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La Quarantena al cimento, oratorio profane

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Actualité
6 avril 2020
La Quarantena al cimento, oratorio profane

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Comme il n’est pas sûr que la terrible épidémie que nous traversons inspire de sitôt les compositeurs, Forum Opéra vous propose un pasticcio en forme d’oratorio, qui laisse entrevoir un lieto fine pour ce moment douloureux. La Quarantena al cimento (« La quarantaine à l’épreuve ») fait intervenir cinq personnages principaux : Covid, basse, Quarantena, mezzo-soprano, Incredulità, alto, Tirsi, amant de Clori, alto et Clori, amante de Tirsi, soprano, à quoi s’ajoutent deux choryphées de CNN International, alto et ténor. Les différents numéros sont empruntés à messieurs Caldara, Scarlatti, Haendel, Vinci, Vivaldi, Hasse et quelques autres…


Sinfonia

 

Parte prima

 

Clori et Tirsi sont endormis de part et d’autre de la scène. Covid descend des cintres dans un char tiré par dix-neuf pangolins et commence à répandre sur la Terre des nuées de miasmes.

D’une trappe sort Quarantena, drapée de blanc ; elle porte un masque et des gants. D’un geste, elle provoque un changement à vue : les nuées se dissipent et des cloisons viennent séparer Clori et Tirsi. Impuissant, Covid enrage.

Contro te di sdegno armato
Verserò, superbo, ingrato,
Per domar l’infido orgoglio
Quanto hò d’ira, e di velen.

Ne sarà mia destra paga,
Sin’ che a farti acerba piaga
Non t’immerge ancor su’l soglio
L’asta orribile nel sen.


Incredulità survient. Quoi, on veut contraindre ses libertés ? Les cloisons l’incommodent, l’aspect sévère de Quarantena l’amuse : elle jure de défier ses arrêts rigoureux.

Sarò qual vento
Che nell’incendio spira
E l’Ira infiammerò;

E così spento
Ogni nemico orgoglio
Tutto il favor del soglio
Io sol godrò.


Un écran paraît. La CNN prophétise les dangers qui menacent l’humanité.

Incredulità l’ignore ostensiblement.

Some dire event hangs o’er our heads,
Some woeful song we have to sing
In misery extreme. O never, never
Was my foreboding mind distrest before
With such incessant pangs.

Scenes of horror, scenes of woe,
Rising from the shades below,
Add new terror to the night;

While in never-ceasing pain,
That attends the servile chain,
Joyless flow the hours of light.

Clori et Tirsi s’éveillent en sursaut, frémissant à ce qu’ils viennent d’entendre. Impérieuse, Quarantena énonce ses décrets : seule une stricte séparation assurera leur salut.

Clori se lamente.

Un caro amante 
Gentil costante
Mi diede amor,
E un empio fato
Me’l tolse allor
Che amante amato
Venia fedele
In braccio a me.

Infin che porto
Tal piaga al cor,
Senza morire
Al mio martire
Altro conforto
No che non v’è.

Inutiles alarmes, interrompt l’Incredulità. Pourquoi craindre pareil danger et ainsi se priver des joies du quotidien ? Chaque jour on nous promet le pire, mais la menace paraît bien vague.

Qual augellino al monte
Fuggi, mi dite o cari
Fuggi, che l’arco è teso
E le saette pronte,
E il colpo a’ danni tuoi già prende il volo.

Ma dal gran Dio difeso
E in sua possanza invitto
Qual già mi vidi al piè
Il Filisteo traffitto
Vedrà nimici miei morder il suolo.

Le doute gagne Tirsi. Faut-il vraiment s’inquiéter, faut-il se plier à des règles aussi austères ? Tiraillé entre Quarantena et Incredulità, il hésite sur la marche à suivre.

Core misero, misero cor
Che risolvi, che pensi di far?

Se niego obbedire
Di morte sarò
Se vado a servire più vita non ho.
Son qual prora flagellata
Dallo sdegno d’alto mar.

C’en est trop pour Clori. D’abord résignée au confinement, elle se laisse gagner par la panique.

Colle procelle in seno
Di cento affanni, e cento
Il misero mio cor
Già sento naufragar.

Ripieno di timore
Arte non ho consiglio:
A voi rivolgo il cielo
Numi, per respirar.

Quarantena s’approche de Clori – en restant toutefois à plus d’un mètre – et vient l’apaiser par ses paroles réconfortantes.

Ti parli nel seno
Speranza ed amore
E dica al tuo core
Che alfin la costanza
Saprà trionfar.

Ti chiama al regno l’affetto mio:
Del pio disegno non ti sdegnar.

Fi ! lance Incredulità. Vaines promesses, austère prudence. Le soleil brille, Tirsi est fougueux : ce serait un crime de rester cloîtré.

Fin che danzan
Le grazie sul viso
Avvezzati a ridere
Impara a godere.

Verrà l’etade algente,
Che repente
Darà bando al bel piacer.

Tirsi peine à se résigner. Incredulità a bien raison, et Quarantena est trop sévère.

Che legge spietata!
Che sorte crudele!
D’un’alma piagata,
D’un core fedele
Servire, soffrire,
Tacere e penar.

Se poi l’infelice
Domanda mercede
Si sprezza, si dice
Che troppo richiede,
Che impari ad amar.

Clori et Tirsi ne savent encore quel parti prendre.

