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Cecilia Bartoli
OPERA PROIBITA

George Friedrich Haendel (1685-1759)
Un pensiero nemico di pace. 
Come nembo che fugge col vento. 
Lascia la spina, cogli la rosa
(extraits d'Il Trionfo del tempo e del Disinganno).
Disserratevi, o porte d'Averno. 
Notte funesta... Ferma l'ali
(extraits de La Resurezzione).

Alessandro Scarlatti (1660-1725)
All'arme si accesi guerrieri
(extrait de la Cantata per la Notte del SS.mo Natale). 
Mentre io godo in dolce oblio. 
Ecco negl'orti tuoi... che dolce simpatia
(extraits d'Il Giardino di Rose). 
Caldo sangue. 
Ahi ! qual cordoglio... Doppio affetto
(extraits de Sedicia, re di Gerusalemme).
Qui resta... L'alta Roma
(extrait de San Filippo Neri).

Antonio Caldara (1670-1736)
Vanne pentita a piangere
(extrait de Il Trionfo dell'Innocenza).
Sparga il senso lascivo veleno
(extrait de La Castita al Cimeto). 
Si piangete pupille dolente
(extrait de Santa Francesca Romana).
Ahi quanto cieca... Come fuoco alla sua sfera
(extrait de Il Martirio di Santa Caterina)

Cecilia Bartoli (mezzo-soprano)
Les Musiciens du Louvre - Grenoble
Direction Marc Minkowski

Enregistré du 27 au 29 août 2004 et du 16 au 22 février 2005

1CD Decca 475 6924. 71'21"


Un "opera proibita" frappé au tampon rouge censure les ébats aquatiques de la diva assoluta dans la fontaine de Trevi. Le marketing a encore frappé, qui mélange Cecilia et Anita, Pie XII et Clément XI, le film et l'oratorio comme résistance à la censure et dénonciation de l'hypocrisie, sur fond bleuté de fontaine qui n'était d'ailleurs pas encore édifiée à l'époque des oeuvres interprétées ici. Tout cela pour justifier le fait que la star s'intéresse à un répertoire a priori peu compatible avec l'exposition de ses charmes... L'agacement pointe, mais on l'aime tellement, notre Cecilia, sa fougue, sa sincérité, alors on est prêt à lui pardonner, et à Monsieur Decca aussi, il faut bien qu'il accroche le chaland qui passe.

Voici pour l'enveloppe. Le contenu ? Cecilia Bartoli persiste et signe dans son amour du baroque et des chemins de traverse, fouinant cette fois-ci dans le répertoire des castrats dans la Rome du début du dix-huitième siècle, s'attribuant avec malice ce que justement la papauté interdisait à des consoeurs d'alors. Elle en a sans aucun doute les capacités techniques, peut-être même est-elle la seule aujourd'hui à pouvoir évoquer ces phénomènes de ductilité, de puissance, de registres que devaient être les castrats. Et comme un élément survolté ne suffit pas à tant de passion, elle se fait accompagner d'un autre, Minkowski, dont on ne sera guère surpris si l'on affirme qu'il est au diapason de la belle. Abondance de biens ne nuit pas ? Si, un peu, on aimerait retrouver la subtilité d'autres compagnons de route comme Il Giardino Armonico. Le programme alterne en un systématisme bien rodé pièce vive et pièce lente, avec effectivement quelques découvertes, chez Scarlatti et Caldara, mais aussi la énième reprise d'un tube, "Lascia la spina".

On retrouve bien sûr dans ce manifeste anti-machiste toutes les qualités exceptionnelles de Cecilia Bartoli, qui nous ont fait adorer les précédents opus : l'agilité vocale stratosphérique, les pianissimi susurrés, les trilles imperturbables de stabilité, l'intelligence musicale, le panache. Et ce timbre unique, qui perd pourtant par instants de sa luminosité. Mais osera-t-on une réserve, ou plutôt une crainte, qui ne nous aliène pas définitivement la cohorte de ses amoureux transis ? Celle que le talent de Cecilia Bartoli et sa sincérité ne se diluent dans les diktats d'un éditeur braqué sur les récitals (Vivaldi, Glück, Salieri...), dans la surenchère du spectaculaire, dans l'outrance et le systématisme des affects. Ici et là, au détour d'une vocalise, la caricature pointe son nez, Bartoli parodie Bartoli, et en oublie la ligne de chant, la cohérence, hurlant une colère aux aigus durcis pour mieux susurrer ensuite une plainte trop étouffée.

On se prend à rêver que Cecilia, grâce au statut qui est désormais le sien, et qu'elle a conquis à force de talent et de sincérité, envoie balader directeurs marketing et fans hystériques, et refuse la surenchère. Bref, qu'elle ne devienne pas à son tour un "produit" incontournable, mais reste la grande artiste qu'elle est. Le syndrome Pavarotti guette. De la scène, Madame Bartoli, et moins de récitals (inaccessibles au commun des mortels, d'ailleurs !).  


Sophie ROUGHOL


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