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Irmgard Seefried, soprano (1919-1988)

"Chante trois siècles de lieder"

Lieder de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Franz Schubert (1797-1828), Johannes Brahms (1833-1897), Modest Moussorgsky (1839-1881), Bela Bartok (1881- 1945), Hugo Wolf (1860-1903), Richard Strauss (1864-1949) et Robert Schumann (1810-1856).

Erich Werba (piano)

Enregistrements divers studio et live 1953-1962
Edition DG Original Masters 2 CD

1 Compact Disc ACCORD 442 8451
Durée : 59’04



Du pur Seefried


Formée à l’épuisant travail de troupe, éduquée à toutes les disciplines, préparée à affronter la scène et le studio, la voix d’Irmgard Seefried, aux reflets adamantins, bénéficia de conjonctures favorables qui la menèrent où elle devait être : au plus haut. Ce double album (DG) qui mélange documents officiels et enregistrements en direct est là pour nous le rappeler. Sorti de l’ombre après la seconde guerre mondiale, ce soprano bondissant, haut en couleur, malléable et vif, ne tarde pas à transporter le public viennois en interprétant Mozart (Susanna inégalée, Zerlina, Pamina et Fiordiligi), mais également Wagner (Eva des Maîtres chanteurs), Beethoven (Marzelline de Fidelio), avant de triompher dans Ariadne auf Naxos (le Compositeur) et le Chevalier à la rose, pour lesquels sa présence vocale s’étoffe sans peine.

Si l’opéra l’accapare, la cantatrice se consacre avec un appétit insatiable au récital, où son charme, cet art subtil qui allie la spontanéité et la préparation, la pureté de son émission et l’étendue de son expression, font merveilles. Rivalisant d’imagination et de pénétration psychologique avec Elisabeth Schwarzkopf et, dans une moindre mesure, Lisa della Casa, Elisabeth Grümmer et Sena Jurinac passées elles aussi maîtresses dans l’art du lied, Seefried s’illustre dans les mélodies de Mozart, Schubert et Strauss tout en imposant Hugo Wolf, l’auteur phare de Schwarzkopf. Le disque a fort heureusement préservé le timbre radieux de la chanteuse, sa transparence juvénile, sa liquidité et sa brillance, que les années parviendront à polir sans le ternir.

Les Mozart rassemblés ici datent de 1957 : ce sont des modèles de tendresse et d’espièglerie, la soprano usant de toutes les couleurs de son nuancier vocal, pour éclairer chacune de ces vignettes, solidement accompagnées par son pianiste favori, Erich Werba. Tirés d’un récital de 1953, les lieder de Schubert et de Brahms marient dans un même geste le goût, le style, cette facilité d’élocution et cette impression d’aller toujours droit au but, sans esquive. On s’attardera sur les « Enfantines » de Moussorgsky à l’allemand russifié pour l’occasion, pour la voix câline et la variété des climats créée par l’artiste, ainsi que sur les pages de Bartok (« Scènes de village ») dont Seefried retranscrit parfaitement la ruralité et l’étrangeté lointaine. Sans doute moins exposés qu’avec Schwarzkopf, les Wolf n’en sont pas pour autant moins lourds de pressentiments ou révélateurs d’un malaise ambiant, Strauss permettant à l’interprète dont l’aigu s’est rétréci des allégements vocaux, de savantes ruptures de ton et d’atmosphères qui relancent en permanence le discours. Ces qualités se retrouvent évidemment dans Schumann, même si sa lecture de « La vie et l’amour d’une femme » n’est pas supérieure à celle de Della Casa avec Sebastian Peschko. Les mélodies de Schubert et de Strauss (1958) qui concluent cet hommage nous mettent face à une artiste captée un mauvais jour. L’aigu de « Seligkeit » est périlleux, l’élasticité absente de « Meinem Kinde », « Allerseelen » manque de volupté et « Morgen » enfin, pris dans un tempo trop allant, semble survolé. Malgré ces réserves, voici un indispensable portrait.




   François LESUEUR


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