C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
...
[ Historique des critiques CD, DVD]  [ Index des critiques CD, DVD ]
....
......
Hans HOTTER

BACH : Ich habe genug, BWV 82

BRAHMS : Lieder
Vier erneste Gesänge
Feldeinsamkeit
Wie Melodien Zieht es mir
Sonntag
Minnelied
Wir Wandelten
Wie bist du, meine Königin
Sapphische Ode
Botschaft
Standchen
Heimweh
Auf dem Kirchhofe
Verrat

Philharmonia Orchestra
Anthony Bernard (Bach)
Gerald Moore, piano (Brahms)

Durée : 75'42''
Enregistré en 1950 (Bach),
1951 (Ernste Gesänge) et 1956 (autres lieder)

1 CD EMI 7243 5 62807 2 4



"Maintenant, Seigneur, tu peux laisser ton serviteur s'en aller en paix, car mes yeux ont vu ton salut, ce salut que tu as préparé devant tous les peuples." (Luc 22-9) "Ô mort, ta sentence est la bienvenue pour le vieillard usé, agité de soucis, révolté et à bout de patience."(L'Ecclésiastique 41-2)

Le cantique de Siméon est un sublime renoncement à la vie, la leçon du Siracide un appel désespéré à la mort. La cantate de Bach, une oeuvre apaisée et jubilatoire de l'homme comblé par son existence, le cycle de Brahms, un paysage de plaintes et de douleurs dans lequel l'homme cherche en vain une issue.

On peut difficilement imaginer oeuvres plus opposées et en même temps interprétations aussi magistrales. Plus encore que Wotan ou le Wanderer du Winterreise, Hans Hotter restera l'incarnation idéale, absolue et définitive du vieux Siméon : "Ich habe genug", j'en ai assez, je n'ai d'autre souhait que de pouvoir dans la joie quitter aujourd'hui cette terre... Hans Hotter s'en est allé en décembre dernier, mais cette cantate seule lui assurerait l'éternité. Le genre de disque qui justifie l'existence d'un homme. Le genre de disque qui bouleverse encore à la vingtième écoute.

La voix est là, d'une présence obsédante : souveraine, inépuisable, imperturbable. Il serait vain, et insignifiant, de tenter d'expliquer ce miracle tant il échappe à toute analyse. Musicologiquement, on a fait bien mieux depuis : c'est que l'expérience est moins musicale qu'humaine. La noblesse de l'air initial, la ferveur du "Schlummert ein", l'humilité du second récitatif couronné par un incroyable "Welt, gute Nacht", le "Ich freue mich" jubilatoire sont autant de moments d'une beauté et d'une plénitude sereines. Un monument, incontestablement.

On pensait le miracle unique. Il se renouvelle pourtant avec les Vier ernste Gesänge gravés l'année suivante. Le timbre est toujours aussi homogène et envoûtant. L'incarnation incontestablement aussi bouleversante. Comme pour la cantate de Bach, le cycle de Brahms retrouve sa tessiture originale et toute sa signification : le vieillard faisant le constat de la vanité des choses humaines. Le moindre des paradoxes est que cette plainte soit servie avec une noblesse et une dignité qui est la plus belle preuve d'humanité.

Les douze autres lieder de Brahms pourront paraître, après ces merveilles, quelque peu fades. Mais là encore, on chercherait en vain de nos jours cette fraîcheur dans Wie Melodien Zieht es mir, ce lyrisme dans Sapphische Ode, cette grâce dans Wie bist du, meine Königin, cette monumentalité retenue dans Botschaft...
Pour l'éternité donc, et pour tout mélomane, évidemment.
  


Sévag TACHDJIAN


Commander ce CD sur  Amazon.fr
Bach%20-%20Cantate%20"Ich%20habe%20genug"%20BWV%2082%20/..." target="_blank">
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]