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Aix l’inaccesible

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Humeur
14 février 2009

Infos sur l’œuvre

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Le festival d’Aix-en-Provence propose cette année une programmation alléchante : la philharmonie de Berlin en résidence, la troisième et ultime journée de la tétralogie, une nouvelle production d’Idomeneo (mise en scène par Olivier Py), la Furore de Joyce Di Donato… Reste à réserver vos places, ce qui semble être, cette année encore, une question de Karma.

 

 

Dans son éditorial, Bernard Foccroule, directeur général du festival d’Aix-en-Provence, rappelle avec un certain lyrisme l’importance de l’héritage du mythe dans la création – et dans la réception – de l’œuvre d’opéra, en achevant son exhortation par une phrase du Torse archaïque d’Apollon de Rilke, auteur dont plusieurs citations ont été cette année ajoutées en contrepoint du programme que le festival a eu la délicatesse de nous envoyer (c’est déjà ça). Qu’il nous soit permis, au lendemain de l’ouverture des réservations sur internet et par téléphone, de suggérer une autre figure mythologique, celle des Danaïdes, précipitées dans le Tartare des enfers, condamnées à remplir pour l’éternité un tonneau percé… Toutes les personnes qui ont cherché vainement à joindre le standard de réservation du festival mercredi 28 janvier approuveront l’opportunité de cette métaphore.

« Le processus d’élaboration des mythes, progressif, long et anonyme, semble avoir marqué le processus de création des opéras ».

On oublie de mentionner le processus de réservation. Car avant de goûter aux saveurs lyriques d’une catharsis au pastis, il nous faut donc, comme Tamino, franchir les épreuves ; dans la mise en scène de la Flûte Enchantée à l’opéra Bastille l’année dernière, un répondeur téléphonique annonçait à Papageno son échec et c’est semble-t-il conformément au délire de la Fura dels Baus, que mercredi soir, un répondeur bilingue vous annonçait après 60 minutes d’appel surtaxé que vous aviez, vous aussi, échoué.

Il peut paraître cynique de se plaindre du succès du Festival. Pourtant. Le festival propose un tarif spécial « jeune » : 15 euros pour un opéra.  Catégorie évidemment disponible par téléphone. Presque deux heures de communications surtaxées, auxquelles s’ajoutent deux fois les frais de réservations (pour des billets qu’il faut retirer sur place…), au total, c’est 20 euros qui partent en frais supplémentaires injustifiés.

Alors évidemment, ce système de réservation pour le moins malhonnête donne un gout amer à l’édito de monsieur Foccroule : « C’est cela qui fonde notre conviction que la présence du public, son élargissement, son rajeunissement, sa participation active, font partie intégrante de la mission première d’un festival comme le nôtre. ». Ce beau morceau de rhétorique balancée achève de nous convaincre que le Festival d’Aix-en-Provence nous prend décidément pour des gogos.

 

 

Car il faut bien être naïf pour croire que le Festival appartient encore à son public. Il semble plus facile d’obtenir une place par le comité d’entreprise d’une société de traitement des déchets du Pays d’Aix que par les réservations publiques, puisque même au Grand Théâtre de Provence(1), le contingent de places disponibles sur internet et par téléphone ne dépasse pas quelques centaines de place – au mieux.

  

 

Que dire du théâtre de l’Archevêché ? Que l’on s’obstine, après la création du GTP, à donner la moitié du programme dans cette tentative de théâtre (dont le découpage des catégories de prix laisse rêveur) est simplement aberrant. « Lieu symbolique » paraît-il. Rappelons que les créateurs du festival,  Gabriel Dussurget, Henri Lambert et Lily Pastré avaient pour projet de l’installer à Marseille. Depuis, l’archevêché fut autant une scène lyrique de circonstance que le théâtre d’affrontements entre les organisateurs, les associations locales et la Commission supérieure des monuments historiques,  et la victime d’aménagements particulièrement destructeurs(2). Le résultat esthétique est « surprenant », et de surcroit peu adaptée à la représentation lyrique : les bruits de l’infrastructure métallique (sous laquelle une partie du public est installée) donnant l’impression déroutante d’entendre Mozart au milieu d’un réseau de canalisations d’eaux usées.

 

Ce qui fait donc la force du Festival d’Aix-en-Provence est son immanence ; un peu comme une société de rachat de crédits qui proposerait préliminairement de vous endetter, il se charge à la fois d’irriter, de crisper -à grands frais – et, comme phénomène qui se contient lui-même, de nous offrir quelques mois plus tard la catharsis lyrique et rédemptrice – et l’infini du monde est conjuré, une nouvelle fois, sous la brise estivale. 

  

 

Wilfried-Baptiste de Lichtervelde

(1) Un théâtre moderne où l’on trouve encore des places sans visibilité, voilà qui laisse songeur.
(2) Merci à Su-lian Neville d’avoir porté à ma connaissance ses travaux de recherche sur les aménagements successifs du théâtre de l’archevêché et ses conséquences.

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