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L’Israeli Opera Festival, l’opéra autrement

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Actualité
9 juin 2011

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La deuxième édition de l’Israeli Opera Festival installe dans le paysage lyrique une manifestation dont l’objet dépasse le simple plaisir musical. Les représentations de Nabucco en 2010, d’Aïda cette année ou de Carmen l’an prochain au pied de ce symbole national de résistance qu’est le rocher de Masada, visent en effet plus large que les milliers d’israéliens et de touristes qui la nuit tombée viennent sacrifier à la magie conjuguée d’un site, de sons et de lumières. Et si, en Israël, l’opéra était plus qu’un art ?

 

 

Après le succès de Nabucco en 2010, Hanna Munitz, directrice générale de l’Israeli Opera depuis 1995, a décidé de mettre les bouchées doubles. Cette saison, le festival qu’elle a créé de toutes pièces en plein désert il y a tout juste un an, ne se satisfait pas d’un simple spectacle en plein air, aussi pharaonique soit-il, mais déploie ses ramifications jusqu’à Jérusalem. C’est qu’il faut avancer vite dans un pays qui a pour premier paradoxe d’être à la fois l’une des nations les plus jeunes et l’un des peuples les plus vieux au Monde. Aux cinq représentations d’Aïda au bord de la Mer Morte, Hanna Munitz a donc ajouté dans la ville « trois fois sainte » une version de concert de Jérusalem, l’opéra de Verdi qui s’impose là comme une évidence, et une soirée de gala sous l’égide des Arènes de Vérone, ce qui, soit dit en passant, montre l’aune à laquelle veut se mesurer ce nouveau festival.

Mais plus qu’une Piscine du Sultan au confort acoustique encore perfectible (alors que la sonorisation à Masada s’avère plus confortable), on avoue avoir préféré les concerts organisés en une seule journée dans les églises et lieux historiques de Jérusalem. Leur nombre – une dizaine – et leur situation – dispersée – en font un but idéal de promenade dans une ville toujours aussi captivante. Leur durée – une heure – prédispose à la flânerie. Certains s’avèrent même une station salutaire sur ce chemin de douleur que peut devenir, en plein cagnard, la visite des lieux saints et la traversée des souks rassasiés de touristes.

C’est précisément à la troisième station des neuf que comprend la Via Dolorosa, dans le cadre étonnamment paisible de l’Hospice autrichien de la Sainte Famille, qu’il nous a été donné de vivre l’expérience la plus rafraichissante de la journée : un parcours musical motivé par la reine Cléopâtre à travers des airs et duos composés par Hasse, Mattheson et Haendel1. A l’affiche, en reine d’Egypte et empereur de Rome, Hila Baggio et Shira Raz, deux élèves de l’Opéra Studio d’Israël qui disposent de tous les atouts de la jeunesse et d’une préparation suffisante pour se frotter au répertoire (« Piangero la sorte mia » pour la première et « Se infiorito » pour la seconde tout de même !) avec, dans l’interprétation, un mélange de candeur et de timidité qui touche au cœur. Quelques heures auparavant, dans une salle voutée de la Tour du Roi David, Mima Milo, une autre étudiante de l’Opéra Studio, offrait en Giulietta de Bellini un chant épanoui à l’image d’un visage dont l’ovale et le velours noir du regard auraient séduit l’autre Bellini (le peintre)2. Ainsi l’Israeli Opera Festival atteint un but qu’il ne s’était pas forcément fixé au départ : offrir à ses jeunes talents une occasion de rencontre avec le public et commencer ainsi à se faire connaître.

 

Cet objectif non avoué rejoint les motivations artistiques initiales de la manifestation : exposer un savoir-faire en matière de culture via les représentations à Masada d’un opéra dans les meilleures conditions possibles, sans succomber aux tentations grandguignolesques qu’une telle débauche de moyens pourrait susciter, tout en promouvant l’art lyrique auprès d’une audience plus large que celle à laquelle peut prétendre l’Israeli Opera en temps normal, sur le plan national comme international.

