Forum Opéra

Les 20 dates qui ont fait l’Opéra

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Dossier
23 juin 2009

Infos sur l’œuvre

Détails

19 mai 1999 : naissance de Forum Opéra. A l’occasion de son 10e anniversaire, le premier webzine francophone du monde lyrique et de l’opéra balaye de manière arbitraire – c’est inévitable ! – les 20 autres dates qui ont forgé l’histoire du genre.

 

1er février 1598 : Création de Daphné de Jacopo Peri


Jacopo Peri © DR

De la tragédie grecque aux grands mystères chrétiens du Moyen-âge, musique et théâtre n’ont pas attendu la fin du XVIe siècle pour faire bon ménage mais il faut un début à tout. Daphne, une « pastorale » en un prologue et six tableaux sur un livret d’Ottavio Rinuccini et une musique de Jacopo Peri (1561-1633), représentée au Palais Corsi à Florence le 1er février 1598, est considérée comme le premier opéra jamais composé. Pourquoi Daphne ? Parce qu’elle marque une rupture avec la musique de l’époque dont la polyphonie, trop savante, génait l’intelligibilité du texte. En recherchant l’émotion sans nuire à l’expression, Jacopo Peri obéit à la règle fixée par la Camerata fiorentina, un laboratoire d’idées qui, sur l’initiative du comte Bardi, réunissaient artistes et esprits cultivés de l’époque: faire renaître la récitation lyrique de l’antique tragédie grecque en proposant une ligne monodique chantée dans un style libre et déclamatoire avec un soutien instrumental très simple.
 

 

24 février 1607 : Création d’Orfeo de Claudio Monteverdi


Orfeo (Edinburgh 2007)
© Murdo Macleod

Avec Orfeo, composé à l’occasion du carnaval annuel de Mantoue, Claudio Monteverdi (1567-1643) adopte la forme mélodramatique inventée par la Camerata fiorentina en l’enrichissant d’une foule d’emprunts techniques faits aux madrigalistes et organistes italiens comme aux compositeurs français d’air de cour et de ballets. De cette synthèse, nait une nouvelle forme de parler musical à travers lequel s’exprime l’humanité des personnages. En usant de toutes les ressources de l’orchestre pour peindre les sentiments, les caractères et même les situations, Monteverdi achève de poser la première pierre d’un genre nouveau. Orfeo contient en germe tout le devenir de l’opéra.
 

 

 

28 juin 1669 : Création en France de l’Académie royale de Musique

 
Privilège de
l’Académie royale
de musique
© BnF

Créée le 28 juin 1669 sur une proposition de Colbert, l’Académie royale de Musique reçoit pour missions de produire des divertissements en langue française, de susciter dans le public le goût de la musique et enfin d’assurer un enseignement de qualité. Jean-Baptiste Lully (1632-1687) en prend la direction en 1672 et met au point une formule qui engendre l’opéra français et le régira pendant près d’un siècle, voire plus. Adaptée aux goûts de l’époque, elle utilise un récitatif mélodique modelé sur la déclamation des grands tragédiens (nous sommes à l’époque de Corneille, Quinault, Molière et Racine) au détriment de l’air qui n’a ni l’ampleur, ni la richesse mélodique de l’aria italienne. En réservant une grande place aux chœurs et surtout aux ballets, elle se veut un spectacle complet qui met sur pied d’égalité l’ensemble des composantes de l’opéra : le texte (en vers), les décors, les costumes, la musique, la danse, les « machines », les lumières, etc. L’Académie royale de Musique changera treize fois de lieux de représentations au cours du XVIIIe siècle, jusqu’à sa transformation, à la Révolution, en « Théâtre des Arts », qu’on appelle aujourd’hui « l’Opéra National de Paris ».

 

 

21 novembre 1695 : Mort d’Henry Purcell

 
Henry Purcell © DR

En mourant prématurément le 21 novembre 1695 à l’âge de 35 ans, Henry Purcell (1659-1695) laisse l’Angleterre sur le carreau. Il ne composa pourtant qu’un seul opéra, Dido and Aenas (1689), synthèse des genres alors en vogue et véritable chef d’œuvre qui constitue hélas un embryon avorté de ce qu’aurait pu être l’opéra anglais si le sort n’en avait décidé autrement. Purcell qui s’était toujours refusé à travailler sur un livret italien aurait été consterné par l’italianisme, qui s’engouffrant dans la brèche ouverte par sa disparition, déferla sur l’Angleterre au cours des cinquante années suivantes au point d’en influencer durablement le paysage musical.

