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Serge PROKOFIEV (1891-1953)

L'AMOUR DES TROIS ORANGES


Opéra en un prologue et quatre actes
Livret de Serge Prokofiev d’après Carlo Gozzi

Le Roi de trèfle : Alexey Tanovitsky
Le Prince : Andrey Ilyushnikov
La Princesse Clarissa : Nadezhda Serdjuk
Leandro : Eduard Tsanga
Truffaldino : Kirill Dusheschkin
Pantalone : Vladislas Sulimsky
Le magicien Tchelio : Pavel Schmulevich
Fata Morgana : Ekaterina Shimanovitch
Linetta : Sophie Tellier
Nicoletta : Natalia Yevstafieva
Ninetta : Julia Smorodina
La Cuisinière : Yuriy Vorobiev
Farfarello : Alexander Gerasimov
Le héraut : Wojciek Ziarnik
Le Maître de cérémonie : Juan Noval
La Diva : Michel Fau

EuropaChorAkademie
Mahler Chamber Orchestra, chef de chœur : Joshard Daus
Direction musicale : Tugan Sokhiev

Mise en scène : Philippe Calvario
Décors : Jean-Marc Stehlé
Costumes : Aurore Popineau
Chorégraphie : Sophie Tellier
Lumière : Bertrand Couderc
Assistante à la mise en scène : Valérie Nègre

Coproduction Festival d’Aix-en-Provence 2004
 Teatro Real de Madrid

Prise de son : Radio-France
Réalisation : Don Kent

DVD BelAir Classiques BAC 024 ; 112 minutes




Pulpeux et rythmé !


En 2004 la production de cette version de l’opéra de Prokofiev fut un triple événement : première restitution française en russe, première incursion dans l’univers lyrique d’un metteur en scène venu du théâtre, Philippe Calvario, et découverte pour beaucoup du jeune chef ossète Tugan Sokhiev. Depuis, la production a été reprise au Grand Théâtre de la ville de Luxembourg en 2005 et au Teatro Real de Madrid en 2006, Tugan Sokhiev est depuis 2005 premier chef invité de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse et mène une belle carrière. Un conseil, précipitez-vous pour l’écouter diriger La Dame de Pique au capitole en février 2008. Car voici un chef qui sait ce que veut mener à la baguette veut dire : pas un instant de répit sans une partition formidable enchaînée avec rythme, clarté, mais aussi attention constante aux chanteurs, formidablement soutenus par un Mahler Chamber Orchestra ductile et complice.

L’Amour des Trois oranges est emblématique de l’art de Prokofiev : goût du grotesque et du rire, rejet du sentimentalisme, attrait du néoclassicisme qui ici s’échappe vers la comedia dell’arte et l’opéra bouffe, volonté de procéder par séquences très caractérisées et rapidement enchaînées. L’écriture musicale double et éclaire le second degré permanent de la scène, le surréalisme du conte. Tout cela, Philippe Calvario le traduit à merveille, sans jamais tomber dans le piège de l’excès qui plomberait le spectacle. Aidé des dispositifs scéniques astucieux de Jean-Marc Stehlé – les changements à vue et voiles colorés, les fumigènes et guirlandes lumineuses installent une ambiance de théâtre forain et de farce -, Calvario enlève la fable en la parsemant de clins d’œil amusés vers les anges et les croque-morts, les sorcières sado-maso et mages adeptes de kung-fu, les princesses de contes enfantins et un bouffon drag-queen, les archétypes américains et le cirque de toutes les enfances. Un bric-à-brac joyeux et pas si désordonné qu’il en a l’air traverse le plateau et donne des moments aussi déjantés que mémorables.

Quant aux jeunes voix majoritairement russes choisies pour la distribution, on notera d’abord la justesse et l’homogénéité du casting, notamment le Truffaldino efficace de Kirill Dusheschkin, le timbre splendide de Tchelio / Pavel Schmulevich, et le Prince, Andrey Ilyushnikov, à qui chef d’orchestre et metteur en scènes offrent un moment plus slave que nature de mélancolie puis de tendresse, qui équilibre avec bonheur la folie du plateau.

Une version à comparer avec celle en français de Pelly et Denève à Genève et Amsterdam, mais aussi avec celle qui sort ces jours-ci chez TDK, avec le tandem Deflo et Cambreling (2005).

Sophie ROUGHOL



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