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Cinq clés pour Beatrice di Tenda

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Actualité
5 février 2024
L’avant-dernier opéra de Bellini fait conjointement son entrée au catalogue de L’Avant-scène Opéra et au répertoire de l’Opéra national de Paris, du 9 février au 7 mars 2024.

Infos sur l’œuvre

Détails

L’Avant-Scène Opéra n° 337

L’œuvre 

  • Iseult Andreani : Argument
  • Felice Romani : Livret intégral original
  • Laurent Cantagrel : Traduction française
  • Guillem Aubry : Guide d’écoute

Regards sur l’œuvre

  • Elizabeth Crouzet-Pavan : D’une Beatrice l’autre
  • Adèle Yvon : Un livret entre textes, contexte et prétextes
  • Gilles Bertrand : Les métamorphoses du carnaval de Venise face à l’opéra
  • Jean Cabourg : Giuditta Pasta, Bellini, affinités électives

Écouter, voir et lire

  • Alfred Caron : Disco-vidéographie
  • Aurianne Bec : Bibliographie
  • Aurianne Bec : L’oeuvre à l’affiche

 

Date de parution : 11/2023
ISBN : 978-2-84385-430-9
128 pages

La création de Beatrice di Tenda à Venise le 16 mars 1833, moins de quinze mois après le triomphe de Norma à Milan, se solda par un fiasco – le seul à proprement parler dans la carrière de Bellini. Après quelques reprises en demi-teinte à Naples, Vienne, Londres jusqu’à Barcelone en 1867, l’ouvrage disparut de l’affiche pour ne reparaître véritablement qu’en 1961 sous l’impulsion de Joan Sutherland. Depuis, il fait figure d’étendard pour sopranos belcantistes avides de défis vocaux, espèce dont on sait qu’elle ne court pas les rues, ce qui par voie de conséquence limite le retour décisif de l’ouvrage au répertoire. Mais là n’est pas la seule raison de sa relative discrétion…

1 – Toute ressemblance avec Anna Bolena

Une soprano (Beatrice) accusée d’adultère par son époux baryton (Filippo) afin de pouvoir épouser la mezzo-soprano (Agnese). Toute ressemblance entre Beatrice di Tenda et Anna Bolena, l’opéra de Donizetti créé avec succès en 1830, à Milan, serait d’autant moins fortuite que dans un cas comme dans l’autre, Felice Romani est l’auteur du livret. Les similitudes deviennent troublantes si l’on ajoute au triangle amoureux un ténor (Orombello) épris de Béatrice et dont les sentiments provoqueront la perte de la malheureuse, condamnée in fine à la décapitation. Bellini alors au faîte de sa gloire s’inquiéta de l’inévitable rapprochement que le public ne manquerait pas de faire entre les deux œuvres. Est-ce la raison de l’échec de Beatrice di Tenda lors de sa création à Venise ? A moins que l’accueil maussade du public vénitien ne soit un effet de la désillusion causée par une partition inapte malgré ses qualités à rivaliser avec son opéra précédent, Norma, représenté pour la première fois sur cette même scène de La Fenice trois mois auparavant.

2 – Toute ressemblance avec des personnages ayant existé…

Née aux environs de 1370 dans le sud du Piémont, la véritable Beatrice ne s’est jamais nommée « di Tenda » mais « Cane », comme d’ailleurs son deuxième mari, Facino, épousé alors qu’elle avait une vingtaine d’années. La mort de ce dernier en 1412 la place à la tête d’une fortune constituée de plusieurs villes et territoires, d’une somme de 400.000 ducats et de troupes « entièrement dévouées à la veuve de leur chef » – raconte Elisabeth Crouvet-Pavan dans L’Avant-Scène Opéra. Un parti en or pour le nouveau duc de Milan, Filippo Maria Visconti, préoccupé de redorer un blason terni par la mauvaise gestion économique et politique de son prédécesseur et frère Giovanni Maria. Leur union est célébrée le 2 juillet 1412. Les époux ont plus de vingt ans d’écart. Né en 1392, Filippo Maria semble préférer la compagnie de ses jeunes pages et de la probable dame de compagnie de sa femme, Agnese del Maino. En 1418, six ans après leur mariage, Beatrice, accusée d’adultère, est exécutée en même temps que son prétendu amant, Michele Orombello. La sentence est-elle justifiée ? Rien n’est moins sûr. Ambitions politiques, poison, torture et trahison sont les ingrédients de cette sombre affaire, difficile à démêler, qui inspirera le livret de Beatrice di Tenda.

3 – Toute ressemblance avec Rigoletto….

