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Christoph Willibald Gluck

Iphigénie en Tauride
 

Susan GRAHAM (Iphigénie) 
Thomas HAMPSON (Oreste) 
Paul GROVES (Pylade)
Philippe ROUILLON (Thoas)
Olga SCHALAEVA (Diane), Walter ZEH (Adjoint au 
temple), Patrick ARNAUD (Un Scythe), Christiane KOHL (Première prétresse), 
Astrid HOFER (Seconde Prétresse), Elena NEBERA (Un grec).

Konzertvzreinigung Wiener Staatsopernchor
Mozarteum Orchester Salzburg

direction Ivor Bolton

(Salzbourg, Residenzhof, 2 août 2000)

2 CDs Festspieldokumente ORFEO
EAN 4011790563220


C'est toujours avec plaisir que l'on voit se compléter la collection "Festspiel Dokumente" véritable mémoire du Festival de Salzburg: nous sommes uniquement à l'écoute de l'úuvre, et nous pouvons faire abstraction des mises en scène à scandale de cette dernière décennie. Il nous est donc proposé une nouvelle version d'Iphigénie en Tauride de C.W. GLUCK, enregistrée lors de la production d'août 2000, avec un casting impressionnant rassemblant dans les trois rôles principaux trois grands artistes d'aujourd'hui.

C'est la mezzo-soprano Susan GRAHAM qui s'empare du rôle-titre. Pourtant celui-ci est traditionnellement réservé à une soprano, mais la partition fait tellement intervenir la tessiture médiane qu'on ne peut reprocher à une telle artiste de s'y aventurer, car à part quelques aigus criés et tirés dans certains récitatifs, on ne perçoit pas de difficultés majeures pour la cantatrice. Son abord du rôle allie une approche psychologique énormément travaillée à une grande intelligence musicale : son interprétation fait bien alterner les émois et doutes de la "femme Iphigénie", fille du roi Agamemnon et ceux de la prêtresse prisonnière, victime des scythes ne pouvant qu'obéir à leurs ordres sanglants.
L'ensemble de cette recherche d'une vérité physique et psychique est donc abordé autant par la musique que par les vers de Nicolas-François GUILLARD; et en comparant avec son enregistrement studio des airs d'Iphigénie qu'elle a précédemment enregistré, la qualité d'interprétation semble extrêmement approfondie. L'effet scénique peut-être ? Tous les sentiments sont présents et offerts au public avec une phénoménale maturité : l'angoisse et la peur du début du premier acte ; la prière dans le premier air, très doux, très délicat ; la témérité du duo avec Oreste au deuxième acte ou des décisions du troisième ; le soulagement final enfin. Tous les récitatifs sont magnifiquement déclamés dans un français compréhensible et maîtrisé malgré les "r" roulés à l'américaine !! La ligne de chant est parfois rompue avec des exclamations brusques, mais n'oublions pas que c'est un enregistrement live !! Les autres airs sont riches de pianissimi assurés et d'une voix fluide et bien soutenue. Magnifique grand air avec récitatif au quatrième acte, déterminé, implorant, téméraire.

Bref, Susan GRAHAM nous fait entendre un travail abouti d'un rôle qu'elle a su faire sien d'une manière remarquable.

À ses côtés s'oppose l'Oreste de Thomas HAMPSON. Certes le baryton américain possède toutes les notes de ce rôle aigu, mais il semble le limiter à un héros sans aucune cervelle. Texte compréhensible mais déclamé avec un maniérisme gênant et absolument inadéquat. Des nuances exacerbées ou inexistantes, des attaques et un chant que l'on peut qualifier de vulgaires.
Le premier air téméraire "Dieux qui me poursuivaient" est proposé avec une voix engorgée et une interprétation à la "Heldenbaryton": certes Oreste a peur, mais il est angoissé avant tout, rongé par le remords, et il craint le ciel... or il ne fait que hurler !! Même chose dans l'air avec récitatif "Dieux protecteurs de ces affreux rivages", même si le legato est parfaitement maîtrisé. Dans les récitatifs T.HAMPSON déclame simplement son texte avec des incisions et des aboiements écúurants. Il faudra attendre la fin de l'ouvrage et le face à face avec sa súur pour qu'un peu de clairvoyance soit offerte à Oreste.

Le Pylade de Paul GROVES est par contre magnifiquement interprété : à l'entendre on ressent le même travail que celui de Susan GRAHAM, car il emploie les mêmes éléments stylistiques dans ses airs et ses récitatifs. Il nous offre de grands moments de musique dans le tendre "Unis dès la plus tendre enfance". Pour lui la psychologie du héros est tout à fait comprise quand on entend "Ah ! Mon ami" ou bien "Divinité des grandes âmes"...

Détestable Thoas de Philippe ROULEAU : la voix est poitrinée, appuyée n'importe où, vulgaire encore. Il martèle ses sons dans son air "De noirs pressentiments" où il semble plutôt peiner dans le respect des notes, du rythme, de la tenue du chant. Comment peut-on terminer ses fins de phrase d'une manière si hachée, comme s'il poussait sur la glotte ?

Diane de second plan mais compréhensible: tout le monde ne prend pas le luxe d'une Alexia COUSIN pour la dea ex machina...

Les chúurs de l'opéra de Vienne sont splendides pour les parties féminines, accompagnant très bien Iphigénie. Mais les parties des Scythes sont peu convaincantes et les Euménides incompréhensibles et désordonnés.

La baguette d'Ivor BOLTON livre un ensemble homogène avec un orchestre du Mozarteum très fluide qui ne sert que d'accompagnement à l'úuvre sans chercher à réellement l'interpréter, avec des tempi incompréhensibles par moments qui surprennent et gênent le déroulement de l'action.

La prise de son est de bonne qualité, avec peu de bruits scéniques et d'effets de mouvement, mais on ne peut que sursauter juste avant l'apparition de Diane à l'écoute d'une espèce de vacarme sifflant (le vent ?? Une souris dans un tuba ??) se finissant brusquement, élément qui aurait pu être" nettoyé" de la bande avec les techniques actuelles... mais serait-ce alors un live authentiqueÊ??

En conclusion un enregistrement intéressant, qui saura séduire les Amateurs de l'úuvre par les interprétations de Susan GRAHAM et Paul GROVES, mais trop ambivalent et déséquilibré pour être proposé en premier abord de l'úuvre, surtout face à la version de Marc MINKOWSKI.
 
 
 

Jean-Bernard Havé



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