D’une part donc instruire localement la population, ce qui implique le choix d’œuvres capables de séduire le plus grand nombre : Nabucco, Aïda, Carmen… Il n’est pas certain que Samson et Dalila d’ores et déjà envisagé et dont le thème se prêterait bien au lieu, soit suffisamment populaire pour attirer les foules. Eduquer mais aussi impliquer, unifier un tissu social qui, compte tenu de l’histoire d’Israël, demeure hétérogène. Deux mille cinq cent personnes participent à la réalisation d’Aïda : techniciens, costumiers, figurants… Parmi eux, des bédouins, des danseurs de Rahat, d’Arad, des habitants du Negev et de la Mer Morte unis dans une même entreprise.

Sur le plan international, il s’agit de donner aux étrangers une raison supplémentaire de visiter Israël et de doper le nombre de touristes qu’accueille chaque année le pays. Renvoyer aussi une image pacifiée d’une région à l’histoire belliqueuse. La musique adoucit les mœurs, n’est-ce pas ?

Une telle mobilisation n’est pas sans conséquences économiques. C’est là un autre des facteurs qui motivent le projet. Outre le travail généré par l’organisation des événements, le taux de remplissage des hôtels au bord de la Mer Morte grimpe d’un cran durant le festival et par voie de conséquence le nombre de personnes employées dans les entreprises environnantes. Les retombées financières sont indéniables.

Plus discutable nous semble l’argument environnemental avancé aussi par Hanna Munitz. La horde de touristes que la chaleur en cette saison assoiffe davantage (460.000 litres de liquide devraient être bus au total durant les représentations d ‘Aïda) et qui, après avoir flotté sur la Mer Morte, vont rincer sous la douche leur corps empoissé de saumure, ne nous semble pas favorable à la préservation d’une étendue d’eau dont le niveau baisse d’un mètre par an.

 

Mais l’on s’en voudrait d’assombrir un bilan qui par ailleurs s’avère positif. Rendons la parole aux chiffres. Aux 2500 personnes impliquées dans le projet – dont 100 choristes, 100 instrumentistes, 50 danseurs et 11 chameaux ! –, il faut ajouter les 7700 spectateurs qui se déplacent chaque soir pour vivre une expérience hors du commun. Cette année, le Requiem de Verdi dirigé par Giuliano Carella est venu le temps d’un soir prêter main forte à Aïda au pied de Masada. La prochaine édition verra des représentations de Carmen, un récital qui réunira Roberto Alagna et Elina Garanca (sans que l’on sache encore si l’un et/ou l’autre sera à l’affiche de l’opéra de Bizet) mais aussi des concerts à prévoir à Jérusalem et sans doute ailleurs dans le pays. L’Israeli Opera festival veut encore déployer ses ailes et investir d’autres sites. L’art lyrique envisagé comme une énorme machine de paix et de développement, voilà une façon nouvelle de considérer l’opéra qui, en ces temps de réductions budgétaires, augure bien de sa survie. Quant à nous, lyricomanes festivaliers, notre carte du Monde compte un territoire de plus. Alleluia !

 

Christophe Rizoud

 

 

Carnet de voyage

 

Transport : La compagnie ELAL de France organise 3 vols quotidiens en moyenne de Paris vers Tel-Aviv (sauf samedi) et selon la saison 3 à 5 vols hebdomadaires de Marseille vers Tel-Aviv

 

Hébergement : A Jerusalem, l’hôtel Inbal, en surplomb du Liberty Bell Park, se trouve à proximité immédiate des principaux sites culturels de la ville (www.inbalhotel.fr) ; à Masada, Le Meridien David Dead Sea Hotel en bordure de la mer Morte est situé à un quart d’heure en voiture du lieu de spectacle.

 

Repas : A Jerusalem, à cinq minutes à pied de la Piscine du Sultan, le restaurant Eucalyptus dirigé par le chef Moshe Basson propose une nourriture originale élaborée à partir de recettes bibliques (www.the-eucalyptus.com).

 

Plus d’informations sur le site de l’Office National Israélien du tourisme : www.otisrael.com

 

 

1 Meeting Cleopatra : Hila Baggio, soprano ; Shira Raz, mezzo soprano ; Baroque Trio dirigé par Eithan Schmeisser – Tower of David Museum – Vendredi 3 juin, 13h. 

2 Opera Sancta : Mima Millo, soprano ; Alaa Vasilevitsky, soprano ; Yifat Weisskopf, mezzo soprano ; Julia Rovinsky, harp – Hospice autrichien de la Sainte Famille – Vendredi 3 juin, 16h

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