Changement de tableau au premier acte de Beatrice di Tenda. Dans un couloir du château de Binasco, non loin de la statue de Facino Cane, des hommes d’armes avancent à pas prudents – andante maestuoso et pianissimo, indique la partition. Après quelques échanges furtifs d’un pupitre à l’autre, le chœur attaque un air en forme de marche qui, par sa tournure rythmique et mélodique, rappelle étrangement le chœur des courtisans au deuxième acte de Rigoletto – ouvrage postérieur d’une petite vingtaine d’années à Beatrice di Tenda. Verdi aurait-il cédé à la tentation du plagiat ? « Une des plus belles pages de l’opéra », commentent Jules Cavalié et Guillem Aubry dans le guide d’écoute de L’Avant-Scène Opéra, insistant sur le rôle joué par le chœur qui s’avère un des rouages de l’action, contrairement à Anna Bolena où il ne fait que la commenter. Cette fonction dramaturgique du chœur est une des particularités de Beatrice di Tenda et – il faut bien le reconnaître – l’une de ses seules originalités, l’opéra se contentant sinon de reproduire les conventions du genre. A signaler plus loin, le concertato du finale du premier acte qui par son rythme quasi valsé évoque cette fois Macbeth du même Verdi.

4 – Toute ressemblance avec « Casta Diva »…

Le rôle de Beatrice fut écrit par Bellini à l’intention d’une de ses sopranos fétiches, celle-là même qui avait créé Amina dans La sonnambule et Norma deux ans auparavant, en 1831 : Giuditta Pasta (1797-1865) – voix légendaire que Stendhal, fasciné, avouait ne pas parvenir à décrire (et dont la fille, Clelia, aurait inspiré le prénom de l’héroïne de La Chartreuse de Parme). De mezzo-soprano à l’origine, sa tessiture d’une étendue de deux octaves et demi, du la2 au 5, avait évolué peu à peu dans l’aigu, au détriment du grave, la conduisant à changer de répertoire. Imogène dans Il pirata à Vienne en 1830, suivie de la création d’Anna Bolena la même année, consacre la diva romantique, virtuose et dramatique, capable à la fois d’effiler de célestes coloratures et de darder des traits puissants. Beatrice s’inscrit dans cette filiation, moins angélique qu’Amina, moins tragique que Norma. A l’instar de cette dernière, elle dispose en guise de scène d’entrée d’un air bipartite dont la cavatine, « Quando offeso il suo stello », semble lorgner sur « Casta Diva ». Ritournelle à la flûte, arpèges élégiaque, modulations harmoniques, ponctuation du chœur féminin, délicates ornementations (il faut écouter Joan Sutherland dans la première intégrale studio de l’opéra en 1966 adoniser de trilles la ligne mélodique), … Comme dans Norma, le temps suspend son vol sans atteindre le même niveau extatique d’inspiration malgré le soin mis par Bellini pour introniser son héroïne au panthéon des enchanteresses de l’opéra.

5 – Toute ressemblance avec Bellini…

L’estocade, ce ne sont pas les auteurs de L’Avant-Scène Opéra qui la portent mais Rodolfo Celletti par l’entremise de Piotr Kaminski dans son indispensable Mille et un opéra. L’émérite zélateur du bel canto prétendait qu’au lieu du « grand Bellini » attendu, Beatrice di Tenda paraissait la copie d’un bon opéra de Donizetti – ce qui, soit dit en passant, n’est pas très obligeant pour le compositeur de Lucia di Lammermoor. « C’est la brièveté de la carrière de Bellini qui tend à grossir telle une loupe les pépites d’inspiration dans ce qui n’est, malheureusement, qu’un incident de parcours », surenchérit Piotr Kaminski. Jugement sévère mais sentence révocable. Chacun peut trouver dans une partition certes moins inspirée que d’autres matière à se laisser envouter, à condition de disposer d’interprètes à la hauteur de l’enjeu. Ce répertoire, inspiré par certains des plus grands chanteurs de tous les temps, ne souffre pas la médiocrité. Les discographie et vidéographie étudiées par Alfred Caron dans L’Avant-scène Opéra s’avèrent heureusement généreuses, de l’insurpassable Joan Sutherland dirigée par Nicola Rescigno en 1961 jusqu’à Dimitra Theodossiou à Catane en 2010, l’auteur appelant de ses vœux une édition critique de l’œuvre, nécessaire pour lui rendre sa vérité dramatique et par là-même sa juste place au répertoire ou, à défaut, au catalogue des opéras de Bellini.

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L’œuvre 

  • Iseult Andreani : Argument
  • Felice Romani : Livret intégral original
  • Laurent Cantagrel : Traduction française
  • Guillem Aubry : Guide d’écoute

Regards sur l’œuvre

  • Elizabeth Crouzet-Pavan : D’une Beatrice l’autre
  • Adèle Yvon : Un livret entre textes, contexte et prétextes
  • Gilles Bertrand : Les métamorphoses du carnaval de Venise face à l’opéra
  • Jean Cabourg : Giuditta Pasta, Bellini, affinités électives

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  • Aurianne Bec : Bibliographie
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Date de parution : 11/2023
ISBN : 978-2-84385-430-9
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