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Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)

LE NOZZE DI FIGARO

Opéra en quatre actes KV 492
Livret de Lorenzo Da Ponte, d'après Beaumarchais
Créé le 1er mai 1786 à Vienne

Il Conte di Almaviva : Dietrich Fischer-Dieskau
La Contessa di Almaviva : Kiri Te Kanawa
Susanna : Mirella Freni
Figaro : Hermann Prey
Cherubino : Maria Ewing
Marcellina : Heather Begg
Bartolo : Paolo Montarsolo
Basilio : John van Kersteren
Don Curzio : Willy Caron
Antonio : Hans Kraemmer
Barbarina : Janet Perry

Wiener Staatsopernchor
Wiener Philharmoniker

Direction : Karl Böhm

Mise en scène, décor et costumes : Jean-Pierre Ponnelle

Enregistré à Vienne (12/75) et filmé à Londres (6/76)
Durée : 181minutes

Deux DVD Deutsche Grammophon 0 44007 34034 9


Des Noces... d'or
 

Dans les années 60/70 la firme Unitel avait produit un certain nombre de films d'opéras réunissant des distributions éblouissantes sous la baguette des chefs les plus prestigieux du moment comme en témoignent ces Nozze de 1976, qui permettent à Jean-Pierre Ponnelle de signer une de ses réalisations les plus abouties. D'emblée, on est ébloui par les décors luxuriants et la somptuosité des costumes. Osons le dire, on ne peut s'empêcher d'éprouver un certain plaisir à (re)voir enfin une Comtesse en robe à paniers et perruque poudrée.

Ponnelle ne se contente pas pour autant de respecter à la lettre les didascalies du livret, il nous livre une mise en scène brillante et enlevée qui fourmille d'idées astucieuses et colle parfaitement au rythme endiablé de cette "folle journée", sans négliger les moments d'émotion pure. A cet égard on admirera le "Dove sono" illustré par une séquence en noir et blanc au cours de laquelle le Comte donne un long baiser langoureux à la Comtesse. Facile, direz-vous ? Peut-être, mais terriblement efficace ! De bout en bout, la direction d'acteurs est extrêmement précise, nombreux sont les gros plans qui permettent de capter les émotions sur les visages des protagonistes. Ponnelle, en outre, assume pleinement l'artifice du play-back jusqu'à faire interpréter certains passages à bouche fermée lorsque les personnages sont censés penser ou rêver. Le procédé peut agacer mais il n'en est pas moins pertinent.

En somme une production qui marque les mémoires sans pour autant chercher la provocation à tout prix.

Autre maître d'oeuvre de cette réussite, Karl Böhm, qui avait gravé en 1968 un enregistrement des Noces longtemps considéré comme une référence absolue et parvient à réitérer ici le miracle de cette version légendaire : sa direction précise et vive est un bonheur de chaque instant. Certes, depuis quelques années, des chefs comme Gardiner ou Jacobs ont renouvelé l'approche de ce répertoire en proposant un Mozart plus incisif, aux contours acérés, mais il n'en demeure pas moins que si l'esthétique défendue par Böhm peut sembler dépassée aux oreilles de certains mélomanes, elle n'en constitue pas moins un sommet incontournable.

La distribution, on l'a dit, réunit la crème des plus éminents spécialistes de ce répertoire à l'époque. Nous retrouvons avec bonheur deux des interprètes qui faisaient tout le prix de la version de 1968 : Hermann Prey, malicieux et facétieux à souhait, tendre et émouvant quand il le faut, avec ce timbre irrésistible et ce sourire charmeur est sans conteste Le Figaro de sa génération. 

A ses côtés, Dietrich Fischer-Dieskau a peaufiné son interprétation du Comte Almaviva dont il nous livre ici une caractérisation totalement aboutie, autoritaire, arrogant mais aussi perceptiblement fragile, sans doute le meilleur témoignage qu'il ait laissé dans ce rôle.

Kiri Te Kanawa prête à la Comtesse son timbre magnifique, l'élégance ineffable de sa ligne de chant et ce chic qui n'appartient qu'à elle. Ses deux grands airs sont des moments de pure splendeur vocale teintée d'émotion contenue. L'actrice n'est pas en reste et le personnage parfaitement assumé jusque dans ses ambiguïtés : on remarquera comme l'expression de son visage sait traduire, l'espace d'un instant, le trouble qu'éveille en elle Chérubin lorsqu'il chante le fameux "Voi che sapete".

Suzanne était en ces années l'un des rôle de prédilection de Mirella Freni, un emploi qui lui colle parfaitement à la voix. Fraîche et mutine à souhait, avec ce rien d'italianité dans le timbre, elle campe une soubrette piquante qui ne s'en laisse pas conter. Au quatre, son air "Deh vieni non tardar" est un modèle de pudeur féminine et de musicalité.

Maria Ewing, quant à elle, fut la révélation de cet enregistrement. Inconnue jusqu'alors, elle est un Chérubin délicieusement androgyne, plus vrai que nature tant vocalement qu'à l'image où elle réussit l'exploit de faire croire qu'elle est réellement l'adolescent qu'elle incarne. Fine musicienne, elle fait siens tous les affects de ce personnage plus complexe qu'il n'y paraît.

Heather Begg et Paolo Montarsolo forment un couple parfaitement assorti, à la fois drôles jusqu'à la caricature et émouvants notamment lorsqu'ils découvrent que Figaro est leur fils.

Ajoutons que Janet Perry est une exquise Barberine, que tous les seconds rôles sont tenus de manière exemplaire et l'on comprendra que l'on ne peut que rendre les armes devant ce plateau de rêve, supérieur en bien des points à l'enregistrement de 1968.

Ce film est un véritable joyau, le témoignage miraculeux d'une esthétique, d'une conception portées à leur sommet. Nul mozartien ne saurait s'en passer.
 
 

Christian PETER


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