 

 

20 août 1720 : Débuts de Farinelli dans Angelica e Medoro de Nicola Porpora

 
Stefano Dionisi
Farinelli, il castrato
un film de
Gérard Corbiau (1994)
 © DR

Si Angelica e Medoro, un componimento drammatico en deux parties de Nicola Porpora (1686-1768) créé le 20 août 1720 à Naples, figure en bonne place dans l’histoire de l’opéra, ce n’est pas à cause de ses qualités musicales mais parce que l’œuvre marque les débuts de deux figures majeures : Carlo Broschi dit Farinelli (1705-1782) qui fait là ses premiers pas sur scène et Pietro Metastasio (1698-1782) dont il s’agit du premier libretto. Tandis que les textes du second allaient être mis en musique par les plus grands compositeurs d’opere serie – Nicola Porpora évidemment mais aussi Antonio Vivaldi (1678-1741), Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Johann Adolf Hasse (1699-1783) et jusqu’à Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) – le premier allait porter l’art du chant à des sommets inégalés. Par un travail quotidien, il avait enrichi des dons naturels exceptionnels qu’il combinait avec une véritable intuition dramatique et un sens de la mesure bienvenu à une époque qui, vocalement, n’en connaissait pas. Pour le grand public, il représente depuis le film de Gérard Corbiau (1994) le castrat par excellence, ce chanteur mâle dont on a ôté avant la mue l’appareil génital afin de conserver le registre aigu de sa voix d’enfant tout en bénéficiant du volume sonore produit par la capacité thoracique d’un adulte. Par leur virtuosité, l’étendue et la puissance incomparables de leur voix, les castrats furent très populaires dans l’opéra italien des XVIIe et XVIIIe siècles. La pratique de la castration, dont l’origine remonte à l’interdiction faite aux femmes de se produire en public, fut condamnée à la fin du XVIIIe siècle entraînant la disparition des derniers castrats au début du siècle suivant. Leurs rôles sont aujourd’hui confiés à des contre-ténors ou des mezzo-sopranos, dont les voix, quelles que soient leurs qualités, ne restituent qu’imparfaitement la magie de ceux qu’ils remplacent.

 

 

1er août 1752 : La querelle des Bouffons

 
La serva padrona (Lanciano 2002) © DR

En 1752, à Paris, éclate ce que l’on a appelé la « querelle des Bouffons », une bataille musicale née de la rivalité entre les partisans de la musique lyrique française, établie par Lully et renouvelée par Jean-Philippe Rameau (1683-1764), et ceux de la musique lyrique italienne dans le style bouffe. A l’origine de la dispute, une représentation le 1er août 1752 de La Serva padrona, un opera buffa de Jean-Baptiste Pergolèse (1710-1736) donnée par une troupe italienne (Les Bouffons). Au XVIIIe siècle, l’opéra italien a fortement évolué, plus rapidement que la tragédie lyrique française, jusqu’à se scinder en deux genres, l’opera seria avec des thèmes sérieux sur des livrets d’Apostolo Zeno et de Metastase et l’opera buffa qui introduit au théâtre des intermèdes comiques empreints de légèreté, de naïveté, de simplicité, d’irrationnel et de la trivialité du quotidien. Le succès inattendu de ces « bouffons » va diviser l’intelligentsia musicale parisienne en deux clans. Entre partisans de la tragédie lyrique – royale représentante du style français – et sympathisants de l’opéra-bouffe, défenseurs de la musique italienne, va naître une véritable querelle pamphlétaire qui animera les cercles musicaux de la capitale française jusqu’en 1754 et contribuera finalement à ouvrir la musique française à des valeurs esthétiques nouvelles.
 

