récital d’airs italiens controuvés ou bien en répondant ad nauseam à tout ce qui lui tend un micro. Ainsi aurons-nous récemment appris que deux de ses chats se nomment Polype et Nodule, et que seul le bon sens inébranlable des rejetons de la dame a épargné au troisième félin de se prénommer Kyste. Certains n’ont peut-être pas oublié que l’auteur même de ces lignes y alla jadis de son couplet, joignant sa voix feulante aux hurlements des loups enragés.

Mais voilà : trop c’est trop. La dérision et la mauvaise foi ont atteint de condamnables extrémités. Et il est temps de remettre les choses à leur place. Si l’on put se permettre jadis de tirer quelques cartouches de gros sel sur cette aimable cible, c’est que nul ne le faisait et que certains travers de la dame nous irritaient. Désormais, tous s’acharnent sur la frêle carcasse de la jolie Natalie. C’en est devenu insupportable. Il convient donc de rappeler cette évidence sur quoi repose toute possible critique : Natalie Dessay est une immense chanteuse.

Au royaume amolli des divas neurasthéniques, elle a porté un vent de fraîcheur et de nouveauté. Et elle l’a fait en toute conformité avec sa nature. Sans se forcer. Sans adopter les œillades et les décolletés abusifs de sopranos transsylvaniennes. Sans se complaire dans le kitsch bon marché ou le sentimentalisme alangui de consoeurs blondes et flasques. Natalie (oui, appelons-là Natalie) a apporté son électricité dans un monde en panne, sa faim dans un univers repu, ses débordements dans un contexte encalminé, et sa sensualité de Lolita affranchie dans un parc de madonnes hiératiques et frigides. Elle a porté le feu où commençait à se mettre le gel. Elle l’a fait avec excès parce que rien de grand, rien de décisif ne se fait sans excès.

Ceux qui le lui reprochent aujourd’hui feraient mieux de songer au réveil qu’elle a imposé au monde de l’opéra. Les rivales qu’on lui désigne ne sont souvent que des imitatrices. Voire de simples doublures. Mais elle sème rapidement lesdites concurrentes dans le maquis de ses désirs toujours nouveaux. Elle avait dit qu’elle ne serait pas la soubrette de service. Ce rêve de grandeurs lyriques lui a valu bien des ennuis vocaux. Mais elle les a surmontés avec une force dont on ne devrait pas sous-estimer l’exemplarité. A la fin, elle y est arrivée. Elle a chanté ses Manon – et comment !- comme demain elle chantera sa Butterfly.

Une vedette du jour veut-elle copier les talents de tragédienne de la Dessay ? voilà que celle-ci arrache le pansement et vous fait hurler de rire. Une créature de marketing entend-elle lui en faire rabattre dans les pyrotechnies ? la Dessay a déjà depuis longtemps surmonté ces enfantillages et ne considère que l’épaisseur théâtrale. Veut-on lui reprocher d’être trop nature, trop franche, trop directe, pas assez mystérieuse, pas assez virginale même, qu’elle s’étale grand format partout dans les rues de New York en star ravageuse, renvoyant à leur jalousie les pin-ups improvisées qui ont oublié ce qui fait les vrais stars : l’instinct du chic.

Ce qui est bien avec Nat (appelons-la Nat), c’est qu’elle nous surprendra toujours. Attention : on ne dit pas qu’il ne lui arrive pas de se tromper, d’en faire trop, d’exagérer. Mais c’est le revers d’une envie inextinguible. D’une versatilité hors-norme. Et aussi d’une capacité de travail qu’elle masque, comme tous les vrais courageux, derrière la nonchalance d’une prétendue paresse. Nat avance, Nat va, Nat nous embarque et nous étonne, Nat nous irrite, Nat nous conquiert, Nat nous ravit et nous entraîne. Aucune autre que Nat ne sait faire ce que Nat fait. Laissons grommeler les arides et les avaricieux, et hurlons, avec cette pureté d’âme que commande la proximité de Noël : Vive Natalie !

Sylvain C. Fort
Éditorialiste

 
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