Forum Opéra

BELLINI, Norma

Partager sur :
CD
23 septembre 2025
La relève ?

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Vincenzo Bellini (1801-1835)
Norma, opéra tragique en deux actes, sur un livret de Felice Romani, créé à la Scala de Milan le 26 décembre 1831

Détails

Norma
Melody Moore

Pollione
Stefan Pop

Adalgisa
Roxana Constantinescu

Oroveso
Adam Lau

Flavio
Eusebiu Hutan

Clotilde
Noemi Modra

 

Chœur de Transylvanie

Orchestre philharmonique d’Etat de Transylvanie-Cluj

Direction musicale
Pier Giorgio Morandi

 

2 CD Euroarts 2011163, enregistrés à Cluj en juillet 2024, 2h25′

On connaît le fameux mot de Lili Lehmann, artiste aux moyens immenses, qui reconnaissait trouver plus faciles les trois Brünnhilde de la Tétralogie que Norma. Depuis près de deux siècles, le chef-d’œuvre de Bellini se dresse fièrement comme un défi lancé à ses interprètes. Impossible de ne pas évoquer le nom de Maria Callas, qui a chanté le rôle-titre de 1948 à 1965, le marquant d’une empreinte indélébile, tant elle parvenait à y unir la grammaire belcantiste la plus orthodoxe avec un sens de la tragédie et des raucités qui donnent encore le frisson aux témoins qui ont eu la chance de la voir sur scène. Piotr Kaminski n’y va pas par quatre chemins dans 1001 Opéras : « Depuis que Leyla Gencer, Joan Sutherland, Montserrat Caballe et Renata Scotto, avec leurs lumières et leurs limites, quittèrent la scène,  le rôle et l’opéra qui en portent le nom vivent d’expédients en espérant un nouveau miracle. »

Melody Moore ne craint pas d’affronter toutes ces ombres tutélaires, et ses moyens lui donnent raison : le timbre est d’une lumière admirable, avec une couleur et des irisations qui évoquent souvent l’image de miel coulant sur un vieux tronc d’arbre. C’est admirable de beauté, tout en étant très personnel et immédiatement reconnaissable. La chanteuse déclare souvent en interview s’inspirer de Renata Tebaldi, et la filiation est en effet évidente, avec quelque chose de plus souple que chez l’Italienne. Le volume est, au disque, tout à fait approprié, la diction soignée, les répliques sont tranchantes, la langue vécue de l’intérieur. Tout au plus regrettera-t-on un passage vers les notes les plus aigües qui donne parfois l’impression d’un rétrécissement, voire d’une dureté. Mais ce chant qui devient alors plus forcé produit un effet dramatique de la plus belle eau. Comme cela correspond chaque fois à des climax, comme à la fin de l’acte I, on constatera que l’artiste est d’une intelligence supérieure, puisqu’elle fait de ses limites un atout. Bien plus que « l’expédient » décrit par Piotr Kaminski, Melody Moore prend place dans une succession prestigieuse sans rougir.

Le coffret a d’autant plus de légitimité que le reste de la distribution a fait l’objet d’un soin tout particulier. Commençons par le Pollione de Stefan Pop. A condition d’oublier John Osborn ou Michael Spyres, et la tendance de notre époque à confier le rôle à des artistes tout en douceur et nuances, on pourra se laisser séduire par le chant héroïque de Pop, et la santé éclatante qu’il met dans chacune de ses interventions. On est loin du « tenor di grazia » hérité de Rossini, mais quelle allure, quelle vaillance, quelle belle façon de rééquilibrer une oeuvre qui a souvent tendance à pencher davantage du côté féminin. Après tout, Callas elle-même n’avait-elle pas pour Pollione un certain Franco Corelli, peu connu pour sa tiédeur ? Adam Lau offre un Oroveso dans le même style : granitique, voire rocailleux, il est ici plus prêtre que père, mais l’ampleur des moyens est impressionnante. Comme cela a souvent été le cas jusqu’à la fin des années 70, le choix a été fait de confier Adalgisa à une mezzo-soprano. C’est la jeune Roumaine Roxana Constantinescu qui a pour tâche délicate de donner la réplique à Melody Moore dans les fameux duos. On apprécie l’engagement de l’artiste, sa rage de vaincre les difficultés du rôle et la jeunesse de ton qu’elle exhale en permanence. Mais le timbre n’est pas des plus séduisants, surtout dans le registre supérieur, et il se marie assez mal avec la voix ô combien « crémeuse » de Melody Moore.

Après sa très belle Aïda en Suède cet été, Pier Giorgio Morandi confirme ses qualités de chef lyrique : un vrai sens du théâtre, une battue claire au service des chanteurs, un instinct quasi infaillible pour savoir quand il faut retenir l’orchestre ou lui laisser plus d’espace. On ne sait qu’admirer le plus, des introductions pleines de mystère et d’atmosphère aux longues cantilènes rendues avec un sens du phrasé qui est proprement enivrant, sans parler des ensembles plus dramatiques, pleins de feux. Le finale de l’acte I est ébouriffant, avec une gestion des équilibres et des tempi proche de l’idéal. Très flatté par une prise de son studio qui est comme une radiographie, l’Orchestre philharmonique de Transylvanie est engagé du premier au dernier pupitre, et il semble rompu à un répertoire qui reste étranger à tant d’autres, même parfois au sein de nos maisons d’opéra. Le Choeur de Transylvanie est excellent, Clotilde (Noemi Modra) et Flavio (Eusebiu Hutan) n’appellent que des éloges, bref, même si Callas ou Sutherland ne sont pas détrônées, l’admirateur de Bellini trouvera ici largement de quoi faire son miel. La comparaison avec la tentative récente de Marina Rebeka sera très instructive, au bénéfice de cet album-ci.

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.
coverart-master_preview.jpg

Note ForumOpera.com

4

Légende

❤️❤️❤️❤️❤️ : Exceptionnel
❤️❤️❤️❤️🤍 : Supérieur aux attentes
❤️❤️❤️🤍🤍 : Conforme aux attentes
❤️❤️🤍🤍🤍 : Inférieur aux attentes
❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

❤️❤️❤️❤️❤️ : Exceptionnel
❤️❤️❤️❤️🤍 : Supérieur aux attentes
❤️❤️❤️🤍🤍 : Conforme aux attentes
❤️❤️🤍🤍🤍 : Inférieur aux attentes
❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Vincenzo Bellini (1801-1835)
Norma, opéra tragique en deux actes, sur un livret de Felice Romani, créé à la Scala de Milan le 26 décembre 1831

Détails

Norma
Melody Moore

Pollione
Stefan Pop

Adalgisa
Roxana Constantinescu

Oroveso
Adam Lau

Flavio
Eusebiu Hutan

Clotilde
Noemi Modra

 

Chœur de Transylvanie

Orchestre philharmonique d’Etat de Transylvanie-Cluj

Direction musicale
Pier Giorgio Morandi

 

2 CD Euroarts 2011163, enregistrés à Cluj en juillet 2024, 2h25′

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

L’émotion de la beauté accomplie
CDSWAG

Les dernières interviews

Les derniers dossiers

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Clarté, poésie, fidèlité à la lettre et à l’esprit : un très beau Ring
Gianandrea NOSEDA, Andreas HOMOKI
DVD
Une aimable résurrection
Hélène GUILMETTE, Antoinette DENNEFELD, György VASHEGYI
CD