LES CASTRATS
  le corps du délit ou la beauté qui dérange


   Un dossier proposé par Bernard Schreuders
   [ Sommaire du dossier ]
 
 


Un faux problème


A l’opposé du voyeurisme et des variations sur le thème de l’hermaphrodite, nombre d’auteurs esquivent la question du corps et la nimbent de mystère. Or, si les castrats ont disparu, l’opération était encore pratiquée ces dernières années, notamment dans le traitement du cancer de la prostate et il arrive, certes rarement, qu’elle soit prescrite chez des garçons impubères. La médecine, même si elle n’a pas réponse à tout, peut nous en apprendre davantage sur les effets de la castration que l’étude exhaustive des textes du passé.

J. Rosselli, par exemple, évoque avec circonspection les troubles attribués par la médecine classique aux castrats, il cite même Hippocrate[1], alors qu’il suffirait d’interroger endocrinologues, pédiatres, médecins de l’adolescence, etc., pour valider certaines assertions et démonter de nombreuses inepties.

Est-ce vraiment le malaise inspiré par la castration, la crainte d’encourager une curiosité malsaine qui poussent tant d’historiens, de musicographes à se retrancher derrière les contradictions, les lacunes dont regorge la littérature des XVIIe et XVIIIe siècles ? N’est-ce pas plutôt l’orgueil qui freine toute démarche interdisciplinaire ? A moins qu’il ne s’agisse d’ignorance, de paresse...

La rigueur scientifique la plus élémentaire peut aussi, à l’occasion, faire défaut aux médecins. Prenons, par exemple, la conférence du Professeur L. Durand, intitulée : « Eunuques et Castrats : Même destin ? »[2].

Comment ne pas être désappointé en lisant que les castrats « auraient également les pieds plats et les genoux cagneux », sans autre forme de commentaire ? Certes, l’auteur n’a jamais prétendu faire le point sur les recherches les plus récentes dans le domaine, mais il pourrait consulter un confrère ou livrer son opinion, même un généraliste doit en avoir une.

S’exprime-t-il en médecin ou en curieux lorsqu’il affirme que « la gynécomastie [le développement des seins] est habituelle » ? Quelles sont ses sources, sur quelles observations se base-t-il ? L’auteur ne donne aucune bibliographie et il serait bien en peine d’entériner son propos. En revanche, il ajoute que « Le castrat Salimbini [Salimbeni] a pu faire passer sans difficultés sa compagne pour un castrat » ! Sans être médecin, mais avec un peu d’esprit critique et un brin d’imagination, le premier venu trouverait une explication plus vraisemblable que la ressemblance des castrats avec les femmes.

[ -lire la suite- ]


[1] J. Rosselli, « The Castrati as... », Op. cit., p. 145.

[2] In Conférences d’histoire de la médecine. Institut d’histoire de la médecine / Université Claude Bernard Lyon I, cycle 93-94, Lyon, 1993, pp.28-40.



[ Sommaire de la Revue ] [ haut de page ]