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Cinq questions à Kurt Streit

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Interview
14 octobre 2013

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Trente ans après ses débuts, Kurt Streit figure toujours parmi les ténors Mozartiens le plus demandés. Il incarne l’empereur Titus à La Monnaie dans une mise en scène d’Ivo Van Hove. Sobrement, il avoue avoir découvert sa voix en se frottant au répertoire de Freddie Mercury et il ne regrette pas le temps où son calendrier était exclusivement constitué d’Ottavio et de Ferrando. Voyager avec sept partitions différentes dans ses valises reste une joie, à l’heure où il envisage de se retirer avec la sérénité du personnage qu’il incarne. 

Mozartien, vous semblez répondre aux appels d’autres sirènes ?

Le cheminement naturel de la vie d’un ténor Mozartien est d’évoluer des rôles les plus légers vers les rôles les plus lourds ; au début de ma carrière j’ai chanté énormément de Don Ottavio (Don Giovanni) et de Ferrando (Cosi fan tutte) et, arrivé dans la cinquantaine, je chante Idomenée, Titus et Lucio Silla de temps en temps. Ce qui est agréable à ce sujet, c’est que les éléments qui vous sont nécessaires pour chanter ces rôles dans votre trentaine ne le sont plus vraiment plus tard. Il est important de savoir vocaliser, il est primordial de garder une voix flexible dans ces rôles de maturité mais finalement de manière différente des opéras précités – il est enfin permis de vieillir – nous ne sommes pas comme ces pauvres top modèles ou ces actrices qui doivent paraître 25 ans, moi je n’ai pas ce souci. C’est aussi pour cela qu’on évolue vers d’autres répertoires, aujourd’hui je chante du Händel, du Janaceck, du Wagner, du Berlioz, des tas de choses. Alors que quand j’avais 32 ans, mon agenda était complètement phagocyté par un ou deux rôles mozartiens. Donc ces attributs vocaux me sont nécessaires, oui. Mais moins qu’avant. C’est finalement une voie extrêmement honorable de s’en tenir à Mozart. Je ne l’ai pas fait, mais c’est une excellente option si vos possibilités vocales vous y invitent. Dans mon cas, j’ai trouvé amusant d’explorer des répertoires qui m’étaient inhabituels – j’y prends toujours beaucoup de plaisir : je chanterai bientôt Peter Grimes, Ulysse de Monteverdi, Palestrina, Hindemith, j’ai fait Mathis der Mahler. C’est amusant : j’adore faire ma valise et avoir plusieurs partitions d’opéra dedans.

La Clemenza di Tito traite-t-elle avant tout de sagesse ?

Oui, absolument. Mais plus particulièrement de la sagesse intérieure qu’il parvient à trouver et qui entraine une véritable révolution. Il faut se souvenir de quand cette pièce a été composée, c’est primordial. Un opéra composé en 1791 sur un Empereur qui a de l’empathie pour ses sujets, qui ne se contente pas de les envoyer aux galères ou à la guillotine, ce n’est pas anodin. Il pardonne à Sesto dans la pièce et c’est révolutionnaire ; d’ailleurs Titus dit dans le livret que tout – du ciel et de la terre, le Sénat, la loi – le pousse à une condamnation à mort, mais qu’il s’y refuse. Voilà pourquoi l’opéra s’appelle La Clémence de Titus et pas La Sagesse de Titus. Car bien sûr il s’agit de sagesse, mais avant tout d’une approche révolutionnaire qui humanise le pouvoir, qui lui prête des traits humains. Un autre volet intéressant de l’opéra : il parle des paysans, l’empereur regrette parfois de ne pas être l’un d’eux. Il dit « bien sûr je suis riche et j’ai mes palais, mais je ne peux pas rentrer simplement chez moi le soir, retrouver ma famille et mener une vie normale ». C’est un traît humain.

Kurt Streit est-il un acteur ou un chanteur ?

C’est le débat qu’ont Flamand et Olivier dans Capriccio. J’ai me suis souvent surpris à souhaiter être avant tout un acteur mais ce n’est pas vrai. J’ai déjà eu ce débat à l’université où on me disait que j’étais avant tout un chanteur et je me rebellais en disant que je voulais être avant tout un acteur, ce qui m’a valu – effectivement – d’être considéré comme un bon acteur. Mais le fait est que nous sommes des chanteurs avant tout, quelle que soit mon envie de croire le contraire. Nous devons chanter avant de jouer et il est impossible de laisser la comédie prendre le pas sur la voix. Finalement, quel que soit le rôle que vous interprétez, la clé est de trouver ce que vous voulez en faire. Voilà pourquoi évoluer dans un opéra implique inévitablement d’être un acteur. Je veux trouver quelque chose d’agréable à chaque rôle que j’approche. Je me souviens de ce rôle de méchant dans Rodelinda de Händel – c’était vraiment un sale type – mais j’ai adoré me mettre dans sa peau, j’en ai fait un méchant auquel on s’attache, un peu comme Robert De Niro. Titus en revanche est plus évident à approcher, mais quel que soit le rôle, une fois que vous avez compris ce que vous voulez en faire, cela devient agréable et amusant de se promener dans la psyché du personnage.

Est-ce que comme beaucoup de chanteurs anglo-saxons vous avez trouvé votre voix en évoluant dans un choeur ?

Je n’ai jamais vraiment été un chanteur de choeur même s’il m’est arrivé de rejoindre l’un ou l’autre choeur. C’est peut être un peu embrassant à dire mais, en gros, j’ai appris le métier en chantant de la pop. J’avais une voix très aigüe, comme Freddie Mercury à sa grande époque. Je jouais de la guitare, je chantais beaucoup et quand je me suis inscrit à l’université j’ai été vraiment très surpris que mes profs me disent que je chantais très bien. Je ne m’en rendais absolument pas compte. Dans mon cas, je ne me suis jamais dit « je suis un chanteur », ce sont les autres qui me l’ont dit. Et plus tard ce sont les mêmes qui m’ont dit « tu es un chanteur mozartien ». Et comme beaucoup me l’ont répété, je l’ai pris pour argent comptant et j’ai travaillé ce style particulier. D’ailleurs, le meilleur moyen de chanter longtemps est de chanter du Mozart. Je me souviens quand j’avais 26 ans, j’ai travaillé avec Leontyne Price qui me disait « avant chaque Aida, je chante Fiordiligi dans mon appartement » et elle ajoutait que si elle arrivait à chanter du Mozart, Verdi suivrait sans difficulté. Une des choses les plus agréables quand on chante du Mozart c’est que son écriture correspond scrupuleusement à la machinerie vocale humaine. Donc j’ai beau chanter du Hindemith et du Wagner, je dois systématiquement en revenir à Mozart ou à Händel. Il faut revenir à ses racines, c’est comme ça qu’on chante pendant 30 ans.

Que ferez-vous dans dix ans ?

Je crois que dans dix ans je serai retraité. Pas par nécessité mais parce que j’en ai envie. Ma femme et moi venons d’avoir un petit bébé et l’idée d’être là quand elle ira à l’école me rend heureux. J’ai énormément voyagé à cause de ma carrière et l’idée de passer du temps à la maison auprès des miens me semble une aspiration très saine. Donc, dans dix ans, je ne serai sans doute pas à Bruxelles (rires). C’est extrêmement douloureux et cela devient de plus en plus difficile d’être loin des siens au fur et à mesure que les années passent et particulièrement avec un bébé à la maison ; je n’ai plus envie de partir. Cela joue un rôle déterminant dans ma décision d’arrêter.

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