C O N C E R T S
 
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PARIS
(Opéra Garnier)

11/02/2002


Franck Leguerinel (Momus), Mireille Delunsch (La Folie), Paul Agnew (Platée), 
Laurent Naouri (Citheron) & Vincent Le Texier (Jupiter)
Platée
Jean-Philippe Rameau

Direction Musicale : Marc Minkowski

Mise en scène et costumes : Laurent Pelly
Décors : Chantal Thomas
Chorégraphie : Laura Scozzi
Lumières : Joël Adam

Orchestre et Choeurs des Musiciens du Louvre-Grenoble

Platée : Paul Agnew
La Folie/Thalie : Mireille Delunsch
Mercure/Thespis : Yann Beuron
Jupiter : Vincent le Texier
Junon : Doris Lamprecht
Un Satyre/Citheron : Laurent Naouri
L'amour/Clarine : Valérie Gabail
Momus : Franck Leguérinel

 
 


Certaines mises en scènes sont comme les bons petits plats. Plus vous les remettez sur le feu, plus vous en révélez les saveurs pour votre plus grand plaisir. Les spectacles de Laurent Pelly en font partie. Après une reprise euphorique de La Belle Hélène pour Noël, l'Opéra Garnier nous "ressert" son Platée avec une équipe très proche de celle de la création.

Comment résumer en quelques lignes un tel spectacle tant il fourmille d'idées ? Tout se passe dans un salle d'opéra (ou de théatre) qui va se désagréger tout au long du spectacle en se transformant en marécage. Pelly peuple cet univers de personnages cocasses, déjantés, émouvants...Parmi eux citons les dieux qui ne semblent pas venir de l'Olympe mais tout droit de Memphis de la grande époque d'Elvis, ou bien la Folie à l'extraordinaire costume de partitions qu'elle arrache pour les donner aux musiciens. Et puis sur, Platée, mi femme-mi batracien et son inénarrable sac à main en forme de nénuphar. Pour relever le tout, les ballets de Laura Scozzi tout en dynamisme et désarticulation renforcent le côté décalé et jubilatoire.

Cette fantaisie est d'autant plus justifiée que Rameau s'amuse à dynamiter allègrement les conventions de l'opéra et des ballets de son époque. Cette parodie est portée à l'extrême dans la scène de la folie, où Rameau se moque ouvertement des conventions musicales jusqu'à l'impertinence. Pourtant l'émotion est souvent présente car Rameau n'oublie pas que son personnage principal, tout en étant un peu stupide et très ridicule, mériterait certainement mieux que son rôle d'objet de moqueries. Son attente de l'amour est très touchant.

Musicalement, nous sommes également à la fête. Minkowski et les musiciens du Louvre semblent se régaler. Grâce à eux, la musique de Rameau est claire, balancée, incisive. Sur le plateau, les interprètes s'amusent aussi avec en tête Paul Agnew. Sa première apparition laisse un peu dubitatif car le chant peut sembler trop beau pour le personnage. Mais cette impression disparaît très rapidement car son jeu - à la fois drôle et émouvant - et les subtilités vocales (malgré quelques toutes petites faiblesses de projection ici et là) dont il fait preuve durant tout le spectacle sont remarquables, à croire que son costume de grenouille est une seconde peau. Il serait intéressant de le comparer à Gilles Ragon qui interprète Platée en alternance (gageons que son interprétation sera aussi d'une très grande qualité). Mireille Delunsch est une folie ébouriffante. Yann Beuron est un Mercure goguenard mais qui n'oublie pas de bien chanter. Vinent le Texier, malgré une voix abîmée, est un Jupiter classe et salaud à souhait. Laurent Naouri et Franck Leguérinel sont parfaits en comparses. Les choeurs très sollicités scéniquement sont excellents.

Le public a visiblement savouré ce spectacle avec délectation. Les applaudissements furent très nourris avec un triomphe mérité à Paul Agnew. L'équipe Pelly-Thomas-Scozzi fut également applaudie très chaleureusement.

Décidément, avec Platée et, dans un ton plus sérieux mais tout aussi réussi, Rodelinda, on peut se demander si le baroque ne serait pas un matériel idéal pour la fantaisie et l'imagination, en tout cas plus que l'opéra du XIXème siècle. Vaste sujet...

Bertrand Bouffartigue

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