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Magdalena KOZENA

French Arias

1. Ah ! quelle nuit ! (Auber - Le Domino noir)
2. Nuit resplendissante (Gounod - Cinq-Mars)
3. Que fais-tu, blanche tourterelle (Gounod - Roméo et Juliette)
4. J'ai versé le poison (Massenet - Cléopâtre)
5-6. Choeur & Chanson du voile (Verdi - Don Carlos)
7. Autrefois un roi de Thulé (Berlioz - La Damnation de Faust)
8. Oh ! la pitoyable aventure ! (Ravel - L'Heure espagnole)
9. Lorsque le temps d'amour (Massenet - Don Quichotte)
10. Connais-tu le pays (Thomas - Mignon)
11. D'ici voyez ce beau domaine (Boieldieu - La Dame blanche)
12. Ô ma lyre immortelle (Gounod - Sapho)
13. Ô rêve de joie (Offenbach - Les Contes d'Hoffmann)
14. Reste au foyer, petit grillon (Massenet - Cendrillon)
15. Les tringles des sistres tintaient (Bizet - Carmen)
 

Marc MINKOWSKI
Choeur des Musiciens du Louvre
Mahler Chamber Orchestra
Enregistré en décembre 2002
à l'Eglise Notre-Dame du Liban (Paris)

1 CD DG 474 214-2






Le répertoire français est souvent à l'honneur ces derniers temps dans les récitals d'interprètes. Je ne peux que m'en réjouir et regretter qu'il n'en soit malheureusement toujours pas de même dans la programmation de nos théâtres, à quelques notables exceptions près. Cette fois, c'est au tour de la charmante Magdalena Kozena qui s'est avant tout illustrée jusqu'ici dans l'univers baroque, de nous offrir un récital consacré à l'opéra français du XIXe avec une seule incursion dans le XXe, pour un Enfant qui nuit à l'homogénéité de l'ensemble sans pour autant imposer une vision mémorable. Disons-le d'entrée, Magdalena Kozena possède bien des atouts : une voix homogène, un timbre phonogénique, une diction remarquable (que peuvent lui envier beaucoup de chanteuses nées francophones), une franchise et une virtuosité certaines dans les vocalises, un grand soin apporté à la ligne de chant et au style propres à chacune de ces pages, une intelligence du texte et une musicalité qui sont la marque des véritables artistes. Tout ceci me permet d'avancer que cette jeune et fraîche artiste est déjà une grande dame.

C'est dans les grands chevaux de bataille du répertoire, pour lesquels nous possédons déjà nombre de références incontournables, que la chanteuse tchèque se révèle la moins convaincante. Ainsi avons-nous entendu encore récemment des Dulcinée au timbre plus pulpeux, des Eboli plus impétueuses ou des Carmen plus libérées. Ici, Kozena nous offre des lectures qui méritent le respect, mais ne passent pas le stade des promesses à long terme. En revanche, elle fait preuve d'un beau tempérament de tragédienne dans les stances de Sapho, un rôle créé par la grande Pauline Viardot. Son interprétation en est un modèle de style et de musicalité, en même temps qu'un réel moment de théâtre, ce qui fait tellement défaut à beaucoup des récitals standardisés que nous avons entendus ces derniers mois. Chez Gounod, elle nous offre encore un étonnant Stéphano, tantôt martial, tantôt narquois, et surtout cet air de Marie dans Cinq-Mars, où avec des moyens différents mais des intentions semblables, elle renouvelle le petit miracle que nous avait offert Françoise Pollet il y a plus de dix ans. Ici tout est poésie éthérée, élégance de la ligne et simple frémissement, sous les couleurs nocturnes déployées par le chef. Chez Massenet, nous entendons une jolie Cendrillon et surtout une superbe Cléopâtre, qui apparaît bien ici comme une soeur de Thaïs par sa sensualité languide et son abandon oriental.

C'est toutefois, à mon sens, dans le répertoire d'opéra-comique que cette belle artiste pourrait très rapidement nous ravir. Rarement des ouvrages comme Le Domino noir ont été abordés avec autant d'esprit et d'élégance. Alors qu'il est si facile de traiter par le mépris ces ouvrages, certes légers et parfois faciles, Magdalena Kozena s'y engage avec respect et musicalité nous en révèle toutes les grâces. Par la magie de son interprétation, le si mièvre Mignon retrouve son frémissement juvénile et se voit paré d'une troublante ambiguïté. Quel chic également dans la ballade de Jenny ou dans les couplets de Nicklausse, où la jubilation de la chanteuse et du chef sont facilement imaginables !

Bien souvent, dans ce genre de récitals, nous avons affaire à des chefs fonctionnaires qui n'apportent à la partie vocale qu'un commentaire ennuyé et d'une rare platitude. Tel n'est pas le cas ici et l'on retrouve un Marc Minkowski attentif et impliqué comme à la scène. Ennemi de toute routine, il parvient à renouveler notre écoute même dans des pages où nous nous croyions à l'abri de toute surprise : écoutez l'acuité des cordes dans La Damnation de Faust ou les sonorités dégraissées dans les premières mesures qui précèdent le choeur des suivantes. Le résultat est bien souvent passionnant. Minkowski ose même à l'occasion des tempi particulièrement audacieux (Don Quichotte, Le Domino noir). La perfection n'est pas de ce monde, certes, mais avec ce récital Magdalena Kozena et Marc Minkowski ont rendu un fier service à la musique française. On rêve aujourd'hui de les voir réunis sur l'une de nos scènes pour offrir une nouvelle jeunesse à un répertoire aujourd'hui négligé, mais qui peut se révéler irrésistible lorsqu'il est servi avec autant d'intelligence et de talent.
 
 

Vincent Deloge

 



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