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Idomeneo rè di Creta

Wolfgang Amadeus MOZART

Ian Bostridge
Lorraine Hunt Lieberson
Lisa Milne
Barbara Frittoli
Anthony Rolfe-Johnson

Edinburgh Festival Chorus
Scottisch Chamber Orchestra
direction Sir Charles Mackerras

3 CD EMI - 2002


Idomeneo peut être considéré comme l'opéra de Mozart le plus passionnant d'un point de vue musicologique : c'est le premier livret véritablement écrit en collaboration avec le compositeur, un savant mélange entre style seria et tragédie lyrique (le livret d'origine, l'Idoménée de Campra, est encore très présent, surtout dans le traitement des choeurs, des récits et à travers les ballets). Pour la première fois également, Mozart a pu tester, dans certains rôles, un style plus naturel, moins engoncé dans la tradition baroque : on voit se dessiner chez Ilia, une Pamina ou, chez Elettra, Elvire, la Reine de la Nuit. L'oeuvre est vraiment un jalon important dans sa production lyrique. L'équilibre dramatique de la pièce, d'une grande efficacité, souffre encore de quelques fragilités baroques (rôles travestis, airs de formes archaïques, traitement caricatural de certains seconds rôles) et la moindre faute de goût dans la distribution peut faire vaciller l'édifice. C'est malheureusement le problème principal de cette nouvelle version.

EMI a choisi la partition originale (munichoise) de l'oeuvre, avant les traditionnelles coupures de premières ; nous pouvons donc entendre ici tous les airs d'Arbace et d'Elettra ainsi que les versions longues des deux airs d'Idoménée. Le personnage d'Idamante, jeune fils du héros, est confié à une mezzo (à la création un castrat soprano) et non à un ténor comme dans la révision viennoise. C'est ce choix de tessiture qui, ne l'occurrence, parait le plus problématique : comment prendre les confrontations de Mrs Hunt Lieberson et de Mr Bostridge pour celles d'un fils et de son père ? La voix charnue, mais quelque peu fatiguée de la mezzo se rapproche plus de celle d'une mère face au timbre juvénile du ténor anglais.

La voix et l'interprétation très stylée (pour ne pas dire empruntée) de Bostridge dérangent d'ailleurs aussi dans le rôle d'Idoménée. Le rôle, créé par le célèbre ténor Raff (âgé de 67 ans à la création !) nécessite plus de vaillance dans l'aigu, un haut médium moins clair et une articulation plus ferme. Le style un peu précieux de l'Anglais peut être séduisant dans Belmonte, mais il parait déplacé ici. De même si Lorraine Hunt a conservé son médium riche et coloré, si l'interprète est toujours aussi musicienne et impliquée, l'aigu se fixe par endroits et le haut médium accuse trop souvent une certaine acidité. Ces couleurs conviendraient dans un autre rôle, mais elles nuisent à celui d'un jeune et fougueux adolescent.

En revanche, la jeune Lisa Milne compose une Ilia très élégiaque, un peu légère, mais tout à fait en adéquation avec la direction nerveuse et précise de Mackerras. Luxe absolu, EMI confie le rôle d'Arbace, confident du roi, à Anthony Rolfe-Johnson. Ce grand Idoménée (Gardiner chez DG) confère au rôle une autorité rare et bien que l'instrument n'ait plus la séduction d'antan, ses deux airs trouvent ici une interprétation de référence.

Le rôle d'Elettra a toujours bénéficié de distributions superlatives : Varady, Behrens, Sutherland, Popp et Gruberova ont prêté leurs voix à cette figure majeure du répertoire. Barbara Frittoli nous avait déjà impressionné dans son récital Mozart avec un "d'Oreste, d'Aiace" de très belle facture. Elle compose ici une Elettra blessée et volontaire. La voix solide, d'une technique très italienne, se rit des difficultés techniques et épouse délicieusement les sonorités tantôt rudes, tantôt caressantes de l'orchestre, inspirées par la direction de Mackerras. Le chef est d'ailleurs l'atout majeur de cette version : attentif et inspiré, il installe le drame dès les premières mesures de l'ouverture, accompagne amoureusement chacun de ses chanteurs et met en valeur le moindre phrasé instrumental. Le Scottisch Chamber Orchestra, subtil mariage d'instruments modernes et de cuivres anciens, sert la musique de Mozart à merveille. On ne saurait en dire de même du triste Edinburgh Festival Chorus, dont l'hétérogénéité n'égale que la justesse approximative.

Voici donc une semi-réussite comme quoi les stars ne font pas tout ! On attend toujours une version de référence d'Idoménée au disque. Le deuxième Mozart aixois de Harding donnera sûrement lieu à une parution discographique et comblera peut-être cette lacune... La direction âpre du jeune prodige peut, certes, rebuter, mais le trio féminin (Delunsch, Kozena, Tilling) et la prise de rôle de Kresimir Spicer, l'un des ténors les plus prometteurs de sa génération, en Idoménée sont alléchants : wait and see !
 
 

Jean-Christophe Henry



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