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MARIA


Airs de Garcia, Persiani, Mendelssohn,
Rossini, Balfe, Hummel, Bellini, Malibran

Cecilia Bartoli, soprano
Daniel Casares, guitare
Orchestra La Scintilla

2 DVD DECCA, 074 3252




Monstres sacrés


Elles sont finalement peu nombreuses ces divas/déesses du XIXe siècle à bénéficier d’hommages aussi nourris que celui-ci. Il faut dire qu’elles sont peu nombreuses, aussi, ces divas du XXIe siècle qui acceptent de risquer leur image à relever le défi. Les hommes ont plus de chances, divi et castrats ; sauf peut-être lorsque c’est Nella Anfuso, travestie – et le mot est faible – qui glousse les roulades dédiées à Farinelli !

Et pourtant, le falcon, c’est avant tout une dame ; et la « version » Berlioz de l’Orphée de Glück, une inspiratrice ! Qui se penchera sur « la » Strepponi ? Qui attachera ses pas à ceux de « la » Grisi ? Qui… Bref, mesdames, il vous reste du pain sur la planche ! Et je préfère vous prévenir, la tâche ne sera pas facile après le mètre étalon – tiens, vous avez remarqué qu’on ne parle jamais de jument, dans ce cas précis ? – que laisse Bartoli.

LA Bartoli rend donc hommage à LA Malibran. Pour ceux qui ne sont pas repus du disque, pour ceux, aussi, qui n’ont pas eu la chance de participer au « raout/mémorial » parisien, voici le dvd. Du connu, mais pas seulement…

Il y a quelques plus-values, par rapport à l’album. Une Cenerentola qui déjoue le piège de la redite ; une chanson de l’Otello rossinien aussi. Et pour le reste, on a le surplus de l’image ; de Bartoli drapée dans une ample robe incarnat, statufiée – déjà ! – sur son estrade. Bartoli à l’œil humide dès La figlia dell’aria, de Garcia – mais le papa de l’idole vaut bien ça ! Bartoli qui s’offre un trille simplement gigantesque, ogresque – « le trille du diable » en somme – à la fin de Cenerentola ; qui varie la cabalette de Sonnambula comme cela, d’un sourire – d’un coup de menton diront les mauvaises langues ; qui roule de la gorge, des yeux et des hanches pour arracher le Rataplan de l’héroïne de la soirée.

Il n’y a guère que face à elle-même que Bartoli peut aujourd’hui s’incliner. Effectivement, sa Cenerentola a un peu perdu de ses graves ; à moins qu’elle n’ait gagné tellement d’aisance dans l’aigu ! Effectivement il y a, désormais, une recette Bartoli reconnaissable jusqu’à en être une cible facile pour la critique. Mais combien sont-elle, franchement, à pouvoir mener sur un souffle – apparemment, mais seulement en apparence et c’est cela le grand art – inextinguible les longues cantilènes de Ines de Castro ou d’Otello ? Combien sont-elles à oser le danger, sur le fond et sur la forme ?

Pour ne pas redescendre de votre petit nuage, il sera conseillé de ne pas trop s’attarder sur le documentaire « Malibran rediscovered » qui n’intéressera que les aficionados. On en veut presque, même, à DECCA de vulgariser ainsi le rêve en collant aux basques de Cecilia répétant ; travaillant à point serrées sa broderie « malibranesque » - dans les musées, on appelle cela de la « peinture à l’aiguille ». A y regarder de près bien des miracles du passé sentent la plèbe ; ne gâchons pas ceux de l’avenir. Bartoli n’est jamais aussi grande, aussi belle que quand elle chante « seulement » ; restons-en donc au concert !



Benoît BERGER




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