 

3 août 1778 : Ouverture de La Scala de Milan

 
La Scala au XIXe siècle 
© DR

Construite par l’architecte Giuseppe Piermarini, à l’initiative de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, pour remplacer le théâtre ducal détruit par un incendie, le théâtre lyrique de Milan, La Scala ouvre le 3 août 1778 avec une représentation de L’Europa riconosciuta d’Antonio Salieri (1750-1825). Durant le XIXe siècle et jusqu’au début du XXe siècle, plusieurs opéras majeurs du répertoire italien y sont créés, contribuant ainsi à établir sa réputation de premier temple lyrique dans le Monde. Au XXe siècle, la présence en ses murs des plus grands chefs d’orchestre et chanteurs (Arturo Toscanini, Enrico Caruso, Maria Callas, Luciano Pavarotti,…) entretient le mythe. Aujourd’hui, même si son étoile a pali, le 7 décembre, jour d’ouverture de la nouvelle saison, reste un événement mondain incontournable et une date attendue par tous les amateurs d’opéra.

  18 mai 1779 : Création d’Iphigénie en Tauride de Christoph Willibald Gluck

Mireille Delusnch  Iphigénie en Tauride (Paris 2008)
© DR
Au XVIIIe siècle, l’opera seria s’impose donc dans toutes les cours d’Europe ou presque. A partir d’Orfeo ed Euridice (1762), Christoph Willibald Gluck (1714-1787) porte un coup au genre en manifestant un retour délibéré aux principes exposés plus de cent cinquante ans auparavant par la Camerata fiorentina : faire prévaloir l’expression dramatique sur l’ornementation vocale, tout en équilibrant solistes et orchestre dans la partition. Cette réforme trouve son aboutissement dans Iphigénie en Tauride, présentée le 18 mai 1778, à Paris. Le succès de l’œuvre met un terme à la polémique engagée depuis 1774 entre les partisans de Gluck, (appelés gluckistes) et les défenseurs de l’opéra italien (appelés piccinistes du nom compositeur Niccolo Piccini), les premiers à l’inverse des seconds se voulant partisans d’une musique qui sacrifie la beauté du chant à l’expression scénique. Avec Iphigénie en Tauride, Gluck clôt en France l’époque classique – celle de Lully et Rameau – et ouvre la voie aux grands dramaturges lyriques du XIXe siècle, notamment en Allemagne Mozart, Weber et surtout Wagner. C’est pourquoi on le considère comme le père de l’opéra allemand
 

 

29 octobre 1787 : Création de Don Giovanni de Wolfgang Amadeus Mozart

 
Gerard Finley 
Don Giovanni
(Londres 2003)
© DR

A une science musicale sans bornes, Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) ajoutait un sens du théâtre exceptionnel. Rien d’étonnant alors à ce que l’opéra occupe une place centrale dans son œuvre. Tout en se conformant aux règles et conventions du genre, qu’il soit seria, buffa ou même singspiel, ses ouvrages lyriques transcendent les formes pour aboutir à un résultat unique. Sous son impulsion, l’orchestre et les ensembles vocaux voient leur fonction dramatique décuplée. Avec les chefs d’œuvre de la maturité, il parvient à une fusion incomparable de tous les styles. Ainsi Don Giovanni, représenté pour la première fois à Prague le 29 octobre 1787, est-il une tragédie ou une farce ? Même si cette ambigüité est une des forces de l’ouvrage, Mozart, dépassant le sujet, touche ici au mythe et l’art lyrique au sommet.

 

 

3 août 1829 : Création de Guillaume Tell  de Gioacchino Rossini

 
Thomas Hampson
Guillaume Tell
(Paris 2003)
© DR

Après avoir bouleversé les structures de l’opéra italien, qu’il soit buffa ou seria avec des œuvres comme Il Barbiere di Siviglia (1816) ou Semiramide (1823), et connu un succès considérable dans toute l’Europe, Gioacchino Rossini (1762-1868) pose les fondements du « grand opéra » français en faisant représenter à Paris le 3 août 1829 son ultime ouvrage dramatique : Guillaume Tell. Descendant en droite ligne de la tragédie lyrique selon Lully, ce nouveau genre exploite le goût de l’époque pour le grand spectacle et les sujets historiques. Musicalement, il se caractérise par sa monumentalité : orchestration riche et variée, chœurs, grands ensembles, prouesses vocales, ballets… Giacomo Meyerbeer (1791-1864), Fromental Halevy (1799-1862) et bien d’autres compositeurs, français ou non, vont ensuite exploiter le filon jusqu’à l’excès, tout comme en Italie, dans un autre genre, Vincenzo Bellini (1801-1835), Gaetano Donizetti (1797-1848) vont s’engouffrer dans la brèche laissée ouverte par le départ de Rossini. Quant à Guillaume Tell, sa création se solda par un demi-échec qui, pour plusieurs raisons, certaines encore mystérieuses d’ailleurs, contribua à éloigner Rossini définitivement de la scène. Il vécut encore près de 40 ans sans composer un seul opéra.

