OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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LYON
26/09/2007
 
Ruth Ann Swenson
(photo à New York, gala au Met Avril 2007)

© DR


Gaetano DONIZETTI (1797-1848)

MARIA STUARDA

Maria Stuarda, Ruth Ann Swenson
Elisabetta, Iano Tamar
Leicester, Dario Schmunck
Talbot, Giovanni Furlanetto
Cecil, Lionel Lhote
Anna Kennedy, Paula Gardina
 
Orchestre et Choeurs de l’Opéra de Lyon
Evelino Pido

Opéra de Lyon, le 26 septembre 2007

Reines sans couronnes


Après une année de pause, l’Opéra de Lyon revient à la Trilogie Tudor de Donizetti. Et cela, encore, pour son ouverture de saison, ce qui est au moins un choix original pour ne pas dire risqué. Commencé par la fin – avec Roberto Devereux - le projet s’attaque cette fois au premier des opéras du triptyque qui est, à coup sûr, plus connu – mais peut-être aussi moins directement payant que Bolena. Bref, c’est un peu la production du juste milieu… Dans tous les sens du terme, hélas !

Les chanteurs ont changé depuis Devereux ; pas le chef. Rien ne semble pourtant bien différent et la donne semble avoir été faite de manière égale, perpétuant le déséquilibre déjà remarqué entre des messieurs de grande tenue – sinon parfaitement exemplaires – et des dames en retrait.

On retrouve donc Pido, égal à lui-même. Horinzontal à l’extrême, théâtral – dans la meilleure et la pire tradition – s’attardant peu sur le détail, passant toujours et juxtaposant des moments d’agitation parfois vaine – le final du I – et un geste parfois mou, comme absent – le premier tableau du I. Avec cela, il trouve de belles couleurs lugubres, humides presque pour le début du dernier tableau qui n’est pas sans rappeler ce qu’il faisait de la scène de la prison de Devereux. En deux ans, Pido a pourtant perdu cette faculté de relancer la phrase et surtout d’intéresser. En clair, on ne reste pas longtemps suspendu à sa baguette.

Du coup, il peine aussi à canaliser les égarements de certains membres de son plateau. Et de Iano Tamar la première. Pourtant l’idée pouvait sembler bonne de rendre Elisabetta à sa vocalité de grand soprano dramatique, loin du mezzo charbonneux généralement employé dans le rôle. Une Semiramide, une lady Macbeth, à coup sûr, peut faire merveille ici. Sur le papier on imagine même des échanges volcaniques, surtout avec Maria. Tamar a ce timbre sombre, cette voix éruptive, comme outrée qu’on reconnaît bien. Mais les attaques sont globalement assez ignobles, rauques, vomies ; la ligne, en général, est anarchique, inapte à toute forme de legato.  Il n’en reste pas moins que l’on reste accroché à son mot, captivé, sans vraiment pouvoir y trouver de raison objective – pour pas dire avouable.

Pour ce qui est de l’objectivité, justement, Ruth Ann Swenson ne craint personne. Elle, remplace, sur le papier, Patrizia Ciofi déficiente. Sur le papier seulement ! Je parlais pourtant d’objectivité. Car Swenson a un timbre magnifique à présenter, à peine terni par ses 25 ans de background, à peine ombré d’un léger voile sur le medium, d’un vibrato lent apparent sur les – belles – tenues qui émaillent le rôle. Car la vocalise est impressionnante  dans la cabalette du premier air – encore que la mixture des registres puisse surprendre. Car l’air du deuxième tableau du II est impeccablement phrasé. Car l’ultime aigu du final impressionne, lancé à la bravade comme si même elle n’y croyait pas. Cela c’est ce que je qualifie donc de Maria objective. Pour le reste, on s’ennuie, tout simplement. On écoute et guère plus ; même quand Swenson sort de ses gonds – dans l’absolu, l’éruption est relative mais replacée dans son contexte elle se remarque – face à Elisabetta pour son « figlia impura di Bolena ». Et puis, peut-on décemment chanter les reines outragées avec un serre-tête ? Cela paraît anecdotique… Justement !

Le jeu est alors cruel de comparer ces reines à leurs comparses masculins. Que ce soit Lionel Lhote vraiment impressionnant – à défaut d’être toujours d’une distinction absolue – ou Giovanni Furlanetto d’une noblesse, d’une dignité fine et sans démonstration. 

Finissons sur le Leicester de Dario Schmunck. Pour lui, on pourrait reprendre tous les qualificatifs adressés à Stefano Secco dans Devereux. La voix n’est pas riche en harmonique mais d’un élan fougueux ; d’une poésie délicate aussi au premier tableau ; d’une projection affirmée aussi, tranchante, nette et sans bavure. Vu sa part de musique dans l’œuvre, c’est donc lui le grand triomphateur de la soirée.

En définitive, il vaut mieux passer son chemin pour – malgré  – toutes ces raisons.


Benoît BERGER

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Lire également le point de vue de Brigitte Cormier, Maria Stuarda au TCE, Paris

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