Son approche très plastique de la musique chorale pétrie de rigueur voire d’austérité semble prédisposer Laurence Equilbey à une solennité funèbre mais retenue. Cet enregistrement du Requiem de Mozart en est la démonstration. Accentus y fait valoir une intériorité qui ne se confond pas avec la retenue. La ligne vocale est toujours d’un galbe parfait, les nuances d’une grande finesse. C’est un chant dépourvu de tension, mais non d’intensité. Il faut cela dans des pages aussi différentes de climat et de ton que celles de l’Introitus et du Sanctus, par exemple. Aussi la solennité du Requiem n’est-elle jamais empreinte de quoi que ce soit de funèbre ou de larmoyant. Une distance certaine existe entre le fait même de la mort que le Requiem évoque et sa célébration musicale. Et ce jusque dans les pages les plus censément dramatiques, comme ce Rex tremendae clamé avec une sorte de ferveur excluant la terreur.
Les solistes eux-mêmes adoptent cette relative réserve face à ce qui pourrait vite verser dans le mauvais goût expressionniste – à l’exception peut-être de Werner Güra, très fougueux. Sandrine Piau comme Sara Mingardo sont bien plus séraphiques et Christopher Purves fait profil bas.
Une certaine interrogation naît toutefois de l’orchestre Insula, dont c’est ici le premier disque. Formation constituée par Laurence Equilbey et jouant sur instruments anciens, l’orchestre offre un son qui ne semble pas en accord absolu avec l’esthétique qui régit le chœur : un son coruscant, volontiers boisé, parfois abrupt voire grinçant, qui griffe plus d’une fois la patine extrême des voix. Est-ce volontaire ? Peut-être, mais alors on ne saisit pas toujours le sens de cet alliage dont le contraste souvent tourne au paradoxe sonore. Il se peut même que certaines velléités expressives, en divergeant, s’annulent ou du moins s’abrègent. On perd en tout cas à la fois en recueillement et en véhémence et à la fin domine le sentiment d’une lecture non pas inaboutie, mais maximaliste dans ses ambitions et imparfaite dans son exécution ; ainsi, la plénitude qui prévalait lors de l’exécution publique n’est pas sans révéler au miroir du disque de cruelles failles, et plus d’une fois notre admiratif recueillement se trouble des frustrations et du malaise qu’on éprouve devant un vague ratage.