C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
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Renée Fleming

BEL CANTO

1-3 Bellini, La sonnambula :
"Ah!... se una volta sola ... 
Ah! non credea mirarti ... Ah! non giunge uman pensiero"

4-6. Donizetti, Maria Padilla :
"Abbracciami ... Il più tenero suon d'arpa morende ... Ah! non sai qual prestigio si cela"

7-9. Rossini, Semiramide :
Introduzione - " Bel raggio lusinghier ... Dolce pensiero di quell'istante"

10-13. Bellini, Il pirata
Introduzione - "Ah! s'io potessi dissipar le nubi ... 
Col sorriso d'innocenza ... Oh! sole, ti vela di tenebre oscure"

14-17. Rossini, Armida
"D'Amor al dolce impero ... Gli augei tra fronde e fronde ...
La fresca età sen fugge ... Ah! sì, godete"

18-20. Donizetti, Lucrezia Borgia :
"M'odi, ah m'odi, io non t'imploro ... 
Figlio !... figlio!... Olà, qualcuno! ... Era desso il figlio moi"
 

Renée Fleming soprano
Kristine Jepson mezzo-soprano (Maria Padilla)

Coro del Maggio Musicale Fiorentino (Chorus master : José Luis Basso)
Orchestra of St Luke's
Patrick Summers

1 CD Decca - Juin 2002


Quand un artiste de renom publie un récital intitulé "Bel canto", les amateurs du genre ne peuvent que se réjouir tant cette musique, si souvent décriée, a besoin de figures emblématiques capables de lui préserver ses lettres de noblesses qu'une Callas, jadis, a su lui restituer avec génie. Encore faut-il que le résultat soit à la hauteur de l'entreprise.

Concernant Renée Fleming, la réponse ne fait pas de doute. Dans la plaquette d'accompagnement de son CD, la cantatrice américaine confie sa fascination pour ce répertoire qui n'est pas une nouveauté dans sa carrière. En effet, elle a déjà interprété à la scène ou au concert la plupart des oeuvres dont figurent ici les extraits. Ce disque est donc pour elle tant l'aboutissement d'une expérience, que la volonté affichée de chanter de façon plus régulière ces ouvrages auxquels sa technique et sa voix la destinent de façon évidente : vocalises d'une insolente précision, trille impeccable, notes piquées, pianissimi aériens et ce timbre opulent et royal, tout dans ce CD le confirme. On peut cependant regretter que l'environnement orchestral ne comble pas toutes nos attentes : non que la direction de Patrick Summers soit indigne, on a entendu pire dans ces pages, mais les styles inhérents à chacun des trois compositeurs ne sont pas différenciés avec pertinence. Pire, dans Rossini, le chef confond parfois énergie et brutalité (Armida). A l'inverse, il fait preuve d'une mollesse excessive dans l'air "Ah ! Non credea mirarti" d'Amina, laissant l'interprète s'abandonner à un maniérisme inopportun là où, pour évoquer le sommeil de l'héroïne, la voix devrait donner l'impression d'effleurer à peine les notes. En fin de compte, cette Somnambule-là ne dort que d'un oeil ! 

L'admirable cantilène d' Imogène "Col sorriso d' innocenza" est autrement convaincante et la chanteuse nous épargne dans le récitatif les outrances auxquelles elle s'est livrée au Châtelet dans ce même Pirate, en mai dernier. On se prend à regretter qu'elle n'ait pas proposé aux Parisiens l'une des autres oeuvres que comporte ce CD tant elle semble encore, dans Bellini, chercher ses marques que seul un chef compétent saurait lui faire trouver.

Partout ailleurs, en effet, la belle Renée est souveraine : les coloratures sur deux octaves de la grande scène d'Armida sont plus ébouriffantes encore que lors de sa prise de rôle à Pesaro, en 1993, gravée par Sony. Elle s'y montre supérieure à tout ce que le disque nous a donné dans cet air depuis Callas. Autre merveille, le "Bel raggio lusinghier", fabuleux de bout en bout et teinté d'une sensualité que peu de cantatrices ont su y mettre : la reine de Babylone attend l'homme dont elle a l'intention de faire son amant, et c'est tout à fait perceptible. Que l'on écoute pour s'en convaincre la charge érotique dont elle imprègne les mots : "Qui verrà" (plage 8).

Dans les extraits de Donizetti, la direction du chef, en parfaite adéquation avec les intentions de l'interprète, n'appelle aucune réserve majeure. Somptueuse de bout en bout est la scène de Maria Padilla, une rareté au disque, où la cantatrice exprime avec volupté les élans amoureux de l'héroïne tandis qu'elle sait trouver des accents maternels poignants pour Lucrèce Borgia dont la grande scène finale qui clôt le programme est l'un des sommets : raucité des graves jamais forcés avec, en prime, entre les deux couplets du rondo, un contre-mi qui sonne comme un cri de douleur, voilà qui apporte un démenti cinglant à tout ceux qui prétendent que Renée Fleming n'est qu'une "belle voix inexpressive" ! Un regret cependant, pourquoi l'éditeur n'a-t-il pas engagé un ténor pour les répliques si essentielles de Gennaro mourant ?

Ce récital, malgré ses imperfections, est sans doute l'un des plus captivants qui nous ait été donné d'entendre dans ce répertoire depuis longtemps. Sills et Sutherland se sont tues, la splendeur de Caballé appartient au passé, quelle autre cantatrice d'envergure pourrait aujourd'hui redonner vie à ces héroïnes dont tant d'opéras mythiques portent le nom ? 
 

Christian Peter
(Dominique Vincent)

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Pour en savoir plus sur Renée Fleming et le Bel Canto : lire l'interview  d'Evans Mirageas



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