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Il Settecento napoletano

Marco Beasley (voix), Guido Morini (clavecin)

Ensemble Accordone
Enrico Gatti, Rosella Croce, Claudia Combs (violons),
Judith Maria Becker (violoncelle),
Stefano Rocco (archiluth, guitare),
Franco Pavan (théorbe).

Giuseppe Porsile (1680-1750) : Cantata sopra m’arcicalsacione
Giulio Cesare Rubino (sec.XVIII) : Lena
Alfonso M. dei Liguori (1696-1720) : Quanno nascette Ninno a Bettleme
Nicola Matteis (1650-1720) : Sonata a due violini e basso
Alessandro Scarlatti (1660-1725) : Ammore, brutto figlio de pottana
Angelo Ragazzi (1680-1750) : Sonata I a tre violini e continuo
Guido Morini (1959-) L’Arfeo annamurato

Enregistré du 26 au 29 mars 2006
au studio de la Fondation Tibor Varga, Sion (Suisse).

Cypres CYP 1649. 57’35.



Du caviar napolitain


Apôtre inlassable de sa Naples natale, Marco Beasley est en passe de devenir le symbole de la renaissance de tout un pan de son répertoire musical, plus ancré dans la tradition populaire que ce que nous offre par ailleurs l’excellente Capella della Pieta dei Turchini. A vrai dire, vouloir ranger la pratique musicale napolitaine du Settecento dans de beaux tiroirs à catégories, profane ou sacré, populaire au savant, relève souvent du mythe, et ce disque le démontre de façon superbe. Il se consacre aux cantates de chambre, œuvres de professionnels ou de dilettantes, en langue napolitaine, parfois proches des cantates sacrées du XVIIème siècle italien, parfois plus voisines de représentations populaires du type comédie musicale (« Lena »).

Accordone
, avec son leader Guido Morini, les restitue avec la formation traditionnelle de chambre, trois violons dont l’un en « scordatura » et basse continue. Très souvent, comme dans la pièce initiale de Porsile, une basse en ostinato permet de fournir la trame harmonique d’une libre conversation des dessus, mêlés en écho à la voix. Aux côtés de Scarlatti et de sa pièce déjà connue, « Ammore, brutto figlio de pottana », on découvre en majorité et avec bonheur des auteurs inédits, comme ce magnifique Noël d’Alfonso dei Liguori. Et deux sonates de Matteis (sonate reconstituée d’extraits de ses recueils Ayres for the violin) et du plus rare Ragazzi. Guido Morini s’offre même le luxe d’un pastiche réussi de Provenzale sur un texte de Beasley, le deux farceurs étant adeptes de ce genre de prestations depuis le "Odissée" de 2001, l’écriture étant comme l’arrangement et l’improvisation dans la logique même de leur pratique musicale.

Mais ce qui transcende encore tout cela, c’est la voix et le tempérament dramatique de Marco Beasley, le « crooner baroque », dont on persiste à ne pas comprendre qu’il soit aussi absent des scènes et festivals français, car qui l’a vu en concert sait quel magnétisme il dégage. Il y a d’abord un timbre qui s’identifie à sa ville, très particulier, mélange de miel et de terre, un personnage authentique et sincère, une gouaille aristocratique et élégante, pleine de senteurs et de laves, des aigus d’une tendresse infinie (qui d’autre peut nous faire fondre de bonheur en chantant dans la première pièce « le poulpe savoureux et parfumé », comme si c’était du caviar ?). Et une diction, une verve, qui rend pleine justice à sa langue ; enfin une technique d’émission directe et naturelle qui refuse tout artifice.

Si vous aviez manqué les précédents volumes de Beasley (dont l’exemplaire « Bella Noeva » chez Alpha), précipitez-vous sur celui-ci toutes affaires cessantes.

Sophie ROUGHOL


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