Depuis plusieurs mois ont fleuri les ouvrages de présentation de l’univers de l’opéra, dans la foulée de L’opéra pour les Nuls des Editions First en 2006, dans des versions plus ou moins illustrées (aux Editions Gründ, c’est un peu « l’opéra pour les touristes »1…), et plus ou moins problématisées : L’inventaire de l’opéra aux éditions Universalis, en 2005, est sûrement une des tentatives les plus réussies du genre, avec des signatures de haut niveau, tandis que Opéras mythiques2 manquait sa cible. Tout récemment, L’opéra en clair3 – dont on peut constater qu’il est en bonne place dans les boutiques de l’Opéra de Paris pendant les entractes – irritait par certains choix et oublis, non compensés par quelques pages plutôt réussies.
Ce sont les éditions Nathan qui s’y collent maintenant, en rééditant L’opéra, en 159 pages (sorti en 2005), sous la signature d’un duo, Thierry Bernardeau et Marcel Pineau qui a déjà publié La musique, dans la même collection, l’an dernier.
Le principe est simple : la présentation, sur une double page façon fiche technique, de thèmes essentiels qui couvrent l’histoire de l’opéra et ses différentes formes, mais aussi les différents métiers qui les font vivre.Seize œuvres du répertoire, de Monteverdi à Gershwin sont sommairement présentées.
La structure est habile et la présentation très agréable, avec une iconographie limitée mais sympathique. L’opérette n’est pas oubliée, avec un quizz amusant (mais pourquoi ne pas avoir développé l’idée pour d’autres chapitres ?). Les liens interdisciplinaires avec le théâtre (intéressant tableau p. 77, de même que celui consacré au mythe de Faust p. 29) et le cinéma sont bien présentés.
Pour le reste, on pourra pinailler sur pas mal de points : la double page consacrée à l’opéra seria est faible en références ; l’analyse des ambitus vocaux est discutable (le ténor n’irait que jusqu’au si naturel (p. 68) ?) ; certaines mentions sont quelque peu ridicules (ainsi, l’analyse des œuvres de Verdi en une ligne chacune, avec pour Falstaff la curieuse mention « Verdi y aborde le genre comique »… en faisant l’impasse sur Un giorno di regno créé en 1840) ; le chapitre consacré à « l’univers lyrique » aurait pu laisser un peu plus de place aux maisons d’opéra et à leur fonctionnement. Comme si elle avait été ajoutée au dernier moment, la dernière page « Les grandes salles de France et d’ailleurs » expose le fonctionnement en répertoire ou en saison mais ne dit mot du festival permanent et des festivals tout court. Par ailleurs, outre Paris, ne sont mentionnés que l’Opéra de Bordeaux et le Capitole de Toulouse. Curieux tropisme franco-français du sud-ouest… On pourra encore pointer des bizarreries (Carmen classée dans les soprani sans explication) ou des erreurs (Oktavian, dans le Chevalier à la rose, est, lui-aussi, soprano).
A noter qu’un petit guide pratique bien utile permet de conseiller au lecteur débutant une première œuvre de 26 compositeurs et l’enregistrement correspondant, ainsi que d’autres références pour approfondir. On pourra évidemment discuter les choix évidemment subjectifs (comment justifier, pour Il Trovatore, le choix de la version Giulini, une des plus mauvaises de la discographie ?) mais la démarche est pertinente.
Au final, par sa modestie et sa méthodologie, et malgré de réels points faibles réels, cet ouvrage vient prendre la tête des ouvrages récents sur ce créneau, surtout à un prix réduit. C’est déjà ça, même si on est loin de l’ouvrage des éditions Universalis ou du Piotr Kaminski, chez Fayard.
Jean-Philippe THIELLAY
1 Voir la critique de l’ouvrage sur le site nonfiction.fr
2 Voir la critique sur Forum Opera
3 Voir la critique sur Forum Opera