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Giuseppe Verdi (1813-1901)

RIGOLETTO

Mélodrame en trois actes
Livret de Francesco Maria Piave
D’après Le Roi s‘amuse de Victor Hugo

Le duc de Mantoue : Luciano Pavarotti
Rigoletto : Ingwar Wixell
Gilda : Edita Gruberova
Sparafucile : Ferruccio Furlanetto
Maddalena : Victoria Vergara
Giovanna : Fedora Barbieri
Le Comte de Monterone : Ingwar Wixell

Wiener Philarmoniker
Direction : Riccardo Chailly
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Chef de chœur : Norbert Balatsch

Réalisation : Jean-Pierre Ponnelle
Décors : Gianni Quaranta
Costumes : Martin Schlumpf

Production Unitel 1983
DVD Deutsche Grammophon 2006

Format vidéo : NTSC Couleur
Son : PCM STEREO/DTS 5.1
Durée : 116 min env

Sous-titres : FR, EN, IT, DE, ES, CH



Chef-d’œuvre en péril

Porter à l’écran un chef-d’œuvre du répertoire lyrique n’est pas sans danger. Malgré un énorme budget, des décors naturels somptueux et une superstar en tête d’affiche, le film de Jean-Pierre Ponnelle réalisé en 1983 d’après sa mise en scène de 1973 à l’opéra de San Francisco, pèche surtout par excès. On est assailli de spectaculaire. Le rythme endiablé des effets visuels qu’il faut caser à tout prix au bon moment donne une sensation d’accélération permanente. Conséquence : la direction d’orchestre de Riccardo Chailly devient galopante et frénétique.

Dès le prélude, une scène mimée révèle le dénouement du drame qui va se jouer sous forme d’une succession de flashes back. Le ton est donné d’emblée. La fête du bal — calquée sur le Satiricon de Federico Fellini — devient une orgie effrénée. Ne nous sont épargnés ni les vomissements, ni les apparitions de rats. Cependant les riches costumes Renaissance et la splendeur des lieux baroques restituent bien la Mantoue médiévale telle qu’on se l’imagine. Certaines séquences comme le duo chorégraphié de la première rencontre dans le souterrain entre Rigoletto et le tueur à gages, Sparafucile, sont très réussies.

Mais, pourquoi diable faire chanter Rigoletto et Monterone par le même interprète ? D’autant plus, que l’analogie de situation des deux pères outragés que Ponnelle cherche à souligner passe complètement inaperçue. Le maquillage et le faux nez de Rigoletto rendent la ressemblance imperceptible et la voix — déguisée ? — de Monterone sonne bizarrement détimbrée !

La sincérité du jeu et la qualité du chant d’Ingvar Wixell forcent cependant l’admiration. Le Rigoletto du baryton suédois est attachant, souvent émouvant. Il devient même poignant dans l’admirable dernier acte de l’auberge — sans nul doute le meilleur moment de ce film inégal. L’appétissante mezzo Victoria Vergara, Maddalena, ainsi que la basse italienne Ferruccio Furlanetto, Sparafucile, y contribuent largement par leurs belles couleurs vocales.

Avec sa longue perruque blond platine et sa robe de mousseline blanche, la soprano colorature Edita Gruberova fait d’autant plus penser à une grosse chatte angora qu’elle miaule plus qu’elle ne chante. Elle ne touche guère tant elle est agaçante avec ses minauderies et le crescendo émotionnel de l’œuvre s’en trouve hélas bien appauvri.

Malgré sa légendaire facilité d’émission et ses brillantes notes tenues, Luciano Pavarotti ne soulève pas non plus l’enthousiasme. Son duc de Mantoue manque totalement du charme propre à ensorceler l’innocente Gilda. Il est aussi peu crédible que possible en Gualtier Maldè. Insolent, éclatant de santé, le soi-disant pauvre étudiant semble vouloir dévorer ses proies avec l’appétit d’un grand méchant loup affamé de chair fraîche. Dans ces conditions, on comprend mal que la pure jeune fille ne se soit pas enfuie auprès de sa gouvernante au lieu de tomber dans le panneau au point d’en perdre la vie, comme l’exige le livret. Cette interprétation — voulue par Ponnelle ? — d’un Mantoue, plus violeur que simple séducteur impénitent, fausse la compréhension de l’ouvrage. Pour un authentique Rigoletto, mieux vaut réécouter, texte en main, l’enregistrement Tullio Serafin de 1955 — avec Callas, Gobbi et di Stefano — qui sans avoir recours au septième art pour surenchérir en images nous joue ce grand chef-d’œuvre dans toute son intégrité.



   Brigitte Cormier

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