 

 

23 septembre 1836 : Mort de Maria Malibran

 
Maria Malibran
par Henri Decaisne
(1830)
© RMN – Bulloz

Les castrats disparus, l’âge romantique va opérer un transfert vers les cantatrices, les « divas » que Maria Malibran (1808-1836) représente mieux qu’une autre. Le public, habitué à ce que les premiers rôles masculins soient dévolus à des voix aigues, verra la diva romantique interpréter indifféremment des hommes ou des femmes : Romeo de I capuletti e i Montecchi (Bellini, 1830) ou Desdemona dans Otello (Rossini, 1816). Peu lui importe ; il ne l’identifie pas à ses personnages mais l’aime pour son talent, sa beauté, les vertus qu’il lui prête, son luxe extravagant et ses caprices. Avec une voix de mezzo-soprano d’une longueur exceptionnelle – du sol grave (sol2) au contre-mi (mi5) et une technique imparable, Maria Malibran doit sa renommée à son art mais aussi à sa personnalité et à une vie rocambolesque. En mourant à l’âge de 28 ans, le 23 septembre 1836, des suites d’une chute de cheval, elle inaugure la liste des mythes foudroyés dans la fleur de l’âge, dont, au-delà de l’opéra et plus près de nous, James Dean ou Marylin Monroe seront d’autres incarnations.

 

 

9 mars 1842 : Création de Nabucco de Giuseppe Verdi

 
Leo Nucci
Nabucco
(Avenche 2005)
© DR

Avec Nabucco, créée le 9 mars 1842 à La Scala de Milan, Giuseppe Verdi (1813-1901) devient célèbre du jour au lendemain. Une gloire qui ira en grandissant au fil des ans jusqu’à faire du compositeur une des figures majeures de l’art lyrique. Si ce premier succès n’est pas le plus accompli de ses opéras, il comporte déjà bon nombre de caractéristiques qui feront la renommée des chefs d’œuvres à venir : une force dramatique inouïe qui privilégie les émotions fortes ; une expressivité mélodique qui dessine des caractères trempés ; une écriture vocale généreuse ; un traitement orchestral puissant même si parfois sommaire. Une part du succès de Nabucco est également due au message patriotique que l’opéra sous-entend. Les Milanais tenus sous le joug autrichien s’identifient au peuple hébreu opprimé par le roi de Babylone. L’opéra prend ainsi une dimension contestataire. Verdi jouera souvent cette carte, à des fins politiques – La battaglia di Legnano (1849), Attila (1846) – mais aussi pour dénoncer l’hypocrisie de la société – La Traviata (1853) – ou de la religion – Don Carlos (1867), Aida (1871). Il n’est pas le premier à emprunter cette voie. La première de La muette de Portici d’Esprit Auber (1782-1871) le 25 août 1830 au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles est l’étincelle que les Belges attendaient pour déclarer leur indépendance, les Bruxellois reprenant à leur compte la lutte des Napolitains contre l’oppression espagnole racontée dans l’opéra. Ce maître du drame sanglant et sanglotant que fut Giuseppe Verdi achève sa carrière par un grand éclat de rire : Falstaff (1893), « comédie lyrique » qu’il compose à l’âge de 76 ans et qui ressuscite génialement un genre tombé alors en désuétude : l’opera buffa.

 

 

