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FIRST ENCOUNTER

Barbara BONNEY
& Angelika KIRSCHLAGER

Felix MENDELSSOHN BARTHOLDY
Lieder op. 63 n° 1-6

Fanny MENDELSSOHN-HENSEL
Aus meinen Tränen
Im wunderschönen Monat Mai
Wenn ich in deine Augen sehe

Robert SCHUMANN
Lieder op. 74 n°1, 3 & 8 ; op. 43 n°1 ; op; 138 n°4
Sommerruh

Johannes BRAHMS
Lieder op. 20 n°1 ; op. 61 n°1 & 4

Antonin DVORAK
Klänge aus Mähren op. 32 

Barbara Bonney, soprano
Angelika Kirschlager, mezzo-soprano
Malcolm Martineau, piano

1 CD Sony SK 93133
Enregistré à Berlin en 2003



Aux antipodes de ces nouvelles divas glamoureuses qui se distinguent au moins autant dans les pages people des magazines que sur les scènes lyriques, la blonde Barbara Bonney et la brune Angelika Kirschlager sont les ambassadrices d'un art exigeant, la première avec une retenue héritée de son ascendance protestante puritaine, la seconde avec une fraîcheur et un naturel confondants. Les morceaux abordés dans cet enregistrement ont été sélectionnés par la soprano américaine parmi les meilleurs duos romantiques allemands, avec pour dénominateur commun les sources populaires auxquelles chacun des compositeurs retenus est allé puiser.

Les six duos op. 63 de Félix Mendelssohn, composés entre 1836 et 1844, ne comptent parmi ses oeuvres les plus connues ; ce sont pourtant de purs joyaux ciselés par un véritable orfèvre. Au-delà d'une simplicité apparente, on reste, en effet, admiratif devant la perfection formelle et la suprême élégance de ces pièces qui exploitent une veine populaire teintée de mélancolie. D'emblée, nous sommes séduits, dans cette interprétation, par la parfaite fusion des voix et nous constatons que le plaisir de chanter ensemble revendiqué par les deux interprètes ne relève pas de la simple formule publicitaire, tant leur complicité musicale est évidente. La pureté du son prodigué par ces timbres cristallins est au service d'une musicalité sans faille et la compréhension du texte permet une interprétation pertinente ainsi qu'une grande variété d'intentions. De la plainte à l'allégresse, les deux artistes déploient toute une palette de nuances, répandant tantôt le miel et tantôt la glace, sans se départir jamais de leur simplicité et de leur sincérité. On relève une évidente parenté avec les trois poétiques duos composés sur des textes d'Heinrich Heine par Fanny Mendelssohn, la soeur aînée de Félix, qui constituent sans doute la part la plus rare de ce programme, même s'ils ont été, assez récemment, gravés dans le cadre d'une intégrale des mélodies et duos de Mendelssohn. L'alchimie entre les deux chanteuses y fonctionne aussi bien, même si l'on décèle chez Barbara Bonney quelques tensions inhabituelles dans l'aigu. L'alliance des éléments terrestres et célestes, au travers des deux timbres distincts, fait véritablement la magie de ces trois superbes mélodies.

C'est l'Espagne qui a inspiré Robert Schuman pour les trois premiers duos présentés ici, même si le compositeur se refuse à toute espagnolade et ne retient de ces terres ensoleillées qu'une certaine vivacité rythmique particulièrement sensible dans la partie d'accompagnement pianistique. Nos deux artistes s'y autorisent une allègre envolée, avant d'aborder avec une même aisance trois autres pièces du compositeur allemand d'une plus sombre tonalité. Johannes Brahms a également puisé à des sources populaires pour les trois exigeants duos retenus, qui mettent particulièrement en valeur le soutien de Malcolm Martineau. Le pianiste écossais fait honneur à sa réputation, celle d'un des meilleurs accompagnateurs du moment. Toujours présent, jamais envahissant, son instrument apporte un commentaire judicieux, à la fois poétique et spirituel, à toutes ces pages soigneusement choisies, qui témoignent de la meilleure inspiration. Ce n'est bien évidemment pas un hasard si les plus grands solistes se disputent les services d'un tel musicien, éminemment inspiré et inspirant.

Le plat de résistance de ce programme est constitué par le troisième recueil des duos moraves, oeuvre d'un Dvorak qui, à trente-cinq ans, commençait seulement à acquérir une réputation. C'est à la demande d'un commerçant praguois que le compositeur avait accepté de travailler sur ces chansons populaires, dont le cycle lui apporta la reconnaissance internationale ainsi que l'estime de Johannes Brahms. C'est ici que l'approche spontanée des deux cantatrices trouve sans doute ses limites, car ces pièces sont d'une eau plus forte que celles qui les précèdent et réclament davantage d'engagement interprétatif. Leur art reste simplement agréable, là où d'autres avant elles ont su se montrer irrésistibles.

Quoi qu'il en soit, je considère cet enregistrement comme un bien agréable présent, qui explore dans des conditions artistiques exemplaires un répertoire parfois un peu négligé. Si ces pièces, à l'exception peut-être des chansons moraves, ne nous sont pas les plus familières, elles n'en sont pas moins d'authentiques bijoux. Hormis les admirateurs de ces deux artistes intègres et talentueuses, le programme séduira donc tous les amateurs de mélodies romantiques allemandes. Le mot de la fin appartiendra à Angelika Kirschlager : "The nicest thing about duets is that you don't just sing with one another but actually sing simultaneously. With us you can say that both the souls and voices fit together".
  


Vincent DELOGE




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