C  R  I  T  I  Q  U  E  S
 
...
[ Historique des critiques CD, DVD]  [ Index des critiques CD, DVD ]
....
......
Rolando VILLAZON

Airs d'opéras italiens

1. "E' la solita storia" (Cilea : L'Arlesiana)
2. "Inosservato...Angelo casto e bel" (Donizetti : Il duca d'Alba)
3. "Quanto è bella" (Donizetti : L'Elisir d'amore)
4. "Una furtiva lacrima" (Idem)
5. "Tombe degli avi miei" (Donizetti : Lucia di Lammermoor)
6. "La mia letizia" (Verdi : I Lombardi)
7. "Io l'ho perduta" (Verdi : Don Carlos)
8. "O figli... Ah ! La paterna mano" (Verdi : Macbeth)
9. "Ella mi fu rapita" (Verdi : Rigoletto)
10. "La donna è mobile" (Idem)
11. "Lunge da lei... De' miei bollenti spiriti... O mio rimorso" (Verdi : La Traviata)
12. "Che gelida manina" (Puccini : La Bohème)
13. "E Luccevan le stelle" (Puccini : Tosca)
14. "Anche tu Beppe giungi" (Mascagni : L'Amico Fritz)
15. "Vergini, Muse... Quando al soave anelito" (Mascagni : Nerone)

Münchner Rundfunkorchester
Direction : Marcello Viotti


Coup d'essai, coup de maître !
 

Ce premier récital de Rolando Villazon paraît judicieusement au moment où le ténor mexicain triomphe sur la scène de l'Opéra Bastille dans le rôle d'Alfredo pour une série de représentations de la Traviata (1). C'est précisément dans ce rôle qu'il s'était fait connaître à Paris en remplaçant Ramon Vargas, souffrant, en avril 2000. Quelques mois plus tôt, ce jeune lauréat du concours Operalia (1999) s'était déjà produit en France dans la Bohème à Lyon où il revient au cours de la saison 2000-2001 pour La Traviata - qu'il chante également à Montpellier - et Roméo et Juliette. A chaque fois le succès est au rendez-vous tant auprès du public que de la critique. Suivent diverses prises de rôles à travers le monde : des Grieux, Edgardo, Rinuccio, Nemorino qui jalonnent un parcours sans faute, salué en 2003 par une Victoire de la musique. Enfin cette saison a vu ses débuts remarqués dans des maisons prestigieuses telles que le Met (Alfredo, encore) et Covent Garden (Hoffmann). On comprend dès lors que Virgin Classics se soit empressé de le faire entrer dans son équipe.

Le programme du CD qui nous est proposé aujourd'hui comporte des extraits d'ouvrages qui appartiennent pour la plupart au répertoire actuel de Villazon, y compris Don Carlos qu'il abordera en juin à Amsterdam et Rigoletto prévu à Londres en 2005. Un choix opportun et prudent qui témoigne de la sagesse comme du professionnalisme d'un artiste qui ne profite pas des avantages du studio pour se hasarder dans des pages qui excèderaient ses moyens ou les mettraient en péril. On y trouve également quelques airs issus de partitions moins jouées tel ce lamento de Frederi tiré de L'Arlesiana de Cilea qui ouvre magnifiquement le récital : on est conquis d'emblée par ce timbre chaleureux, cette voix saine et un investissement dramatique sans surcharge aucune. Une interprétation raffinée de cet air si cher aux ténors du passé.

La suite du programme fait la part belle à Donizetti et surtout à Verdi. On aurait pu craindre qu'une certaine lassitude s'installe à l'écoute de ces "tubes" tant de fois rabâchés par des générations de ténors. Il n'en est rien. Servi par une musicalité sans faille, une technique parfaitement maîtrisée et une ligne de chant admirablement conduite, Villazon parvient à renouveler, à chaque instant, l'intérêt tout au long de ces airs que l'on croyait connaître par coeur et il en livre même une vision personnelle, à l'instar des plus grands. Ainsi son Nemorino, touchant et viril à la fois, échappe à toute mièvrerie et n'en est que plus convaincant. L'air d'Edgardo qui conclut Lucia di Lammermoor se hisse au niveau des plus passionnants que le disque nous ait légués. Le style est irréprochable, les nuances infinies et l'investissement dramatique d'une conviction peu commune s'agissant d'un récital.

Des cinq plages consacrées à Verdi se détache la grande scène d'Alfredo (sans doute le rôle fétiche de Villazon) au début du deuxième acte de la Traviata avec le récitatif et la cabalette qu'il couronne d'un aigu brillant et facile. A quand une intégrale ? Chacun des autres extraits mériterait d'être cité : tous les affects des personnages sont différenciés avec une justesse stupéfiante, les transports amoureux d' Oronte (I Lombardi), le désespoir de Don Carlo ou celui de Macduff (Macbeth) et la frivolité du duc de Mantoue dans une page rebattue comme "La Donna è mobile" qu'il rafraîchit avec un naturel confondant, sans histrionisme déplacé.
 
Les deux Puccini sont tout aussi captivants. Enfin, deux airs moins fréquentés de Mascagni concluent astucieusement ce programme magistralement composé.

Marcello Viotti offre un accompagnement sans faute de goût, mais sans grand relief ce qui ne fait qu'accroître le mérite de Villazon qui, à lui seul, parvient à pallier les quelques carences dramatiques du chef. 

Regrettons toutefois l'indigence du livret qui ne dit mot de l'interprète ce qui est somme toute fâcheux, s'agissant d'un premier récital. Mais l'intérêt du CD, nous l'avons dit, est ailleurs.
Voilà un disque qui mérite une place de choix dans toute discothèque d'amateur d'opéra italien ou de voix de ténor et qui constituera une excellente initiation pour qui veut découvrir ce répertoire dans une interprétation à la fois moderne et électrisante.
  


Christian PETER

 

(1) Entre deux représentations de La Traviata, Rolando Villazon a également remplacé Luca Lombardo dans Manon, le 18 avril. Son superbe des Grieux, à la diction impeccable, laisse espérer un prochain récital d'airs d'opéras français d'autant qu'après Roméo et Hoffmann, il abordera prochainement Don José et Faust.



Commander ce CD sur  Amazon.fr
[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]