C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
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Joseph CALLEJA

Tenor Arias

1-2. Lunge da lei (La Traviata)
3. O figli (Macbeth)
4. Questa o quella (Rigoletto)
5-7. Ella mi fu rapita (Rigoletto)
8. La donna e mobile (Rigoletto)
9. Quanto e bella (L'elisir d'amore)
10-12. Tombe degli avi miei (Lucia di Lammermoor)
13. La dolcissima effigie (Adriana Lecouvreur)
14. Lamento di Federico (L'arlesiana)
15. Addio fiorito asil (Madama Butterfly)

Riccardo CHAILLY
Choeur et Orchestre Giuseppe Verdi

Enregistré de mars à septembre 2003 à l'Auditorium de Milan 
1 SACD Decca 470 648-2



Une jolie carte de visite ! 
 

L'île de Malte n'avait pas attendu son entrée dans l'Union européenne pour apporter sa contribution à l'Europe lyrique. Après l'excellente (et trop rare en France) Miriam Gauci, nous avons ainsi vu apparaître le ténor Joseph Calleja, lauréat à dix-neuf ans du concours du Belvédère et qui poursuit depuis une prometteuse carrière internationale. Il se plie aujourd'hui à l'exercice obligé que constitue un premier récital discographique : donner l'aperçu le plus flatteur de ses possibilités actuelles dans une sorte d'équivalent musical des catalogues de vente par correspondance. Le programme est donc des plus traditionnels et, de Donizetti à Puccini, ne recouvre que des chevaux de bataille bien établis. Programmation sans risque, alors ? Pas vraiment, puisque l'interprète sait qu'il devra soutenir la comparaison avec des générations de ténors qui se sont illustrés dans ces rôles, et qu'il lui faudra impérativement être en mesure d'affirmer sa personnalité. Dans le cas contraire, le récital serait immédiatement relégué au rang des essais inutiles, le public étant de moins en moins disposé à cautionner certains récitals incolores, inodores et sans saveur, comme les majors ont parfois cherché à lui en imposer ces dernières années à grand renfort de publicité (ce que je nommerais le syndrome Netrebko). Dans le cas présent, je pense que ce péril est écarté. Voici un récital que nous aurons plaisir à réentendre, car il met en scène un artiste sincère et attachant.

C'est à dessein que je parle de mise en scène, car on sent ici une volonté franche d'aboutir à autre chose qu'à une succession de numéros de cirque. L'alternance entre arias et scènes, les interventions des choeurs et de trop modestes seconds rôles, la collaboration active d'un des chefs les plus éminents de ce début de siècle qui manque terriblement de pointures (au point que certains voudraient faire prendre au public parisien un honnête artisan pour le Messie), tout concourt à nous rapprocher du théâtre. Et c'est probablement le meilleur parti à prendre pour notre ténor, qui n'étale pas ici un aigu insolent (fanatiques de la contre note flamboyante, passez votre chemin !) même s'il s'astreint à un effort apparent pour conclure La donna e mobile. De même, le timbre, sans être aucunement désagréable, n'est pas l'un des plus ensoleillés qui égayent la scène lyrique. C'est en revanche l'interprète et le musicien qui méritent ici toute notre attention.

On ne trouve rien d'exhibitionniste dans le chant de Joseph Calleja mais on se laisser captiver par le scrupule stylistique, la palette de nuances, la liberté d'émission et l'énergie de l'accent. A l'écoute de cet Alfredo ou de ce duc de Mantoue ardents et fiévreux, on me pardonnera de songer au jeune Alagna, celui des représentations scaligeres. La maîtrise de l'instrument va en effet ici de pair avec un engagement sincère et une juvénilité bienvenue. La familiarité avec les rôles donizettiens et verdiens abordés à la scène est clairement audible, et quand Calleja s'aventure chez Puccini et Cilea dans des emplois qu'il juge sur leur longueur trop lourds encore pour lui, c'est sans forcer ses moyens et avec une rare musicalité. Ce n'est pas une grenouille qui cherche à se faire aussi grosse que le boeuf, et j'ai plaisir à saluer un artiste qui refuse la facilité de l'effet et semble déterminé à construire patiemment sa carrière.

Je ne saurais terminer ce compte-rendu sans saluer l'appui attentif et pertinent du maestro, et me réjouir qu'on ait offert à ce ténor sympathique et prometteur un écrin plus stimulant qu'il n'est souvent d'usage en ce type de circonstance. La rencontre de deux grands artistes fait le prix de ce récital, qui constitue une excellente carte de visite pour ce jeune chanteur, dont nous suivrons la carrière avec beaucoup d'intérêt. Il le mérite.
 
 

Vincent DELOGEs

 



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