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En finir avec les idées fausses sur l’opéra (Jean-Philippe Thiellay)

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Livre
18 octobre 2025
Un plaidoyer, construit, argumenté, qui ne peut qu’emporter la conviction

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3

Infos sur l’œuvre

Détails

Jean-Philippe Thiellay

En finir avec les idées fausses sur l’opéra

Un volume broché, 12 x 18 cm, 180 p.

Paris, Les Editions de l’Atelier, 2025

13,50 €

Est-il un moment de son histoire où son devenir n’ait fait l’objet de spéculations, heureusement démenties par les faits ? L’opéra, comme toutes nos institutions, davantage peut-être, est mis en cause. Réputé éitiste, conservateur voire ringard, enfermé dans ses certitudes, saura-t-il s’adapter aux mutations, tordre le cou aux clichés négatifs qui l’accompagnent pour conquérir les publics ?

Le nom de Jean-Philippe Thiellay est familier aux lecteurs dont la musique lyrique est un centre d’intérêt. Il fut du reste un des premiers collaborateurs de Forumopéra. L’ancien directeur général adjoint de l’Opéra de Paris (auprès de Stéphane Lissner) fut président du Centre national de la musique, il a signé plusieurs essais biographiques – Rossini, Meyerbeer – ainsi qu’un d’un plaidoyer remarqué pour l’art lyrique (L’opéra, s’il vous plaît, Les Belles Lettres, 2021). Il nous promet un Carl Orff à paraître fin janvier (chez Actes Sud Musiques). Sa fonction au Conseil d’Etat est également le gage d’une indéniable compétence administrative et d’une connaissance fine des rouages de nos institutions. Il signe maintenant un petit volume – « En finir avec les idées fausses sur l’opéra » – où, de façon polémique, il passe en revue les abondants clichés qui nourrissent les préjugés des détracteurs de nos scènes lyriques.

A qui s’adresse ce plaidoyer convaincant en faveur de l’opéra ? Les lyricophiles retrouveront, organisées avec soin, les idées qui leurs sont chères. Aux acteurs, des équipes de direction aux musiciens et aux personnels « cachés » des opéras, bien entendu. Aux politiques – si rares au spectacle dès qu’ils ne sont pas premiers rôles – dont les décisions conditionnent sa survie ? On l’espère. Quant aux victimes des préjugés justement dénoncés, il est peu vraisemblable qu’ils soient retenus par le titre et l’objet, hélas. Il n’en demeure pas moins que cet essai s’imposait, pertinent et singulier dans sa forme.

La méthode, originale, est bienvenue et convainc. Quatre volets permettent d’organiser de façon claire le plaidoyer, qui nuance ou tord le cou à autant d’affirmations péremptoires. A savoir « l’opéra c’est du passé », il n’y a plus de public pour lui, c’est une « aberration économique », dont le problème principal résiderait dans les artistes. Chacune de ces affirmations nourrit de multiples chapitres, brefs, dont l’organisation se répète : rappel des faits qui semblent justifier l’accusation (en italique), suivi d’une réfutation (en caractères romains, ou droits), étayée sur des faits et tournée vers l’avenir. Certains propos sont enrichis d’un texte encadré qui précise les termes, documente ou illustre le sujet. Un système de numérotation permet des renvois entre toutes les composantes, contribuant à faire de cet opuscule de moins de 200 pages une sorte d’aide-mémoire, quasi encyclopédique. D’une large culture, particulièrement une connaissance du vécu culturel des générations montantes, des séries, des musiques actuelles, l’auteur use à propos d’un humour – parfois corrosif – à des fins provocatrices.

Même au passionné d’opéra, la lecture, stimulante, apportera des rappels fondamentaux, comme des informations ou précisions complémentaires. Quitte à susciter interrogations, voire désaccords sur quelques affirmations réductrices, de jugements à l’emporte-pièces (*). Ainsi, la question fondamentale de l’enseignement, de la transmission de la curiosité autant que des connaissances et du patrimoine est éludée. Même si l’auteur évoque « le choc, l’expérience fulgurante, y compris chez un ado venu sans conviction pour faire plaisir » à un proche (p.83). L’ouvrage, si riche soit-il, passe sous silence tout un pan obscur de la vie lyrique. Entendons par là tout ce qui ne relève pas des salles subventionnées (la Réunion des Opéras de France) et des « grands » festivals, à peu près seuls à bénéficier d’une médiatisation systématique. Or, des dizaines d’associations oeuvrent avec modestie et efficacité, fondées pour une large part sur le volontariat et le bénévolat. Ne dépendant que faiblement de subventions publiques, elles s’efforcent de pérenniser leur action, souvent avec bonheur (Baugé, Sanxay, Soustons, les déclinaisons de Lab’opéra, etc.). Même si l’opéra se développe en dehors de son berceau européen, ce que l’auteur signale, il ne semble pas avoir pris la mesure de son rayonnement, dans les pays asiatiques tout particulièrement, en relation étroite avec les structures d’enseignement musical. L’intercontinentalisation – si l’on me permet ce néologisme – participe aussi de son développement et de sa pérennisation.

Ces quelques réflexions témoignent de réactions que ne manque pas de susciter ce stimulant essai.

(*) Les instruments anciens « extrêmement limités sur le plan technique et peu adaptés à l’acoustique et aux attentes contemporaines », « certains opéras pourraient rester dans les placards et même quelques titres (de) Cavalli peuvent véhiculer un ennui profond » pp. 57-58. Les « vices » de Puccini (p. 62). Le « seul opéra ouvert en France après la Deuxième guerre mondiale » serait l’opéra Bastille (p. 79), ce qui fait douter que l’auteur franchisse souvent le périphérique pour écouter des opéras à Saint-Etienne, Dijon (auditorium) et bien d’autres villes en régions.

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❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

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