Le soprano mexicain s’est éteint à l’âge de 84 ans. Née à Guadalajara le 12 juillet 1940, Gilda Cruz Romo se forme au Conservatoire national de Mexico. Elle commence sa carrière lyrique en 1962 à l’Opéra de Mexico avec Ortlinde de Die Walküre (ou plus probablement de La Valkiria !). Elle débute au New York City Opera le 5 octobre 1969 dans Mefistofele. Ça tombe bien : le Metropolitan voisin est en grève, ce qui lui donnera un surcroit de visibilité. La voix est lumineuse et excellemment projetée : cela se remarque vite car l’acoustique du New York State Theater est peu clémente pour les voix (la salle est avant tout conçue pour le New York City Ballet et George Balanchine avait exigé que l’on ne puisse entendre les pas des danseurs sur scène) capables également de beaux piani. La chanteuse a de la présence et un charme naturel. Elle remporte un très grand succès et sera réinvitée dans les années qui suivent : Madama Butterfly, La Bohème, Un Ballo in maschera, Tosca. Parallèlement, elle concourt pour les Met National Auditions et parvient en finale avec « La mamma morta » d’Andrea Chénier. Elle débute avec la troupe du Met dans ce même rôle à Atlanta, le 8 mai 1970, aux côtés de Richard Tucker (ce qui exigeait du répondant en termes de volume vocal), à l’occasion d’une des tournées de l’institution (tournées aujourd’hui disparues). Elle chante ensuite Nedda d’I Pagliacci à l’occasion d’un concert au jardin botanique de Brooklyn en juillet. Elle fait de nouveaux débuts new yorkais en décembre avec Madama Butterfly. Elle chantera plus de 160 représentations avec le Met, tournées comprises, abordant des rôles aussi divers que La Forza del destino, Tosca, Aida, La Traviata, Un Ballo in Maschera, Il Trovatore, Manon Lescaut, Otello, Suor Angelica ou encore Don Carlo. Elle chante une dernière Tosca en tournée à Memphis en 1984.
Elle se produit un peu en Europe, essentiellement au début des années 70. En 1969, pour la RAI de Rome, elle chante Luisa Miller aux côtés de Luciano Pavarotti et Matteo Manuguerra. A Londres, elle débute avec Aida en 1973 aux côtés de Carlo Bergonzi (si l’on en croit le live en circulation car les archives de la compagnie sont incomplètes et ne la mentionne pas). Elle est invitée à Vienne (Aida, Trovatore, Forza, Luisa Miller, Butterfly et Tosca), à la Scala (Aida, Ballo in Maschera), au Maggio Musicale Fiorentino (les représentations polémiques (1) du Trovatore dirigées par Riccardo Muti en 1977), aux Arènes de Vérone (Aida, 1974), au Liceu (Tosca, 1974), à la Fenice (le Requiem de Verdi, 1974), Rome (Manon Lescaut)… Elle continue à se produire épisodiquement jusqu’au début des années 90. Elle chantera Norma en 1980, Medea à la fin des années 80, Macbeth à Bilbao (1983), Matilde pour la création américaine du rare Silvano de Mascagni en 1989 à Englewood avec le New Jersey Opera. Elle se consacre alors à l’enseignement.
En France, on a pu l’entendre à Orange dans Aida (1976), représentation enregistrée sur le vif par Pierre Jourdan et qui fut un temps disponible commercialement, puis au Palais Garnier dans Il Trovatore en fin de cette même année.
(1) Pour cette série de représentations, le jeune Riccardo Muti avait exigé un respect absolu de la partition (on pourrait en discuter), interdisant à Carlo Cossutta d'ajouter les contre-ut traditionnels de sa cabalette (ça devait sans doute l'arranger) et rétablissant au contraire celui prévu pour Azucena (interprétée par Fiorenza Cossotto) tombé en désuétude. L'affaire avait fait grand bruit !