C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
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Angela Gheorghiu 
Live at The Royal Opera House
Covent Garden
 

Airs de Haendel, Mozart, Massenet, Charpentier, 
Puccini, Cilea, Bellini, Brediceanu, Loewe.

détails

Angela Gheorghiu (Soprano)
Sarah Brooke (Flûte)

Orchestra of the Royal Opera House, Covent Garden 
Direction  Ion Marin 
 
 

Enregistré avec la collaboration de la B.B.C., 
le 8 juin 2001, lors d'un récital à l'Opéra de Londres Covent Garden

Durée totale : 51mn.04''
E.M.I. Classics 5 57264 2


Angela Gheorghiu n'a pas craint de composer un programme fort varié, dans ce récital allant du baroque à la comédie musicale américaine ! La cantatrice roumaine commence donc par faire sienne la douleur intériorisée du célèbre "Lascia ch'io pianga" du Rinaldo haendelien. Elle en fait une lamentation poignante, car elle n'oublie pas de vibrer tout de même un peu, d'extérioriser tant soit peu cette douleur, montrant l'humanité du personnage. Autre morceau célèbre, le "Porgi, amor" ou soupir mis en musique que nous offrent Le Nozze di Figaro. Angela Gheorghiu joue la sobriété comme pour Haendel, mais sait délicatement animer la chaleur, le frémissement annonçant le Romantisme. 

Passant sans transition à la fin du XIXe siècle, Angela Gheorghiu nous offre une Manon très habitée, vraiment déchirée en disant l'"Adieu à notre petite table ". Elle sait également construire un rêveur "Depuis le jour" de Louise, qui peu à peu se laisse aller à l'exaltation voulue par le texte, sans pour autant forcer la passion mesurée par Charpentier. Passant dans le jardin de la "Giovane Scuola italiana" (Jeune École italienne), Angela Gheorghiu chuchote les craintes de la discrète Liù dans "Tu che di gel sei cinta" de Turandot . En ce qui concerne la folle espérance de la petite Ciò-Ciò-San, dans "Un bel dì, vedremo" de Madama Butterfly, on salue l'intelligence du texte, mais on pourrait attendre un peu plus de passion, ou précisément, cette pointe de désespoir dans son espérance ! C'est peut-être une question de moyens plus que d'interprétation, puisque l'aigu final s'étouffe un peu... De même, elle qui vibrait tant dans Manon, pourrait en faire autant, si ce n'est plus, lorsqu'elle explique la conception de l'actrice : "Io son l'umile ancella", (je suis l'humble servante du génie créateur), dans ce grand air d'entrée du rôle-titre d'Adriana Lecouvreur. Réussir à bien interpréter cette musique susurrante et qui s'enfle à peine, sur un texte brûlant de passion, n'est pas chose facile. En revanche, dans Gianni Schicchi, elle est une Lauretta passionnée et persuasive lorsqu'elle menace gravement de se jeter dans l'Arno si son "cher petit papa" ne lui permet pas d'épouser celui qu'elle a choisi ! 

Seul morceau romantique, l'ineffable "Casta Diva" de Norma, voit la justesse vaciller quelque peu et curieusement au début de chaque couplet. Mais la maîtrise de la voix et la technique permettent à la fois une belle intensité et un certain dramatisme. On est étonné d'entendre en plus la cabaletta (même réduite de moitié et à la fin bizarrement tronquée), et il faut dire que les difficiles vocalises demandant une projection meurtrière sont assez bien assumées dans l'ensemble.

Outre l'air "O mio babbino caro" de Gianni Schicchi, cet agréable récital comprenait deux autres bis, et tout d'abord un touchant hommage de la cantatrice à un compatriote. Le compositeur roumain Tiberiu Brediceanu a fondé plusieurs institutions musicales dans son pays et a mené d'importantes recherches dans le folklore roumain, qu'il aimait retranscrire dans les mélodies de ses opéras. L'air choisi par Angela Gheorghiu est tiré de l'opéra La Seceris (La Moisson) de 1936. Cette déclaration d'amour d'une jeune paysanne à son élu dégage d'emblée un parfum de mélancolie typique de ces contrées et lorsqu'elle s'anime parfois, un peu comme une czardas, on est touché par le charme et la fraîcheur de cette simplicité folklorique dont l'air est empreint. On doit pouvoir dire également que la Belle Roumaine sent en elle quelque corde qui vibre plus particulièrement avec cet air, comme lorsqu'un véritable Napolitain chante "O Sole mio" ! ou un Espagnol, son irremplaçable "Granada" !

Le dernier bis est une sorte d'hommage au lieu qui recevait ce récital, puisque l'héroïne de la charmante comédie musicale My fair Lady de Frederick Loewe vient de ce quartier londonien du marché aux fleurs "Covent Garden" ! "I could have danced all night" est l'air le plus célèbre de la comédie musicale, il reflète l'enthousiasme et les folles rêveries de la jeunesse, dans une poésie et une gaîté quelque peu nostalgiques de nos jours. C'était une belle et émouvante prise de congé pour l'interprète sensible et talentueuse qu'est Angela Gheorghiu.

L'orchestre de l'Opéra de Londres Covent Garden mêlait chaleur et raffinement, sous la conduite experte de Ion Marin, dont on ne pouvait que louer l'appréciable sens de la mesure dans des airs si variés...  autrement dit, l'écrin idéal pour ce joli récital.
  


Yonel Buldrini



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