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Richard Strauss (1864-1949)

CAPRICCIO

   Die Gräfin : Renée Fleming
Der Graf : Dietrich Henschel
Flamand : Rainer Trost
Olivier : Gerald Finley
La Roche : Franz Hawlata
Clairon : Anne Sofie von Otter
Monsieur Taupe : Robert Tear
Eine italienische Sängerin : Annamaria Dell'Oste
Ein italienische Tenor : Barry Banks
Der Haushofmeister : Petri Lindroos

Orchestre de l'Opéra National de Paris
Ulf Schirmer

Mise en scène : Robert Carsen
Décors : Michael Levine
Costumes : Anthony Powell
Eclairages : Robert Carsen, Peter van Praest

2 DVD TDK DVWW-OPCAPR
Enregistré au Palais Garnier en juillet 2004
Durée 148 min




On ne pouvait imaginer oeuvre moins grandiose et moins « opératique » pour des adieux ! En juillet 2004, Hugues Gall achève son mandat à la tête de l'Opéra de Paris en confiant à Robert Carsen une nouvelle production de Capriccio, conversation en musique des plus arides pour un public non germanophone. Spectacle d'une grâce et d'une beauté remarquables, cette production se révèle pourtant la plus belle révérence d'un directeur à son public et le plus bel hommage à sa salle.

En nous rappelant que le plus fastueux des décors reste celui du Palais Garnier lui-même, Carsen nous fait redécouvrir ce que nous ne prenions plus la peine de regarder. C'est également avec bonheur que l'on voit tous les « tics » du metteur en scène s'accommoder parfaitement ici à l'esprit et à l'atmosphère de l'oeuvre. Intérieur bourgeois à l'instar de celui de Rusalka ou Alcina, allusions à la montée du nazisme comme dans le Rosenkavalier salzbourgeois, univers aux couleurs chaudes et profondes qui baignaient la Zauberflöte aixoise et Nabucco, et surtout onirisme des images largement exploité dans le Midsummer night's dream... tout cela, on le retrouve condensé et sublimé dans une mise en scène qui prend le temps de plonger le spectateur dans l'illusion théâtrale. Jeux de miroirs et mises en abîmes vertigineux, accentués dans le DVD par des plans où l'on voit les protagonistes de cette conversation assister au monologue final de la Comtesse depuis les loges mêmes de Garnier !

D'une distribution des grands soirs, on appréciera avant tout l'homogénéité et la complicité. Souvent gêné par la dimension mythologique ou historique des personnages, Carsen parvient ici à leur donner vie et une réelle dimension humaine. Le débat esthétique, omniprésent dans les propos, laisse place dans la direction d'acteurs à un rapport de force autrement plus complexe et charnel.

Extravertie comme rarement, la Clairon de von Otter semble tout droit sortie du Paradoxe du comédien ou du Neveu de Rameau. Démesurée et outrancière, la cantatrice prend plaisir à jouer la grandiloquente tragédienne qui mit Paris à ses genoux. On comprend l'intérêt que lui porte le Comte de Dietrich Henschel, d'une classe dans le chant et d'une spiritualité dans le jeu qui fait regretter la brièveté de ses interventions. Le couple des prétendants semble quant à lui plus complice que rival. Mais n'est-ce pas le message même de Strauss et de Krauss sur les rapports qu'entretiennent verbe et musique ?

Reste Renée Fleming. À l’instar d'Ursuleac, la créatrice du rôle, sa Comtesse Madeleine, coquette et désinvolte, met du temps à chauffer sa voix. Ce n'est que lorsqu'il est pris au piège de ses sentiments et de ses passions que son personnage acquiert progressivement vie et crédibilité. Le legato souverain et l'opulence vocale, qui en font une des grandes straussiennes actuelles, ne tarde pas à s'épanouir totalement, jusqu'à une scène finale vocalement et scéniquement anthologiques. Un final crépusculaire qui annonce la fin d'une époque, que les deux premières saisons de Gérard Mortier semblent, hélas ! avoir confirmée.


   Sévag TACHDJIAN

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