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Franz LEHAR (1870 - 1948)

LA VEUVE JOYEUSE

Opérette en 3 actes d’après Meilhac
Livré de Victor Leon et Léo Stein
Adaptation française : R. de Flers et G Cavaillet

Missia Palmieri : Teresa Stich-Randall
Nadia : Christiane Jacquin
Manon : Monique Stiot
Prince Danilo : Jean-Guy Henneveux
Camille de Coutançon : Henry Legay
Lerida : Gérard Friedmann
Bogdanowitch : Jacques Gilet
Pristich : Michel Fauche
Olga : Linda Felder
Sylvianne : Jeannette Levasseur
Praskovia : Germaine Duclos
Le Baron Popoff : Robert Destain
D’Estillac : Jacques Villa
Figg : Serge Klin
Kromptsky : Joseph Peyron

Solistes, Chœur et Orchestre Lyrique de l’O.R.T.F.
Adolphe Sibert

Enregistrement extrait des Archives de l’institut National de l’Audiovisuel / INA 2004
Enregistré en public le 30 avril 1970

2 Compacts Discs INT 221.146/47
CD 1 : 59’55 – CD 2 : 60’29
 




Une fausse joie

La Veuve joyeuse est la plus parisienne des viennoises. A un point tel que le mélomane francophone préférera toujours l’adaptation française à la version allemande originale. Manon, Ninon, Lison sonnent plus chic que Lolo, Dodo, Joujou ; l’esprit de la Belle Epoque pétille ; la musique de Franz Lehar devient irrésistible, le mouvement de la valse même y gagne une légèreté incroyable, il ne claudique plus sur trois temps, il tournoie dans les airs.

La parution d’une nouvelle version en français ne peut donc que réjouir. Il fallait jusqu’à présent se contenter du seul Yvon Leenart chez EMI, tout à fait convenable mais incomplet. Integral Classics justifie ici son label ; le livret et la partition sont respectés au mot et à la note près. C’est la première qualité de cet enregistrement ; ce n’est pas la seule : la direction brillante et alerte d’Adolphe Sibert, servie par les forces vives de la grande époque de l’ORTF ; la qualité de la restitution sonore malgré les conditions « live » de la gravure ; l’engagement des artistes portés par un public enthousiaste, on était apparemment moins blasé dans les années 70 qu’aujourd’hui ; le talent des comédiens, leur diction irréprochable jusqu’au délicieux accent anglais, fort naturel, de Teresa Stich-Randall.

L’art de la soprano américaine, résumé dernièrement en un coffret de 4 CDs chez Accord ne se trouve hélas plus à son zénith. Et le rôle de Missia ne manque pas d’exigences. L’air d’entrée, par exemple, s’avère redoutable. Il sollicite de manière inconfortable le souffle et le medium de la voix avant de s’envoler dans le registre supérieur avec des longues notes tenues qui doivent tenir le chœur en haleine. Teresa Stich-Randall se prend alors les pieds dans le tapis ; elle s’acquitte un peu mieux de L’heure exquise ou de La chanson de Vylia mais sans jamais séduire réellement. Il y a  trop de pureté et de noblesse, de raideur aussi, dans son chant et paradoxalement pas assez d’élégance. Il manque surtout le style, la frivolité, la coquetterie, ce geste du regard, subtil et délicieux, que l’on appelle clin d’œil.

On ne s’attardera pas sur le reste de la distribution. Il relève plutôt de l’esprit de troupe et ne comporte pas de personnalités vocales remarquables, y compris dans les premiers rôles. On le regrettera d’autant plus que le duo du pavillon s’accompagne pour une fois de la romance de Camille dont les accents wagnériens constituent l’un des sommets de la partition, comme si Siegfried débarquait subitement chez Madame Palmieri. Henry Legay ne le laisse pas entrer. La place reste libre ; elle attend le ténor qui voudra bien l’occuper tout comme on espère encore, en français, l’enregistrement de référence du chef d’oeuvre de Franz Lehar. La Veuve Joyeuse a eu cent ans l’année dernière, elle mériterait bien un tel cadeau d’anniversaire.
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   Christophe RIZOUD

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