C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
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VERDI

Aïda
Gallardo-Domas, Borodina, Hampson, Salminen, La Scola, Polgar
Wiener Philharmoniker

Nikolaus Harnoncourt, direction
 

(TELDEC 8573-85402-2)


Quelle agréable surprise que cette dernière version d'Aida proposée par Nikolaus Harnoncourt et pourtant dieu sait qu'on appréhendait quelque peu l'introduction de cet ancien spécialiste du baroque dans le répertoire verdien ! Certes ses visions de Fidelio, du Freischütz se voulaient plus romantiques que les romantiques eux-mêmes et ses récentes incursions dans l'univers viennois de la famille Strauss avaient été enthousiasmantes mais de là à aborder Verdi et, qui plus est, avec Aida qui est une úuvre bien plus difficile à restituer qu'il n'y paraît, on pouvait craindre un fiasco ! Hé bien, il n'en est rien ! Cette version, rôdée à la scène à Zürich, est sans doute l'une des plus passionnantes qui aient été réalisées depuis la très belle version Muti (EMI). Le mérite en revient - à tout seigneur tout honneur - à Harnoncourt qui, très intelligemment, a gardé une formation orchestrale traditionnelle - le Wiener Philharmoniker - et a préféré travailler sur l'architecture même de l'úuvre tant sur le plan vocal que sur le plan orchestral. A juste titre, il rend l'ouvrage très intimiste par un allègement stupéfiant du tissu orchestral sans pour autant sacrifier la pompe de la scène du triomphe (une des plus réussies de toute la discographie) et allant même jusqu'à utiliser des trompettes égyptiennes fabriquées pour l'occasion. Tout l'art d'Harnoncourt réside aussi dans ce souci qu'il a de rendre chaque détail orchestral, y compris les plus inattendus! Bien évidemment, la distribution se coule avec bonheur dans un tel écrin. Cristina Gallardo-Domâs ne pourrait peut-être pas s'acquitter du rôle d'Aida à la scène mais il faut bien admettre que ce qu'elle offre ici est de toute beauté: timbre charnu et radieux, ligne de chant savamment contrôlée, art exquis des nuances (excepté dans l'air du Nil où le contre-ut est plus mezzo-forte que pianissimo). Olga Borodina est une Amnéris sensuelle et spectaculaire par sa puissance vocale et son engagement dramatique. Thomas Hampson est le plus humain de tous les Amonasro de la discographie: le personnage souvent interprété comme un rustre sans cúur, y gagne ici une dimension insoupçonnée et par conséquent un intérêt véritable. Matti Salminen offre sa généreuse voix de basse profonde au personnage de Ramfis qui n'y était guère habitué; là aussi, le personnage s'en trouve davantage caractérisé. Légère réserve, en revanche, en ce qui concerne le Radamès de Vincenzo La Scola: en effet, la voix sonne un peu étriquée et se métallise considérablement dans l'aigu et il n'est pas rare qu'en dépit des micros il soit couvert de temps en temps par ses partenaires. Cette réserve minime ne doit pas pour autant empêcher l'acquisition de cette version d'autant que tous les rôles secondaires sont admirablement tenus et que la prise de son est luxueuse.
 
A acquérir de toute urgence !
Jérôme Royer
 

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