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Maurice YVAIN (1891-1965)

TA BOUCHE

Opérette en 3 actes d'Yves Mirande et Albert Willemetz (1922)

Jacques JANSEN (Bastien)
Suzanne LAFAYE (Eva)
Max de RIEUX (Du Pas de Vis)
Fanély REVOIL (Comtesse)
Pierre HERAL (Jean Leduc)
SOURIS (Mélanie)

PAS SUR LA BOUCHE

Opérette en 3 actes d'André Barde (1925)

Reda CAIRE (Georges Valendrey)
Suzanne LAFAYE (Gilberte)
Maurice VAUBREY (Charley)
Fanély REVOIL (Mlle de Poumaillac)
Max de RIEUX (Thomson)
Janine ERVIL (Huguette)
SOURIS (Mme Foin)

Orchestre sous la direction de Richard BLAREAU

1 CD Accord 476 125-8
Enregistré en 1956



"La bouche c'est fait pour causer, pas pour baiser"
 

1922 : toute une génération s'étourdit dans les divertissements les plus frivoles pour oublier l'effroyable boucherie et pour effacer le nationaliste revanchard de sa devancière. Déjà, Cocteau et ses amis ont jeté au rebut le vieux maître Maurice Barrès. Elève de Xavier Leroux au Conservatoire national, Maurice Yvain ne se soucie lui aussi que de légèreté. Pianiste de cabaret à ses débuts, il s'est essayé à la chanson avant de passer sept longues années sous les drapeaux. Enfin démobilisé, il compose en 1919 Ta Bouche, qui sera créée trois ans plus tard et connaîtra un succès aussi vif qu'inattendu. Intrigue vaudevillesque, mélodies faciles, musique allègre et profusion de rythmes à la mode : tout concourt au bonheur dans cette oeuvre facile mais jamais triviale. Oserai-je affirmer que l'ouvrage me paraît moins daté que le style d'exécution des protagonistes de cet enregistrement ? Malgré la présence d'interprètes chevronnés comme Jacques Jansen (qui n'était pas seulement le Pelléas de sa génération mais aussi un chanteur d'opérette chevronné) et Fanély Revoil, l'ensemble sonne un peu kitsch et apprêté.

Trois ans plus tard, Maurice Yvain nous offre Pas sur la Bouche, une opérette imprégnée de rythmes jazzy. Le métier s'est affirmé et le musicien a gagné en liberté et en originalité. Les ingrédients sont les mêmes, mais la recette est plus élaborée. On se laisse rapidement entraîner au rythme de ces mélodies fraîches et enjouées, telles que l'irrésistible "Je me suis laissé embouteiller" confiée à l'une des idoles de nos grand-mères, un Reda Caire spirituel et charmeur. S'il faut encore passer par le timbre trémulant et le style daté de Suzanne Lafaye, on se réjouit en revanche d'entendre un remarquable pianiste "stride" (malheureusement non crédité) ainsi que la gouaille de Janine Ervil et les inflexions charmeuses de Maurice Vaubrey. Adaptée au cinéma par Alain Resnais, cette délicieuse opérette, que l'on pourrait rapprocher d'une comédie musicale (l'exigence en plus), se voit aujourd'hui offrir une nouvelle notoriété, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Un tel disque mériterait incontestablement d'être remboursé par la Sécurité Sociale. La gaieté qu'il dispense constitue en effet le meilleur remède imaginable contre la dépression. A ce titre, il mérite d'être diffusé, bien au-delà du public habituel de l'opérette, à tous les mélomanes de bonne composition. Il faut en effet une sérieuse dose de mauvaise foi pour rester insensible à ces fox-trot, javas, paso-dobles, charlestons ou autres bostons délivrés dans la plus franche bonne humeur par un musicien des plus estimables, qui prouva que la légèreté était chez lui un choix et non une nécessité et pour lequel l'admiration d'Honegger constituait sans doute le meilleur des certificats. C'est qu'on savait s'amuser durant les Années folles...
 
 

Vincent DELOGE

 
 



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