C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
...
[ Historique des critiques CD, DVD]  [ Index des critiques CD, DVD ]
....
......
Gioacchino Rossini (1792-1868)

MOSE IN EGITTO

Azione tragico-sacra en 3 actes
Livret de Andrea Leone Tottola
Version napolitaine de 1819

Mose : Lorenzo Regazzo
Elcia : Akie Amou
Faraone : Wojtek Gierlach
Osiride : Filippo Adami
Amaltea : Rossella Bavacqua
Aronne : Giorgio Trucco
Amenofi : Karen Bandelow
Mambre : Giuseppe Fedeli

Choeur du Conservatoire San Pietro a Majella, Naples
Chef de choeur : Elsa Evangelista

Stadtkapelle Wildbad
Württembergische Philharmonie Reutlingen
Direction : Antonino Fogliani

2 CD NAXOS 8.660220-21
Enregistré au festival Rossini de Bald Wilbald,
les 1er, 7 et 12 juillet 2006
136 minutes



Rossini à la croisée des chemins


Les enregistrements de Mose in Egitto sont suffisamment rares pour que nous n’accueillions cette nouvelle gravure avec le plus grand intérêt. C’est la version napolitaine de 1819, avec le troisième acte remanié et la célèbre prière Dal tuo stellato soglio, qui a été jouée au Festival Rossini de Bald Wilbald en 2006. On connaît naturellement les avatars de l’ouvrage : Moïse et Pharaon, largement remanié pour s’adapter aux canons de l’Opéra de Paris, puis Mose, adaptation italienne du précédent, tous deux créées en 1827. Si l’oeuvre a connu, sous ses diverses formes, un succès considérable, elle le doit à sa constante élévation de style ainsi qu’à des pages qui comptent parmi les plus belles écrites par le compositeur, en particulier l’introduction du premier acte et la prière. Si les tournures typiques du Rossini première manière abondent, on y perçoit une évolution tant formelle (place accordée à l’orchestre, notamment dans le finale strictement instrumental au moment où les flots se referment sur l’armée égyptienne ; multiplication des scènes d’ensemble, le choeur devenant ici un véritable protagoniste) que stylistique, avec des tournures qui annoncent déjà Guillaume Tell. Nous n’oublierons pas de signaler également ce que le choeur initial de Samson et Dalila doit à l’ouvrage de Rossini. La composition de Mose in Egitto marque incontestablement une date capitale dans l’évolution créatrice d’un musicien qui vient de tourner le dos au genre bouffe qui avait assuré sa célébrité pour s’engager dans un processus exigeant qui trouvera son ultime achèvement avec Guillaume Tell. A la différence de Gounod composant Polyeucte, Rossini ne s’est toutefois pas laissé emporter par la solennité du sujet. Mose in Egitto possède en effet tous les ressorts théâtraux nécessaires et fait la part aux passions humaines. S’il y démontre son aptitude à manier le grand format, le musicien y conserve cependant les qualités qui ont fait son succès : la fluidité vocale demeure et les délices d’instrumentation abondent.

La distribution réunie à Bald Wilbald est sans surprise dominée par Lorenzo Regazzo qui apporte au prophète noblesse déclamatoire, plénitude vocale et adéquation stylistique. Noble et solide Pharaon, Robert Gierlach tire bon parti de son air du premier acte : A rispettarmi apprenda, sous-traité par Rossini au fidèle Carafa. Le reste de l’affiche ne démérite pas, sans laisser toutefois d’impressions mémorables, à l’image d’Akie Amou, Elcia d’une belle musicalité mais un peu verte de timbre. Si l’engagement interprétatif de chacun est sans reproche, les moyens sont souvent en dessous des exigences de l’ouvrage. A la baguette d’un orchestre assez modeste, Antonino Fogliani démontre sa bonne connaissance de la grammaire rossinienne et parvient à assurer l’unité de l’ouvrage entre ensembles bibliques et apartés sentimentaux, tout en mettant en valeur chaque trait orchestral. A l’arrivée, voici un enregistrement qui enrichira pertinemment toute discothèque rossinienne.

Vincent DELOGE


Commander ce CD sur Amazon.fr
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]