27 janvier 1874 : Création de Boris Godounov de Modest Moussorgsky

 
Feodor Chaliapine
dans Boris Godounov
par Aleksandr Golovin (1912)
© DR 

S’il n’est pas le premier des opéras russes – C’est Une vie pour le Tsar de Paul Glinka (1804-1857) qui ouvre le bal en 1836 – Boris Godounov de Modest Moussorgsky (1830-1881), créé le 27 janvier 1874 à Saint-Pétersbourg, en est assurément le fleuron. Par son sujet, par sa structure, par l’emprunt au folklore national comme par la rugosité de sa musique, l’œuvre place l’école russe au premier plan juste après les italiens, les français et les allemands. Des compositeurs comme Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) et Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893), même si plus teintés d’européanisme, ou au XXe siècle, Sergueï Prokofiev (1891- 1953) et Dmitri Chostakovitch (1906-1975) témoignent de sa vigueur. D’une manière générale, la deuxième partie du XIXe siècle voit se développer des écoles nationales dans toute l’Europe. Si l’Angleterre et l’Espagne restent des colonies italiennes malgré quelques tentatives sans grande portée, la Hongrie avec Ferenc Erkel (1810-1893) et surtout la Tchécoslovaquie avec Bedrich Smetana (1824-1884), Antonin Dvorak (1841-1904) et, plus tard, Leos Janacek (1854-1928) manifestent l’identité lyrique de leur pays.

 

 

5 janvier 1875 : Inauguration de l’Opéra Garnier

 
Grand foyer
Opéra Garnier
© DR 

Victime d’un attentat en 1858 alors qu’il se rend à l’Opéra, situé à cette époque rue Le Peletier, Napoléon III décide de construire une nouvelle salle qui soit un lieu d’apparat pour la haute société parisienne. Dix-sept ans plus tard et cinq années après la chute du Second-Empire, le 5 janvier 1875, l’Opéra Garnier – du nom de son architecte Charles Garnier – ouvre ses portes en présence du président de la République Mac Mahon, du lord-maire de Londres, du bourgmestre d’Amsterdam, de la famille royale d’Espagne et de près de deux-mille invités venus de l’Europe entière et d’ailleurs. Tous découvrent stupéfaits l’architecture somptueuse et la richesse des décorations, intérieure comme extérieure, qui font du bâtiment le plus beau théâtre lyrique du Monde. Souvent imité, jamais égalé, l’Opéra Garnier, dont on ne sait si le spectacle est sur la scène ou, compte tenu de sa splendeur, dans la salle se veut un immense salon mondain autant qu’un théâtre et par là même affirme la dimension sociale de l’opéra.

 

 

3 juin 1875 : Mort de Georges Bizet

 
Georges Bizet
© DR 

La disparition prématurée de Georges Bizet, le 3 juin 1875 à l’âge de 36 ans, prive l’opéra français du seul compositeur lyrique qui aurait pu être capable de rivaliser avec Verdi pour l’Italie et Wagner pour l’Allemagne. Non que l’école française n’ait pas été active au milieu du XIXe siècle. En marge du grand opéra incarné par Meyerbeer et Halévy et de l’opéra-comique, un genre typiquement français qui alterne parlé et chanté, Hector Berlioz (1803-1869) propose plusieurs œuvres théâtrales originales, trop pour le goût du public de l’époque qui boude la plupart d’entre elles : Benvenuto Cellini (1838), La damnation de Faust (1846), Les Troyens (1863). Au contraire, la musique de Charles Gounod (1818-1893), gracieuse, mélodique mais sans grande audace, remporte un franc succès : Faust (1859), Mireille (1864) ainsi que Roméo et Juliette (1867). Citons aussi Jacques Offenbach (1819-1880) qui invente un nouveau genre l’opéra-bouffe, à ne pas confondre avec l’opérette, le premier ayant une dimension satirique que ne possède pas la seconde, plus sentimentale. A l’inverse de Giuseppe Verdi, Offenbach après avoir composé des œuvres légères – ou presque – toute sa vie, se fait sérieux dans son dernier ouvrage, Les Contes d’Hoffmann (1881). Mais tous ces opéras sont surclassés par Carmen (1875), l’un des chefs d’œuvre absolu de l’art lyrique, le plus populaire aussi, remarquable tant d’un point de vue mélodique et vocal qu’orchestral et dramatique, véritable miracle signé Georges Bizet que la mort empêcha, donc et hélas, de renouveler.

