LES CASTRATS
  le corps du délit ou la beauté qui dérange


   Un dossier proposé par Bernard Schreuders
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Portraits


Maria Zanetti


Dans son célèbre pamphlet contre l’opera seria, le patricien et compositeur vénitien Benedetto Marcello consacre évidemment un chapitre aux castrats, qu’il n’a jamais pu souffrir.[1] Toutefois, s’il ne ménage pas ses critiques, il réserve le meilleur de son ironie pour les cantatrices et s’abstient, à l’image de la majorité des Italiens, de tourner en ridicule le physique disgracieux de certains musici.

Par contre, les plus célèbres ont été inlassablement caricaturés, surtout par Anton Maria Zanetti[2] (1680-1767) et William Hogarth (1697-1764), lequel s’en prend dès 1724, aux modes venues de l’étranger dans Mascarades et opéras.

Les artistes épinglent toujours les mêmes défauts, soulignés à outrance : une taille immense, un embonpoint qui confine à la difformité. Les castrats semblent écraser de frêles partenaires dont certaines, il est vrai, leur arrivent...aux cuisses !

En dehors de ces clichés, récurrents au point de devenir monotones, les Beaux-Arts italiens reflètent, au même titre que les lettres, le respect, l’admiration dont la plupart des Italiens honorent les castrats. Les portraits conservés sont le plus souvent anonymes ou signés par des artistes mineurs[3], les plus célèbres étant ceux de Farinelli par Jacopo Amigoni. A l’exception d’un étonnant vieillard, émacié, au profil anguleux et au regard mauvais, qui se révèle être Guadagni, le créateur de l’Orfeo ed Euridice de Gluck[4], les quelques portraits de castrats que nous avons conservés ressemblent à tant d’autres, peints à la même époque, de médiocre facture : des figures souvent ordinaires, inexpressives, rarement belles (Marchesi, Velluti). En tout cas, si le nom des modèles ne nous était connu, rien ne permettrait d’identifier un castrat.

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[1] B. Marcello, Le théâtre à la mode au xviiie siècle. Arles, Editions Bernard Coutaz, 1993, pp. 52-8 (chanteurs), 58-70 (cantatrices).

[2] Plusieurs de ses dessins, conservés à la Fondation Giorgio Cini, à Venise, sont reproduits dans R. Blanchard et R. de Candé, Dieux et divas de l’opéra à nos jours. Tome I : des origines au romantisme. Paris, Plon, 1986. Le portrait de Velluti en est extrait. Voir également les caricatures du même Zanetti choisies par Sylvie Mamy, Les grands castrats napolitains à Venise au xviiie siècle. Liège, Mardaga, 1994 à qui nous empruntons la caricature représentant Nicolino et la Beccheretta.

[3] A. Paccini figure sur un dessin de Watteau – les dessins du peintre français ont l’objet d’un volumineux catalogue illustré aux Editions Gallimard-Electa – et Domenico Annibali sur un pastel de Mengs. D’autres castrats seront peut-être un jour identifiés.

[4] R. Blanchard et R. de Candé, Op. cit., reproduisent plusieurs de ces portraits (Balatri, Senesino, Bernacchi, Marchesi, Rauzzini, etc.)



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