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G.F HAENDEL 

Saul
 

Neal Davies, Saul
Andreas Scholl, David
Mark Padmore, Jonathan
Susan Gritton, Merab
Nancy Argenta, Michal
Paul Agnew, High Priest / Witch of Endor

Gabrieli Consort & Players 
Paul McCreesh

Enregistré en octobre 2002
Durée : 156 minutes
3 CD Archiv Produktion 474 510-2


Paul McCreesh poursuit son exploration des oratorios anglais de Haendel et nous offre avec Saul une pièce maîtresse du genre. Equivalent biblique d'Hercules dans la thématique de la jalousie et cousin de Belshazzar dans celle du souverain déchu, l'oeuvre atteint déjà la force musicale et théâtrale des deux oratorios à venir. Etait-il alors judicieux de le confier à McCreesh ? Son Solomon, d'une grandeur et d'une majesté marmoréennes nous avait comblé, sa Théodora manquait déjà de chair et de passion, Saul le trouve souvent à court de drame.

Malgré cette réserve, de taille il est vrai, le chef témoigne une nouvelle fois de ses nombreuses affinités avec l'univers haendelien. Les différentes symphonies qui ponctuent la partition prouvent qu'il sait être tour à tout imposant, martial, recueilli. Il caractérise bien les différents numéros et les ruptures de ton, d'atmosphère se font avec beaucoup de naturel, mais l'architecture générale de l'oeuvre manque de tension et le discours finit par s'essouffler.

Dans le rôle du souverain abandonné par l'Eternel, Neal Davies sait être d'une autorité et d'une férocité impressionnantes bien qu'un peu monolithique - mais le personnage n'est-il pas inaltérable dans son aveuglement ?

Rarement le timbre de Mark Padmore a été d'une telle beauté et la voix d'une telle fluidité. Sa sensibilité, quant à elle, est toujours aussi bouleversante : son Jonathan dévoile un interprète tout en finesse et qui trouve dans cet emploi l'une de ses plus belles incarnations.

Les deux sopranos ont chacune leur personnalité - ce qui est déjà beaucoup - mais manquent à Nancy Argenta la pureté et l'abandon de soi d'une Lynne Dawson chez Gardiner, et à Susan Gritton le feu de Julia Varady chez Harnoncourt.

Reste Andreas Scholl, celui qui justifiait à lui seul une intégrale. Les airs gravés pour son récital "Heroes" laissaient déjà imaginer le David qu'il pouvait nous offrir. Le résultat est à la mesure de l'attente. Autant son récent récital Arcadia pouvait souffrir certaines critiques, autant son vainqueur de Goliath, rôle essentiellement contemplatif, est bouleversant de vérité et de sincérité. L'anglais le trouve autrement à l'aise que l'italien et les réserves s'effacent devant ce chant d'une plénitude rare.

Si le premier acte, exposition où se noue le drame, passe sans grande émotion, le deuxième acte nous réserve en revanche une succession de merveilles. Mark Padmore inaugure les festivités avec un But sooner Jordan's stream d'une grâce dont lui seul à le secret. Andreas Scholl lui emboîte le pas avec un Such haughty beauties rather move d'anthologie, suivi de la confrontation de Michal et Doeg d'une tension et d'une urgence qui font défaut aux autres pages de l'oratorio. Enfin le repentir de la farouche Merab offre à Susan Gritton son plus poignant air.

La scène "magique" qui ouvre le dernier acte tombe à plat, surtout dans les récitatifs et accompagnati malgré la présence de Paul Agnew. Le final de l'oeuvre, vaste lamentation orchestrale, vocale et chorale voit le chef plus à l'aise et clôt le drame avec une grandeur et une noblesse éblouissantes.

Peut-être attendait-on trop de McCreesh pour ne pas être finalement (un peu) déçu. L'ensemble est inégal, mais néanmoins indispensable pour qui veut connaître Saul. Un Jacobs, après son flamboyant Belshazzar à Beaune l'été dernier, aurait trouvé probablement la passion nécessaire à ce drame humain. Les apolliniens y trouveront leur compte et même davantage, même si Saul regarde plutôt du côté de Dionysos.
 
 

Sévag TACHDJIAN


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