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Ottorino RESPIGHI (1879-1936)

La Campana sommersa

Opéra en 4 actes d'après le drame de Gerhardt Hauptmann

Rautendelein : Laura Aikin
Enrico : John Daszak
L'Ondino : Roderick Earle
Magda : Alessandra Rezza
Il Curato : Peter Klaveness
Il Maestro : Paul Kong
Il Barbiere : David Alegret
La Strega : Ewa Wolak
Il Fauno : Kevin Conners

Orchestre National de Montpellier
Choeur Opéra Junior
Direction : Friedemann Layer

2 CD Accord/Euterp 476 1884



Le moins qu'on puisse dire c'est que la notoriété ne dérange pas le repos éternel d'Ottorino Respighi ! Le deuxième volet de sa trilogie romaine (Les Pins de Rome) a inspiré une scène du Fantasia 2000 de Disney (Les Baleines, le maestro n'a pas à se plaindre, c'est l'un des rares moments de poésie de ce navet commercial) et quelques unes de ses pièces symphoniques restent tant bien que mal au répertoire. Cependant, pour la musique vocale, le bilan est bien mince. Les rares intégrales d'opéra n'ont pas survécu au ravinage incessant des catalogues de disque classique (seuls Belfagor et La Bella Dormente nel Bosco résistent, le chef-d'oeuvre absolu du compositeur, la magnifique Fiamma, n'étant plus disponible en France) sans parler de sa très intéressante musique de chambre avec voix qui est totalement ignorée par les maisons de disques.

La parution de cette intégrale de La Campana sommersa répare en partie cet oubli et confirme le bien fondé de la politique éditoriale, courageuse, du festival de Radio France à Montpellier.

Respighi fait partie du courant post-vériste italien et dès les premières minutes de cet enregistrement on reconnaît la richesse orchestrale, la construction debussyste et l'approche teintée de germanisme qui caractérisent cette période. Seule l'utilisation de l'italien pour le livret, qui peut d'ailleurs dérouter à la première écoute, nous fait penser au dernier Puccini, celui du triptyque et de Turandot. Mais c'est plutôt vers Strauss que cette oeuvre penche. L'argument fantastique de Gerhardt Hauptmann, l'absence d'airs ou de grands duos, l'utilisation très impressionniste de l'orchestre font de cette oeuvre une sorte de Die Frau ohne Schatten italienne. 

La partition regorge de très grands moments : 'le Pré d'argent" eu début du premier acte, les deux grandes scènes en duo de la fin du II et du IV en particulier. Mais on peut reprocher à l'oeuvre quelques longueurs et baisses de rythme qui font même douter de l'intérêt d'une production scénique.

L'interprétation proposée par Accord est en de nombreux points remarquable. La direction très poétique et aérée de Layer nous transporte au sein des différents tableaux avec une grâce infinie et l'ONM est ici à son meilleur. Tous les seconds rôles sont luxueusement tenus avec une mention spéciale pour la capiteuse Sorcière d'Ewa Wolak et le poétique Ondin de Roderick Earle.

Dans un article de 1933, le compositeur avouait être tombé amoureux de la Fée Rautendelein. L'interprétation superlative de Laura Aikin aurait fini de le conquérir ! La soprano américaine, peu servie par le disque mais grande habituée des scènes mondiales et des rôles meurtriers (Zerbinette, la Reine de la Nuit, Lulu !), déploie ici tout son art et nous fascine de la première à la dernière scène. Il y a de la jeune Lucia Popp jeune dans cette voix à la fois claire et charnue. Espérons que cette interprétation magistrale ouvrira les yeux des producteurs de disque sur ce grand talent.

On aimerait en dire autant de L'Enrico de John Daszak... Le rôle du Forgeron fut créé par Francesco Merli, ténor dramatique au timbre lumineux, premier Calaf du disque et Paillasse de légende. C'est une voix d'airain qu'il faut pour Enrico, personnage viril et enflammé, et Daszak ne dispose que d'un timbre gris et nous afflige d'un manque chronique de legato. L'engagement est séduisant mais la fatigue se fait rapidement sentir sur une voix émise trop large ; la fin du magnifique duo du second acte tourne même à la catastrophe avec un aigu fixe et au bord (très au bord même !) de la cassure. La deuxième partie de l'oeuvre ne fait que confirmer ce triste constat. Une telle erreur de distribution pourrait passer au studio (merci les micros, le montage et les multipistes), mais elle se fait cruellement sentir en live... dommage.

En résumé, encore une excellente initiative d'Accord (comme quoi l'audace n'est pas tout à fait perdue chez les maisons de disque) et globalement une belle interprétation qui rend justice à une oeuvre atypique. Un coffret à acquérir, de toute façon, pour la direction de Layer et surtout la merveilleuse Rautendelein de Laura Aikin.
  


Jean-Christophe HENRY


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