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Gustav Mahler (1860-1911)

Quatrième symphonie
3 lieder du Knaben Wunderhorn

Dorothea Röschmann - soprano
Mahler Chamber Orchestra
direction Daniel Harding

Virgin Classics 7243 5 45665 23


Orchestre de jeunes mué en orchestre professionnel en 1997, dirigé d'abord par Claudio Abbado puis par Daniel Harding, le Mahler Chamber Orchestra a d'emblée abordé des répertoires variés, allant du baroque au contemporain, tant au concert qu'à la fosse. Ne bénéficiant d'aucun soutien public, c'est un des rares exemples durables d'initiative culturelle internationale privée. La jeunesse des musiciens et du chef, leur enthousiasme communicatif et leur infatigable énergie ont rapidement emporté l'adhésion du public et de la critique, qui s'est vite plu à souligner aussi la rigueur du travail accompli, en particulier dans le répertoire lyrique.

L'orchestre enregistre ici pour la première fois une oeuvre du compositeur dont il a emprunté le nom, et choisit la quatrième symphonie, réputée la plus légère, la moins tragique, celle dont l'orchestration convient le mieux à son effectif réduit.

Enregistré live au festival Sintonie de Turin en janvier 2004, cette très honorable quatrième de Mahler montre un orchestre riche en couleurs, précis et engagé, de très bonne tenue. La beauté des timbres convient bien à l'écriture apparemment simple que Mahler a choisie pour évoquer les chemins qui mènent au paradis. Mais derrière cette simplicité se cachent aussi la richesse et l'ironie du discours mahlérien, qui pimentent cette apparente simplicité d'inquiétants signes tragiques, doubles sens et provocante autodérision. Cette voie céleste n'est pas si directe qu'on veut bien le dire, et Mahler n'est pas très sûr d'y croire lui-même...Voilà à peu près ce que semble nous dire sa musique.

La direction de Daniel Harding, ici plus sage qu'on ne l'a connu à l'opéra, passe justement un peu à côté de ces éléments trouble-fête de l'écriture de Mahler, privilégiant le beau son sur les côtés plus discordants de la partition. L'auditeur d'abord séduit par tant de lumineuse confiance, finira peut-être par regretter un certain manque de contrastes, d'audace aussi ; le chef et ses musiciens auraient pu pousser beaucoup plus loin l'expressivité iconoclaste des sons grinçants, des glissandos et autres curiosités de timbre, farces de carnaval dont la partition est émaillée. A cette réserve près, l'enregistrement possède bien des qualités ; simplicité de ton, lisibilité, un sens très juste des tempos et des enchaînements notamment.

Dans le dernier mouvement et les trois extraits du Knaben Wunderhorn qui complètent le programme, la soprano allemande Dorothea Röschmann, superbe voix un peu feutrée, d'une douceur presque envoûtante, se coule très naturellement dans le parti pris esthétique du chef ; moins brillante que d'autres, mais musicienne attentive et subtile, elle apporte à cet enregistrement une touche de séduction et de sensualité fort bien venue, et révèle de la musique de Mahler la dimension métaphysique et universelle qui la caractérise, comme échappée du réel.
  


Claude JOTTRAND




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