Il y a tellement de bonnes raisons de découvrir ou de réentendre cet enregistrement de Elisabetta Regina d’Inghilterra de 1979 avec Gianfranco Masini à la tête du LSO. D’abord la perfection formelle d’un chef d’œuvre composé en 1815 par un jeune homme de 23 ans, qui inaugurait ainsi la vingtaine de pièces écrites à Naples. Puis la deuxième utilisation d’une ouverture testée deux ans plus tôt dans l’oublié Aureliano in Palmira et qui sera rendue célèbre un an plus tard à Rome (Il barbiere du Siviglia). Pour la Matilde de Valérie Masterson qui, dès son « Incauta, che festi ? » porte toute la fragilité du personnage.
Pour Montserrat Caballé qui oscille en permanence et y compris dans les arioso (« Quant’è grato all’alma mia ») entre l’aigu filé tendu par les anges du ciel et le fortissimo autoritaire, impérieux et implacable. Pour José Carreras, la plénitude d’une voix dont on aime à se souvenir de ce qu’elle fut. Pour une fois pleinement dans son répertoire, il ferait pleurer les pierres dans le « Sposa amata » du II avant de nous étourdir par l’insolence des aigus. Et puis bien sûr pour tous les morceaux de bravoure dont on aura le droit d’user et d’abuser sans modération : à l’acte I, la cavatine de Matilde « Sento un’interna voce », l’interminable (presque un quart d’heure) et impensable finale « Se mi serbasti il soglio » où la Caballé brille de mille feux. Au II le feu d’artifice continue : le trio Elisabetta, Matilde, Leicester ( « Pensa che sol per poco »), la grande scène de Norfolk porté par un Ugo Benelli qui tient là son Graal et qui vient à bout des terribles vocalises de la fin de la scène, la grande scène de Leicester (« Della cieca fortuna ») qui nous montre un Carreras tel qu’on ne l’entendra plus guère autant maître de ses moyens, avec cette raucité quelque peu forcée qui faisait son charme d’alors. Une production donnée presque à l’identique en 1975 dans le cadre du festival d’Aix-en-Provence.
Montserrat Caballe (Elisabetta), Jose Carreras (Leicester), Valérie Masterson (Matilde), Ugo Benelli (Norfolk), Neil Jenkins (Guglielmo)
Gianfranco Masini, London Symphony Orchestra
Philips, 2 CD, enregistré à Londres en juillet 1979