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Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)

LA CLEMENZA DI TITO

Opera seria en deux actes
Livret de Caterino Mazzolà d’après Metastasio
Créé pour le sacre de Léopold II

Tito Vespasiano : Rainer Trost
Sesto : Magdalena Kozena
Vitellia : Hillevi Martinpelto
Servilia : Lisa Milne
Annio : Christine Rice
Publio : John Relyea

Scottish Chamber Orchestra and Chorus
Sir Charles Mackerras

Deutsche Grammophon – 477 579 2




La Clémence pour Titus


La direction d’orchestre est devenue aujourd’hui une science proche de la médecine : pour chaque étape de l’histoire musicale, un spécialiste. S’il y a parmi les médecins des neurochirurgiens, des psychiatres, des cardiologues, des oncologues ; il y a chez les chefs ceux qui ne sortent que rarement de leurs habitudes : contemporain, baroque, classicisme, baroque ethnique, polyphonie moyenâgeuse et j’en passe. On peut sourire face à cette ultra spécialisation de la lecture musicale sans regretter l’âge où Herbert von Karajan s’attaquait au Couronnement de Poppée à la tête du Philharmonique de Berlin. Tout progrès a ses contraintes, dans notre cas, s’il est heureux de bénéficier de lectures « dans le style », il est malheureux que la notion de chef généraliste, dominant les âges du haut de sa culture, n’existe plus.

Mais justement, Sir Charles Mackerras est peut-être l’exception qui confirme la règle. On sait son amour de Janacek qui lui fit enregistrer Kabanova, Makropulos, La Renarde et Jenufa chez Decca et qui lui fit, à la scène, aborder des œuvres plus rares comme Les excursions de Monsieur Broucek. Quand il aborda le Saül de Händel pour Archiv sur instruments modernes, on loua rétroactivement sa grande connaissance d’un style qu’on bafouait pourtant sans vergogne. On admire en Mackerras la curiosité, la culture, le goût de l’aventure et on regrette, en voyant son parcours, que nos chefs d’aujourd’hui soient confinés à leurs spécialités, comme si un peu de cross-over devait,  inévitablement, mener à la débâcle.

Cependant, il faut le reconnaître, les deux derniers opéras seria de Mozart abordés au disque par Mackerras manquent de sang. Je m’accorderai de ne pas revenir sur l’Idomeneo bostridgien miné par un protagoniste anémique, car pour cette Clemenza, on nous offre un vrai ténor mozartien qui connaît son Wolfgang sur le bout des doigts. Seulement un Ottavio de rêve fait-il un Tito ? L’empereur romain n’est que grandeur et abandon, il passe vocalement de la tempête à la grâce. Rainer Trost agace, sa manière de rouler les « r » comme s’il jouait d’un tambourin a fait frisotter mes nerfs et l’interprète n’a pas le timbre impérial qui rendrait justice à la superbe de Tito. Plus étonnant, sa vocalisation dans Se all’impero, amici Dei est problématique. Rainer Trost illustre le mal de ce disque : à la scène, il serait un interprète luxueux, ses lacunes passeraient certainement au second plan. L’exercice discographique le renvoie face aux Tito de l’histoire, et il n’est pas injuste de noter que ce très bon ténor n’y tient pas l’une des premières places. Il en va de même pour la Vitellia de Hillevii Martinpelto qui maîtrise pourtant l’écriture assassine de son rôle. Le timbre est rayonnant et dans les montagnes russes redoutables de Non più di fiori vaghe catene, la soprano suédoise se montre vraiment convaincante. On attend cependant un autre diabolisme de cette figure qui évolue dans les cimes du chant mozartien. Que dire du Sesto de Magdalena Kozena sinon qu’il est d’une grâce extrêmement touchante mais qu’il ne convainc pas pour autant ? La page la plus connue de l’œuvre, Parto, parto tombe complètement à plat même si le chant ne fait pas défaut. C’est la lecture qui cloche. La Servilia de Lisa Milne, par contre, est absolument irrésistible. Rice et Releya dans leurs rôles respectifs se montrent efficaces.

Charles Mackerras à la tête du Scottish Chamber Orchestra ne parvient pas à animer son Tito. Si la pâte orchestrale est incontestablement léchée avec science et amour, on attend un peu de théâtre, un mouvement qui suivrait des yeux les ambitions sanguines des protagonistes. Voilà donc un disque qui est à la fois bien chanté et bien dirigé mais qui ne trouvera pas vraiment sa place dans l’histoire de l’interprétation de l’œuvre.


   Hélène MANTE

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