Le temps n’est plus à la stupéfaction ni à l’indignation, de toute façon inaudible. Le temps est venu pour les professionnels du spectacle vivant de se mobiliser pour formuler des propositions concrètes en ces temps de crise budgétaire aigüe. Une initiative originale mérite qu’on s’y intéresse de près, celle d’Arnaud Thorette, altiste et directeur artistique de l’ensemble Contraste. Meneur de troupe selon ses propres mots (cinquante personnes en moyenne), Arnaud Thorette a décidé fin 2024 de créer un think tank, le Club Malraux, avec une vingtaine de personnalités venues de divers horizons (direction de grandes structures culturelles, conseil d’état, assemblées d’élus des territoires, syndicats…). Des personnalités au coeur du système qui connaissent parfaitement le fonctionnement (condamné) du monde de la culture. L’idée selon Arnaud Thorette est « d’arrêter de courber l’échine devant les coupes dramatiques imposées aux budgets culturels partout en France ». Le cofondateur de l’ensemble Contraste rappelle que si 25 % des activités sont en baisse pour les grandes structures étatiques (en termes de levers de rideau selon le Ministère de la Culture), le chiffre monte à 60 % en ce qui concerne les annulations de spectacles des ensembles indépendants (un chiffre de la FEVIS, syndicat de ces ensembles). Chronique d’une mort annoncée donc pour beaucoup d’entre eux, qui font pourtant vivre la culture au coeur des régions de France.
Face à ce qu’Arnaud Thorette appelle « la déconnection de l’Etat » dans cette crise, le Club Malraux entend agir et peser dans le débat présidentiel à venir, mais aussi s’adresser dès aujourd’hui au Ministère de la Culture et à l’Elysée. Il s’agit (en plusieurs groupes de réflexion spécialisés sur telle ou telle problématique) de s’interroger sur tous les sujets pertinents, avant de proposer des mesures immédiatement applicables : redéfinition de la culture et du statut d’artiste (galvaudé aujourd’hui), réflexion sur le mode de gouvernance de la Culture en France (éparpillé entre de trop nombreux acteurs actuellement) qu’il faudrait unifier sur le modèle de ce qui a été fait pour le chantier de la cathédrale Notre-Dame dirigé par un spécialiste de l’organisation (et de la coordination d’énergies, pourquoi pas un chef d’état-major). Réfléchir aussi à d’autres modes de financement de la culture avec une refonte de la Loi sur le Mécénat (sur le modèle belge du Tax Shelter très rémunérateur), sans oublier de remettre en question l’inégalité de traitement par l’Etat en termes de subventions de Paris et des régions (avec par exemple un Opéra de Paris recevant autant que l’ensemble des 23 autres opéras français). Les propositions sont attendues pour l’automne 2025 et devraient faire consensus, car déjà expérimentées par certains membres du think tank dans leur propre structure. L’idée enfin est de susciter une Loi de Programmation sur le modèle d’autres budgets ministériels. Pour ce faire, le Club Malraux s’associe à un autre think tank, Synopia, spécialisé dans ces sujets. Alors qu’il va publier un essai (Pour ou contre la Culture) en automne sur les problématiques liées au spectacle vivant et aux préjugés qui pèsent sur ce milieu, Arnaud Thorette entend aussi organiser avec le Club Malraux des rencontres-débats, des colloques, des interventions médiatiques afin d’intéresser le public et l’impliquer dans ce travail de fond.