 

 

13 août 1876 : Inauguration du Festspielhaus à Bayreuth

 
Der Ring des Nibelungen
(Bayreuth 2006)
© DR

Avec Richard Wagner (1813-1883), l’Opéra devient cérémonie sacrée qui affirme comme jamais sa volonté de rassembler tous les arts en un seul. Le compositeur ne se contente pas d’ailleurs d’écrire la musique, il met lui-même ses livrets en vers et supervise personnellement toutes les représentations de ses œuvres. A cet art total, envisagé plutôt comme religion que comme divertissement, il faut un temple. Ce sera le Festspielhaus de Bayreuth, théâtre conçu par Wagner, pour que ses opéras soient représentés dans les meilleures conditions possibles. Le 13 août 1876 peut donc avoir lieu la première présentation intégrale de Des Ring des Nibelungen, un « festival scénique » en un prologue et « trois journées » qui dépasse en dimension et en complexité tout ce que l’on peut imaginer : 4 opéras, 16 heures de musique, une trentaine de premiers rôles, un orchestre de 125 musiciens, une centaine de thèmes rythmiques ou mélodiques qui soutiennent une architecture monumentale au service d’un récit épique, imprégné de théosophie. « Quand j’écoute trop Wagner, j’ai envie d’envahir la Pologne. » peut ironiser Woody Allen faisant allusion à l’antisémitisme du compositeur et à la vénération que lui vouèrent les nazis, il n’en marque pas moins de son empreinte l’art lyrique au point d’en avoir modifié l’essence même.

 

 

30 avril 1902 : Création de Pelléas et Mélisande de Claude Debussy

 
Pelléas et Mélisande
(Genève 2000)
© DR

Est-ce parce qu’il a voulu voir en Richard Wagner « un crépuscule que l’on prenait pour une aurore » ? Toujours est-il que Claude Debussy (1862-1918) parvient le premier à s’affranchir de l’influence du Maître de Bayreuth en proposant le 30 avril 1902 à Paris, Pelléas et Mélisande, un « drame lyrique », qui par sa modernité – notamment l’attention portée à la prosodie – ouvre la voie à l’Opéra du XXe siècle. Si l’œuvre de Richard Strauss (1864-1949) ou, côté français et italiens, celle de Jules Massenet (1842-1912) et Giacomo Puccini (1858-1924), bien qu’originales, sont encore teintées de wagnérisme, les compositeurs suivants s’inspirent de l’exemple de Pelléas et Mélisande pour tracer leur propre chemin. Ainsi, Alban Berg (1885-1935) avec Wozzeck (1925), Béla Bartók (1881-1945) avec le Château de Barbe-Bleue (1918) ou Benjamin Britten (1913-1976) avec Peter Grimes (1945) utilisent des techniques d’écriture nouvelle pour explorer les tréfonds de l’âme humaine. Puis au fur et à mesure que le siècle s’avance, les différentes écoles, autrefois nationales, s’éclatent en de multiples courants. Avec le décloisonnement des frontières et des arts, l’Opéra devient plus que jamais territoire d’expérimentation dans lequel le public rechigne parfois à s’aventurer, préférant soit limiter son domaine d’activité lyrique aux âges classique et romantique, soit carrément voyager dans des contrées plus divertissantes : le cinéma, la comédie musicale…
 

 

28 mai 1955 : Consécration de Maria Callas dans La Traviata à La Scala de Milan

 
Maria Callas
La Traviata
(Milan 1955)
© DR

Maria Callas (1923-1977) ne s’est pas contentée de perpétuer au XXe siècle le mythe de la diva tel que l’avait instauré Maria Malibran. Sa voix était certes prodigieuse, son art remarquable, sa personnalité unique et son destin suffisamment exceptionnel pour inspirer biographes, écrivains et même cinéastes, mais son génie va au-delà. En apparaissant le 28 mai 1955 dans La Traviata mise en scène par Luchino Visconti à La Scala de Milan, amaigrie, métamorphosée, d’une beauté incroyable, véritablement conforme à l’image de l’héroïne imaginée par Verdi, elle donne au chanteur d’opéra une nouvelle dimension. A partir de La Callas, les personnages sur scène existent autant par le physique et le geste que par la voix et l’accent. Ce n’est pas là sa seule révolution. En ressuscitant le mythe de la diva romantique, elle remet au goût du jour le répertoire qui va avec – celui des années 1830 – et la manière de l’interpréter. Enfin, alors que le microsillon, en plein essor dans les années 1950, sert de tremplin à sa popularité, Maria Callas, en enregistrant ses meilleurs rôles (sauf, ironie du sort, cette Traviata dont le souvenir ne survit que par le disque pirate*), contribue à rendre accessible l’opéra au plus grand nombre. Son timbre étonnamment phonogénique réussit à impressionner malgré l’absence de l’image. Aujourd’hui encore, on ne compte plus le nombre de personnes converties à l’opéra par l’écoute de sa seule voix.