Quarantena s’affermit. Elle lève un doigt vers le ciel, des masques pleuvent au sol. Dans l’adversité, la constance sera sa force.

Sprezza il furor del vento
Robusta quercia avvezza
Di cento verni e cento
L’ingiurie a tollerar.

E se pur cade al suolo,
Spiega per l’onde il volo,
E con quel vento istesso
Va contrastando in mar.

Fin de la parte prima

 


 

Parte seconda

 

Tirsi et Clori se languissent séparément. Quarantena se tient entre eux. Des fleurs printanières commencent à éclore sur scène entre de délicates fontaines.

Aure placide, e serene,
Aque garule, ed amene,
Frondi amabili innocenti
Sussurrando,

Mormorando,
Eco fate a miei lamenti.

Surviennent Covid et Incredulità. Le virus touche à tout mais ne peut atteindre les amants : il laisse éclater son dépit et promet de redoubler de virulence.

Come stridente fulmine
Che dalle nubi discende
Come sdegnato turbine
Che al suol le piante stende;
Io recherò spavento
Nel generoso cor.

Non sempre invendicata
Così tu resterai [à Incredulità]
Tu vittima cadrai
Del giusto mio furor. [à Quarantena]

Clori et Tirsi sont terrifiés. Il est donc encore bien là ce mal effroyable, malgré la séparation imposée. Quarantena compatit à leur peur et leur désarroi : il leur faut patienter et traverser courageusement l’épreuve.

Fra deserti e vaste arene
Con il cor fra dubbi e pene
Movo il piede a passi incerti.

E se errante il guardo giro
Già tremante non rimiro
Che perigli ognor aperti.

La franchise de Quarantena redonne de la force à Tirsi, convaincu du bien-fondé du confinement. Il décide de s’en remettre pleinement à ses lumières.

Scaccia l’orror, le tenebre
Il lume tuo dal cielo
E acceso in vivo zelo
Fa che divampi il cor.

Lume che qui ne invita
Frutti a raccor di vita
Sull’orme del suo amor.

Clori demeure inquiète. Les jours passent, les nouvelles restent catastrophiques. Elle aspire au temps où elle pourra retrouver la sérénité.

Deh ! lascia o core
Di sospirar
Per un momento;

E torna poi
Con più dolore
A lagrimar
Ch’io mi contento.

Il est un moyen simple de retrouver la paix : « Sortez, sortez donc ! » glisse Incredulità. Le printemps est là, le soleil réchauffe le cœur et invite à jouir de l’être aimé.

Sentirò fra ramo e ramo
Più tranquille e placidette
L’aure liete a sussurar

E co’ zeffiri diletti
Amorosi gli augelletti
Tutti gioia gareggiar.

Vile Incredulità ! Clori ne prête plus foi à ses invitations mielleuses, à ses questionnements incessants. Malgré la rigueur du confinement, elle tiendra bon.

La mia costanza
Non si sgomenta,
Non ha speranza,
Timor non ha.

Son giunta a segno
Che mi tormenta
Più del tuo sdegno
La tua pietà.

Tirsi rejoint son aimée dans la constance : fuyez, doutes !

Dans un rire jaune, Incredulità disparaît entre les lattes du plancher.

Accordé avec sa Clori, Tirsi célèbre l’amour qui les fera tenir.

Finche salvo è l’amor suo
Anche in mezzo
Alle tempeste più funeste
Calma ha l’alma,
E pace ha il cuor.

Ma se sorge la procella
A turbar lo stesso Amore,
L’alma, e il cuore
Sente all’ora il suo dolor.

Quarantena a vaincu. L’humanité confinée restera à l’abri du Covid, et peut entrevoir l’espoir après le passage de la funeste vague.

Fremer da lunge io sento
L’onda sdegnosa e il vento
Che la procella han desta
Onde può legno tuo restare assorto.

Volgi tuoi lumi à quella
Del mar begnina stella
Che placa ogni tempesta
E sola scorge i naviganti in porto

Incredulità est terrassée, Quarantena triomphe. Livide, Covid reparaît défait de ses atours ; il saisit sa couronne et la brise. Ses proies lui échappant, il dépérit aujourd’hui mais attention : on le reverra un jour sous une autre forme…

Ombre de’ neri chiostri
Furie, fantasmi e mostri
Del tormentato inferno
E’ ver, che il vostro core
Arde di sdegno eterno
Ma con sì rio furore
M’avvampo il seno anch’io
Ch’è poco il vostro in paragon del mio.

Le virus s’est éteint, la Quarantena retire son masque et d’un geste lent libère Clori et Tirsi. L’écran descend à nouveau des cintres et la CNN annonce la fin de la pandémie.

Thus when the Sun from’s wat’ry bed
All curtain’d with a cloudy red
Pillows his chin upon an Orient wave

The wand’ring shadows ghastly pale
All troop to their infernal jail
Each fetter’d ghost ships to his sev’ral grave.

Victoire amère ; Quarantena recule doucement jusqu’à disparaître en fond de scène alors que Clori et Tirsi se rejoignent.

Clori

Caro, vieni al mio seno
Dopo tanto languir!
Sento ch’io vengo meno
Per un sì gran gioir.

Tirsi

Cara, torno al tuo seno
Dopo tanto soffrir!
Scaccia si bel sereno
L’ombra del mio martir.

L’humanité en chœur

Dopo tanto penare
E più grato il piacer;
Chi sà, costante amare,
Rende immenso il goder.

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