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Cinq clés pour Roberto Devereux

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Actualité
12 mars 2020
Cinq clés pour Roberto Devereux

Infos sur l’œuvre

L’Avant-Scène Opéra n°313

Points de repères

Chantal Cazaux : Argument

Chantal Cazaux : Introduction et Guide d’écoute

Salvatore Cammarano : Livret intégral original

Olivier Rouvière : Traduction française

Regards sur l’œuvre

Bernard Cottret : La cougar et le baroudeur

Camillo Faverzani : « Santa voce d’amistà » : la voix sacrée de l’amitié

Olivier Rouvière : Élisabeth Ire chez Donizetti

Stella Rollet : Les échos parisiens de Roberto Devereux

Écouter, voir et lire

Alfred Caron : Discographie

Chantal Cazaux : Vidéographie

Olivia Pfender : L’œuvre à l’affiche – Roberto Devereux à travers le monde 1964-2020

Chantal Cazaux : Bibliographie

Dossier
Gloriana de Britten,
par Jean-Charles Hoffelé

Détails

Le 313e numéro de L’Avant-Scène Opéra en mains, cinq angles de vue sur Roberto Devereux, qu’aurait dû présenter le Théâtre des Champs-Elysées du 20 au 30 mars, dans une mise en scène de David Mc Vicar, avec Francesco Demuro dans le rôle-titre, entouré de Maria Agresta (Elisabetta) et Karine Deshayes (Sara). En 2020, l’opéra de Donizetti devrait également être joué à Venise, Karlsruhe, Sydney, Los Angeles et Londres.


Elisabetta, regina de l’Opéra

Si le nouvel opéra de Donizetti représenté en 1837 à Naples a pour titre Roberto Devereux, le protagoniste en est moins le Comte d’Essex que la reine d’Angleterre, Elisabeth 1ère, inépuisable sujet d’inspiration pour les compositeurs d’opéra. La fille de Henri VIII et d’Anne Boleyn, née en 1533 et morte en 1603 après avoir régné près de 45 ans, fut aussi mise en musique par Rossini (Elisabetta, regina d’Inghilterra, 1815), Mercadante (Il conte di Essex, 1833) ou encore Britten (Gloriana, 1953). Avant Roberto Devereux, Donizetti avait offert à la souveraine un premier rôle dans deux autres de ses ouvrages : Elisabetta al castello di Kenilworth (1829) et Maria Stuarda (1834). On peut se demander les raisons pour lesquelles « la reine vierge » a servi si souvent de prétexte à opéra. Ses amours infructueux ? Son caractère que l’on a dit acariâtre ? Sa longévité et son intelligence politiques ? Le rayonnement, notamment artistique, de son règne – son nom est associé à l’efflorescence du théâtre anglais dominé par la haute stature de William Shakespeare ? Quelle que soit la réponse, plurielle, cette omniprésence lyrique explique vraisemblablement pourquoi Donizetti, en quête de singularité, a baptisé son opéra Roberto plutôt qu’Elisabetta.

Jamais deux sans trois

Troisième opéra de Donizetti dominé par la personnalité d’Elisabeth 1ère, Roberto Devereux forme aussi le troisième volet de ce qu’on appelle la « trilogie Tudor ». Sous l’influence des romans de Walter Scott, le primo ottocento se prend de tocade pour le fog londonien et les brumes écossaises. Rossini avait ouvert le ban avec Elisabetta, regina d’Inghilterra puis La donna del lago (1819). Donizetti s’engouffre dans la brèche. Plusieurs de ses opéras plongent leur racine outre-Manche, jusqu’au plus célèbre de tous : Lucia di Lammermoor (1835). La postérité a réuni de manière artificielle trois d’entre eux : Anna Bolena (1830), Maria Stuarda et Roberto Devereux. Leurs points communs ? Une intrigue échafaudée sur les petits meurtres entre amis de la dynastie Tudor, et surtout la qualité de la partition. Des soixante-et-onze opéras composés par Donizetti, ces trois-là ont eu dès leur création un retentissement qui ne s’est jamais vraiment démenti, malgré une éclipse au tournant du 19e siècle.

Invraisemblances et anachronisme

Toute ressemblance avec des personnes existant et ayant existé est purement fortuite : l’avertissement souvent apposé sur les œuvres de fiction ne s’applique pas à Roberto Devereux qui met en scène des personnages réels mais n’en prend pas moins un certain nombre de libertés avec la vérité historique. Ainsi, le Comte d’Essex ne fut pas décapité le 25 février 1601 pour trahison amoureuse mais pour sédition et Elisabeth n’a jamais abdiqué en faveur de Jacques VI d’Ecosse, comme le laisse entendre la formidable scène finale de l’ouvrage. Bref, ce « sang versé » réclame d’abord vengeance à Clio, la muse de l’Histoire, allègrement bafouée tout au long des trois actes de l’opéra. Les invraisemblances du livret vont jusqu’à déteindre sur la partition. La première édition définitive de God Save The Queen, dont l’ouverture de Roberto Devereux expose le thème, date de 1744, soit grosso modo un siècle et demi après les faits mis en musique par Donizetti. 

Analepse ou prolepse ?

Il y a deux manières d’appréhender les opéras italiens des années 1830 : à travers leur héritage ou leurs héritiers, en considérant les emprunts ou les legs, à l’aune de ces deux points de repère incontournables que sont Rossini et Verdi. Avec sa succession de numéros balisés comme un sentier de randonnée et son alternance de cavatines et de cabalettes, Roberto Devereux épouse sans un pli le patron dessiné deux décennies auparavant par le maître de Pesaro. Pourtant, la distorsion de la vocalité, certaines ambiances orageuses annoncent déjà l’opéra verdien. Elisabetta conserve « le ciselé du bel canto mais plonge également dans les vertiges d’une véhémence noire et bousculée, à coups de graves poitrinés et d’aigus di forza, d’intervalles élargis et de traits puissants », relève Chantal Cazaux dans son introduction au Guide d’écoute de l’œuvre avant de constater l’ardeur des « clés de fa désormais tournées vers un baryton aussi glorieux qu’enveloppant ». Ce grand écart entre deux écoles de chant ajouté à la complexité du rôle d’Elisabetta rend la distribution de Roberto Devereux difficile et, par conséquent sa programmation délicate.

Un finale qui en vaut quatre

Roberto Devereux scintillerait-il du même éclat dans le ciel lyrique sans sa fameuse scène finale ? Trahie par Roberto qu’elle a condamné à l’échafaud, Elisabetta décide de finalement gracier l’amant infidèle. Trop tard. Le canon retentit. Le couperet est tombé. Prise de folie vengeresse, la reine maudit Sara et Nottingham qu’elle estime responsables du « sang versé » et renonce au trône d’Angleterre. Dans une lettre datée de 1838, Donizetti écrit : « Ce finale en vaut quatre comme ceux de Faliero, de Parisana, etc. » Marronnier de l’opéra romantique, la scène de folie est traitée ici à rebours de la convention qui aurait voulu en guise de conclusion une cabalette agitée et virtuose. Donizetti opte pour un tempo lent et obsédant sur lequel Elisabetta déverse en larges aplats son tombereau d’imprécations. Verdi se souviendra du procédé dans l’aria di sortita de Lady Macbeth. Si mémorable soit-elle, cette scène ne doit pas occulter les autres pages remarquables de l’opéra, tels la tendre cavatine d’entrée d’Elisabetta « L’amor suo mi fe’ beata », le trio furieux du 2e acte « Ecco l’indegno!… » ou encore le duo entre Sara et Nottingham d’une indéniable efficacité dramatique.

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