Vous n’en avez pas assez de chanter des héros surhumains avec casque et armures ?
Il faut croire que non : en abordant le Ring, j’en ajoute deux, et non des moindres. Siegmund, avec son côté sombre, et même grave – y compris vocalement. Siegfried, plus lumineux, plus niais si vous voulez, mais agréablement juvénile et finalement très humain. Je trouve intéressante cette composante humaine. Intéressant aussi le fait que tous ces personnages soient « larger than life », comme on dit. Ils transcendent la vie ordinaire tout en restant des hommes.
Préférez-vous « Winterstürme » ou « Io ti sento » ?
J’aime les deux ! Mais différemment… Disons que Wagner vous engage dans un effort très soutenu, et le public doit suivre. Avec Tosti, on va à la rencontre du public. On dit souvent qu’il en faut pour tous les goûts et comme artiste, je considère de mon devoir de ne pas laisser sur le côté les gens qui n’ont pas d’opéra dans leur ville ou qui n’ont pas été éduqué à cela. Du reste, moi-même je n’ai pas été du tout éduqué à l’opéra. Ce fut un hasard assez tardif qui m’a mené sur des sentiers dont j’ignorais totalement l’existence. J’ai eu ce destin, ou cette chance, comme vous voudrez – cela ne doit pas me dispenser de donner au public des récitals accessibles, plaisants, une musique qui ne soit pas difficile. Il faut mêler les deux. C’est ma méthode depuis longtemps. Je ne me vois pas chanter Wagner toute l’année.
Entre Tosti et Wagner, on pourrait insérer Puccini, Giordano, Verdi, Leoncavallo…
Je chante Calaf, je dois faire André Chénier a New York… Si vous me dites que vous aimeriez m’entendre davantage dans le répertoire italien, cela me fait plaisir : moi aussi ! Le problème est que répéter un Siegfried ou un Crépuscule des dieux, puis les chanter, c’est une entreprise de plusieurs mois : cela vous bloque un agenda sur une longue période, donc vous contraint à renoncer à bien d’autres engagements. Mon exploration du répertoire italien sera donc volontariste, mais pas aussi ample que je le souhaiterais.
Vos projets sont nombreux et… contrastés.
Je passe beaucoup de temps au Metropolitan. Je serai de passage en France le 14 novembre au Théâtre des Champs-Elysées, le 8 décembre salle Pleyel. Wagner, toujours Wagner. J’irai faire un grand tour en Allemagne. Je chanterai… Wagner. Mais dès janvier 2007, je suis à Dawson Creek, à White Rock, à Prince George, à Kelowna, à Kamloops, chez moi, en Colombie Britannique, à plus de mille kilomètres de Vancouver. Je suis l’enfant du pays qui revient offrir ce qu’il a à donner.
En quoi ces projets se nourrissent-ils mutuellement ?
Avec l’opéra, j’accomplis ma vocation. Avec mes récitals dans ma région natale je paie ma dette. Dans les deux cas, c’est le contact avec le public qui m’importe. Je voudrais que les règles du récital s’assouplissent. Je voudrais pouvoir converser avec le public, parler, raconter, insérer de la narration. Faire des récitals plus conviviaux, moins normés et glacés. A l’avenir, mon activité de récital prendra plus d’ampleur, elle ira dans ce sens – j’ai l’âme d’un pédagogue.
Hélène Mante