OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
30/09/2007
 
Iano Tamar
© DR


Gaetano DONIZETTI (1797-1848)

MARIA STUARDA

Tragédie lyrique en deux actes
Livret de Giuseppe Bardari
d’après la traduction italienne de Maria Stuart de Fredrich von Schiller
Création sous le titre Buondelmonte, Teatro San Carlo Naples, octobre1834

Création sous le titre Maria Stuarda, Teatro alla Scala, Milan 30 décembre 1835

Coproduction Théâtre des Champs-Élysées /Opéra National de Lyon
Version de Concert

Maria Stuarda, Ruth Ann Swenson
Elisabetta, Iano Tamar
Leicester, Dario Schmunck
Talbot, Giovanni Furlanetto
Cecil, Lionel Lhote
Anna, Paola Gardina

Orchestre et Chœur de l’Opéra National de Lyon
Evelino Pidò

Paris, Théâtre des Champs-Elysées

1/2

Plein succès d’estime pour une demi réussite


Après le triomphe d’Anna Bolena en 1830, l’opéra Maria Stuarda connaît en 1834 des débuts difficiles. Un terrible crêpage de chignon survient entre les deux prime donne. L’une, la volcanique Giuseppina Ronzi de Begnis, très appréciée de Donizetti, est la maîtresse du roi de Naples. C’est donc l’interdiction. Pour être joué, le compositeur doit défigurer son œuvre en acceptant une transposition inepte, changer l’époque, le titre et le nom de tous ses personnages ! L’année suivante à la Scala, bien que le titre soit rétabli, les nouvelles exigences de la censure et les provocations de la Malibran aboutissent à une deuxième interdiction. Résultat, il faudra attendre trente ans, hormis de rares passages en Italie et en Espagne, avant que l’ouvrage ne ressuscite à peu près sous sa forme actuelle en 1865.

Loin d’atteindre la renommée et la qualité musicale et dramatique de Lucia di Lammermoor créé à Naples en 1835, Maria Stuarda comporte trois moments d’une grande intensité : la scène entre Elisabeth et Leceister au premier acte, la confrontation entre les deux reines rivales (inventée par Schiller) au deuxième et surtout, au dernier tableau, la confession de Marie Stuart.

Nous ne possédons, bien sûr, aucune trace de l’interprétation des créatrices, mais au vingtième siècle, d’immenses cantatrices ont marqué ces rôles de reine, notamment Sutherland, Gencer, Verret, Caballé. Grâce aux enregistrements, beaucoup d’amoureux du belcanto ont ces voix mythiques dans l’oreille, ce qui les rend systématiquement insatisfaits, tant ils en sont imprégnés. À en juger par l’accueil peut-être excessivement enthousiaste fait à cette version de concert, ils n’étaient pas majoritaires ce dimanche soir au TCE.

Si la direction d’orchestre d’Evelino Pidò, comme d’habitude un peu prisonnier du rythme, accusait une monotonie qui freinait la montée de la tension dramatique sur le plan musical et accentuait au lieu de le compenser le côté inévitablement statique de la représentation en concert, il y avait dans sa lecture de la rigueur et parfois même une recherche du détail qui faisaient sonner chaque pupitre avec une grande clarté. Le contraste des premiers accords forte et de la clarinette solo, la légèreté de la harpe et des pizzicati s’opposant à la puissance massive des choristes étaient limpides. Et même si le contact avec les chanteurs est difficile quand ils ne font pas face au chef, Pidò est parvenu à soutenir efficacement Maria au moment indispensable pour elle, lors de sa longue scène finale.

Si Dario Schmunck a réussi une entrée remarquée qui faisait espérer un grand Leceister, le ténor argentin n’a pas tenu la distance. La voix est restée blanche et malgré son engagement apparent, il n’a ajouté — sauf peut-être à l’extrême fin — aucune consistance à ce personnage peu caractérisé. Si les deux basses interprétaient respectivement de manière très correcte les rôles de Talbot et Cecil, on a souvent connu Furlanetto en bien meilleure forme vocale et il a fallu attendre la fin du concert pour que Lionel Lhote se réveille et nous fasse entendre la chaleur de son timbre.

Si Iano Tamar s’affirmait insuffisamment altière pour incarner l’ambitieuse et cruelle Elisabeth qui ordonne par jalousie amoureuse la décapitation de sa rivale, sa capacité à nuancer finement lui permettait d’exprimer les contradictions et le combat intérieur du personnage. Sans être impressionnante ni vraiment prenante, la voix de la soprano géorgienne est bien posée. Son « è morta ogni pietà » a été fort efficace, cependant la joute verbale entre les reines rivales pour un homme et pour le trône, a été presque escamotée. C’est dommage car il s’agit du sommet dramatique de la partition. Il faut dire que l’absence de mise scène et l’éloignement dans l’espace des deux cantatrices ne favorisaient guère l’échange.

Si Ruth Ann Swenson, encore fragile après son grave problème de santé, restait prudente dans les aigus, son timbre agréable, sa flexibilité vocale et sa ligne bien tenue étaient préservés. Bien que manquant un peu de combativité, elle savait montrer l’orgueil qui anime constamment Marie Stuart. Pendant sa confession à Talbot, puis juste avant de monter sur l’échafaud, elle communiquait une émotion poignante et digne. Ceci lui a valu en fin de spectacle une ovation à laquelle elle ne semblait pas s’attendre et qui a immédiatement fait taire une tentative de huées heureusement à peine audibles. Elles provenaient vraisemblablement de spectateurs déçus de ne pas avoir entendu la Ciofi qui avait annulé ce concert plusieurs semaines auparavant.

Les magnifiques parties de chœur aux résonances pré – verdiennes étaient impeccablement tenues par les excellents Chœurs de l’Opéra de Lyon. Alors que les instruments et les proches de Maria se relayaient pour se fondre en une lamentation horrifiée « Che vista ! Che orrore ! » avant de s’apaiser sur l’injonction de la reine d’Ecosse transfigurée « Tolta al dolore, tolta agli affanni, d’eterno amore mi pascerò » (Plus de douleur, plus de tourments, je me nourrirai d’amour éternel) la marche funèbre prenait tout son poids dramatique.

Confondu par cette œuvre, ô combien romantique, le public a applaudi très longuement avant de quitter lentement une salle comble.



Brigitte CORMIER

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Lire aussi le point de vue de Benoît Berger , Maria Stuarda à Lyon

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