* EMI, la Scala et Maria Callas n’étant pas parvenus à un accord, c’est finalement la soprano Antonietta Stella qui enregistrera le rôle de Violetta pour EMI. Il existe cependant un enregistrement studio de La Traviata de Maria Callas, réalisé deux ans auparavant – en 1953 – pour la firme Cetra qui arrive malheureusement trop tôt dans la carrière de la cantatrice. Son interprétation du personnage n’est pas encore aboutie et le reste de la distribution relève de la routine.

 

 

16 janvier 1987 : Représentation d’Atys de Lully à Paris

 
Atys
(Paris 1987)
© DR 

Contrairement aux périodes précédentes, la fin du XXe siècle n’est marquée ni par une œuvre, ni par un compositeur, ni par une personnalité capables de faire évoluer l’art lyrique, mais par deux phénomènes nouveaux qui, à leur manière, vont tout de même bouleverser le genre : la redécouverte du répertoire baroque – les opéras de 1600 à 1750 environ – et l’avènement du metteur en scène. A partir des années 1980, à la lumière des recherches réalisées après la 2e guerre mondiale autour de l’interprétation des œuvres anciennes sur instruments de la même époque, des grands opéras oubliés depuis des siècles sont exhumés et représentés. Le répertoire lyrique, qui courait alors sur une période réduite à un siècle et demi – des opéras de Mozart (les années 1780) à Turandot de Puccini (1926) – reprend de l’envergure. Des compositeurs comme Monteverdi, Haendel, Vivaldi reviennent au premier plan. En parallèle, le metteur en scène apporte une bouffée d’air frais en renouvelant la forme de ce répertoire qui se circonscrivait aux mêmes œuvres représentées inlassablement. Même si prétexte à de nombreuses discussions, la modernisation de la mise en scène lyrique contribue à rapprocher l’opéra du théâtre et rendre plus sensible au spectateur d’aujourd’hui le message porté par la musique. C’est pourquoi, la résurrection par William Christie le 16 janvier 1987 d’Atys, une tragédie lyrique de Lully, dans une mise en scène d’une beauté et d’une vérité à couper le souffle signée Jean-Marie Villégier, apparait comme l’événement emblématique de cette période.

 

 

30 décembre 2006 : diffusion de La Flûte enchantée en direct du Metropolitan Opera


La Flûte Enchantée
(New York 2006)
© DR 

La diffusion, le 30 décembre 2006, de La Flûte enchantée en direct du Metropolitan Opera de New York – et en haute définition – dans 7 cinémas au Royaume-Uni, au Japon et en Norvège marque sans doute un nouveau jalon dans l’histoire de l’Opéra. Parce que d’abord ce nouveau moyen de transmission rend plus accessible l’art lyrique et qu’ensuite il atténue l’effet de la loi de Baumol (qui veut que l’écart entre le coût de la représentation et le prix où elle peut se vendre sur le marché aille toujours croissant). Auparavant, plusieurs pays avaient essayé de contrecarrer ce phénomène économique en construisant des théâtres encore plus grands, capables donc d’accueillir encore plus de spectateurs au détriment de la résistance physique des chanteurs – la voix humaine a ses limites – et de l’émotion – comment apprécier vraiment un spectacle dans une salle de plus de 1000 m2. Bataille perdue d’avance dans laquelle malheureusement la France se jeta aussi en inaugurant à Paris le 13 juillet 1989 une nouvelle salle de 2700 places : l’Opéra Bastille. L’opération « Metropolitan Opera : en direct et en haute définition » apparaît comme une meilleure solution aux problèmes de capacité et de rentabilité des maisons d’opéra. Avec plus de 1,6 millions de spectateurs durant la saison 2008-2009, son succès confirme la suprématie de la première salle lyrique américaine qui vient de fêter en grande pompe ses 125 ans le 15 mars dernier.

   

Christophe Rizoud

Réagissez à cet article, votre commentaire sera publié
{cms_module module=’FormBuilder’ form=’contact’}

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Infos sur l’œuvre

Détails

Nos derniers podcasts

Nos derniers swags

Les dernières interviews

Les derniers dossiers

Dossier

Zapping

Vous pourriez être intéressé par :

Dossier